Terralaboris asbl

Quant au caractère récupérable des avances faites par l’entreprise d’assurances au regard de l’article 17 de la Charte de l’assuré social

Commentaire de C. trav. Mons, 14 janvier 2009, R.G. 21.044

Mis en ligne le vendredi 17 avril 2009


Cour du travail de Mons, 14 janvier 2009, R.G. 21.044

TERRA LABORIS ASBL – Mireille jOURDAN

Dans un arrêt du 14 janvier 2009, la Cour du travail de Mons se prononce sur le caractère récupérable des avances faites par l’entreprise d’assurances à la victime, sur la base de la proposition d’indemnisation établie. Selon la Cour, les avances sur les indemnités pour incapacité permanente sont récupérables mais non celles relatives à l’incapacité temporaire.

Les faits

Monsieur E. est victime d’un accident du travail en date du 24 décembre 1991. Dans le cadre du règlement de cet accident, l’entreprise reconnaît une incapacité temporaire de travail du 25 décembre 1991 au 2 août 1992 et une incapacité permanente de 13% au 3 août 1992. Cette proposition est formulée par un projet d’accord indemnité, que l’intéressé refuse de signer.

L’affaire est alors introduite devant le Tribunal, qui désigne un médecin expert. Dans l’intervalle, et conformément à l’article 63, § 4, de la loi du 10 avril 1971, l’entreprise d’assurances assure le paiement des indemnités conformément à sa proposition.

L’expert dépose son rapport le 14 mai 1999, concluant à une incapacité temporaire identique à celle reconnue par l’entreprise d’assurances et une incapacité permanente de 5% (soit un taux inférieur au pourcentage proposé par l’entreprise d’assurances).

A cette suite, l’entreprise d’assurances demande le remboursement des sommes payées dans le cadre de l’incapacité permanente (différence entre les allocations payées sur la base de 13 % et celles dues sur la base de 5%).

Les conclusions de l’expert sont entérinées par un premier jugement du 1er février 2001, le Tribunal réservant à statuer quant à la demande de remboursement.

En 2005, Monsieur E. demande la condamnation de l’entreprise d’assurances à payer des indemnités pour une nouvelle période d’incapacité temporaire, s’étendant du 1er novembre 1998 au 31 décembre 2000.

La décision du tribunal

Par jugement du 17 janvier 2008, le Tribunal fait droit à la demande de remboursement, de même qu’à la prise en charge de la nouvelle période d’ITT. Le Tribunal compense les créances et condamne l’intéressé au paiement du reliquat (8.184,25 €, à majorer des intérêts).

La position des parties

Monsieur E. interjette appel du jugement, sollicitant que la demande de remboursement soit déclarée fondée et que l’entreprise d’assurances lui verse les indemnités pour la période d’ITT de 1998 à 2000 (demande chiffrée à 6.161,69 €). Il invoque l’article 17 de la Charte de l’assuré social ainsi que le fait que les paiements effectués ont une cause (servir les avances).

L’entreprise d’assurances s’y oppose, contestant l’existence d’une décision de revision au sens de la Charte dans la situation d’espèce. Elle conteste par ailleurs que, vu le caractère d’ordre public de la loi, le paiement des avances puisse être considéré comme une reconnaissance.

La décision de la Cour

La Cour constate que les paiements litigieux (sur lesquels porte la demande de remboursement) ont été faits en application de l’article 63, § 4, de la loi du 10 avril 1971 et qu’il est apparu, à la suite du jugement du 1er février 2001, que le taux définitif d’incapacité permanente est moins important que celui retenu par l’entreprise d’assurances (5% contre 13%).

La Cour estime que l’articulation de l’article 17 de la Charte (qui refuse tout effet rétroactif à une nouvelle décision rectifiant une décision antérieure entachée d’une erreur de droit ou matérielle) et de l’article 63, § 4, de la loi (qui impose à l’assureur d’assurer des avances sur la base de ses propositions d’indemnisation) a été réglée par la Cour de cassation dans un arrêt du 11 juin 2007. En application de cette jurisprudence, la décision qui fixe définitivement les droits de la victime (en l’occurrence le jugement) n’est pas une nouvelle décision au sens de l’article 17 de la Charte, disposition qui ne trouve ainsi pas à s’appliquer.

En ce qui concerne les conditions de la répétition d’indu, la Cour, en réponse aux arguments de Monsieur E., estime que la Cour de cassation n’a pas jugé que le paiement qui trouve sa cause dans l’article 63, § 4, n’est pas un paiement indu.

Elle rappelle que, si la durée de l’incapacité temporaire est une donnée de fait, il n’en va pas de même de la fixation de la date de consolidation et du taux de l’incapacité permanente de travail, qui constitue des données juridiques. Au vu du caractère d’ordre public de la loi, l’entreprise d’assurances n’est pas liée par les propositions formulées sur ces éléments (au contraire de l’incapacité temporaire, qui peut présenter un caractère obligatoire).

Pour la Cour, dès lors que le paiement des avances sur les allocations pour incapacité permanente ne constitue pas une reconnaissance dans le chef de l’assureur, le remboursement des sommes payées au-delà de ce qui est fixé lors du règlement définitif est justifié.

Elle admet par ailleurs la compensation entre l’indu et les indemnités pour incapacité temporaire.

Intérêt de la décision

L’arrêt se prononce sur le caractère récupérable des sommes versées volontairement par l’entreprise d’assurances, sur la base de la proposition d’indemnisation formulée à la victime (accord-indemnité). Elle rappelle deux points relatifs à :

  • l’application de l’article 17 de la Charte de l’assuré social (elle suit à cet égard l’enseignement de la Cour de cassation, pour qui la demande de l’assureur, qui, revenant sur la décision d’octroi des allocations, en demande le remboursement, n’est pas une décision de revision au sens de la Charte) ;
  • l’absence de reconnaissance dans le chef de l’entreprise d’assurances, en cas de propositions faites, sur le taux d’incapacité permanente et la consolidation, vu qu’il s’agit de notions juridiques.

L’arrêt se prononce par ailleurs brièvement sur les conditions de l’existence d’un paiement indu et, plus précisément, sur la question de la cause du paiement (un paiement indu supposant l’absence de cause à celui-ci), relevant que la Cour de cassation n’a pas érigé en principe qu’un paiement fondé sur l’article 63, § 4, de la loi du 10 avril 1971 a une cause. Or, dans un arrêt du 22 février 1999 (J.T.T., 1999, 295), la Cour de cassation a précisé que « … n’est pas indu un paiement qui trouve sa cause, soit dans la reconnaissance de la durée d’une incapacité totale de travail du fait de laquelle les paiements sont en principe dus, soit dans la disposition de l’article 63, § 4, alinéa 1er, de la loi du 10 avril 1971 sur les accidents du travail, en vertu duquel en cas de contestation sur la nature ou le degré d’incapacité de travail de la victime, l’assureur est tenu d’avancer à celle-ci l’indemnité journalière ou l’allocation annuelle visées aux articles 22, 23, 23bis ou 24 sur base du degré d’incapacité de travail présenté par lui ».

A la suite de l’arrêt du 11 juin 2007, sur l’article 17 de la Charte, l’on peut donc considérer que la décision de revoir les conditions d’indemnisation servies dans le cadre de l’article 63, § 4, n’est pas une décision de revision au sens de cette disposition, sans cependant que cette position remette en cause la jurisprudence antérieure, sur la notion même de paiement indu.


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