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Rente d’accident du travail : Non plafonnement en cas de mise en disponibilité précédant la pension de retraite

Commentaire de C. trav. Mons, 14 janvier 2009, R.G. 21.018

Mis en ligne le vendredi 17 avril 2009


Cour du travail de Mons, 14 janvier 2009, R.G. 21.018

TERRA LABORIS ASBL – Sophie Remouchamps

Dans un arrêt du 14 janvier 2009, la Cour du travail de Mons, statuant après un arrêt de cassation du 8 octobre 2007, confirme que l’article 6, § 1er de la loi du 3 juillet 1967 ne peut s’appliquer pendant la mise en disponibilité.

Les faits

La demanderesse originaire est enseignante et fut victime d’un accident du travail en date du 31 mai 1983. Pour celui-ci, elle devait percevoir une rente correspondant à une incapacité permanente de 40% à dater du 4 mars 1993, ce qui fut confirmé par arrêté du gouvernement de la Communauté française. La rente fut cependant limitée à 25% de la rémunération de base plafonnée, conformément à l’article 6, § 1er de la loi du 3 juillet 1967.

L’intéressée demande sa mise en disponibilité pour convenances personnelles précédant la pension de retraite en 2001. Elle sollicite, quelques mois plus tard, le déplafonnement de la rente, avec effet à la date de la mise en disponibilité, au motif que l’article 6, § 1er ne trouverait pas à s’appliquer. L’administration des Pensions maintient la limitation de la rente à 25%.

L’intéressée est dès lors contrainte de contester cette décision et lance donc citation contre l’Etat belge le 30 octobre 2002.

La position du tribunal du travail de Bruxelles

La demanderesse est déboutée par le tribunal du travail de Bruxelles, et ce par jugement du 15 juin 2004. Pour le tribunal, il y a lieu d’appliquer l’article 6, § 1er dès lors que la mise en disponibilité pour convenances personnelles précédant la pension de retraite ne peut se confondre avec une situation de cessation des fonctions.

La position de la Cour du travail de Bruxelles

La Cour du travail confirme le jugement du tribunal, estimant qu’il y a lieu d’appliquer l’article 6, § 1er au motif que, si la mise en disponibilité pour convenances personnelles a pour effet de libérer l’emploi occupé, il est constant que les articles 6 et 7 de la loi du 3 juillet 1967 s’articulent autour d’une seule variable : l’exercice ou la cessation des fonctions. Pour la Cour, l’exercice des fonctions s’entend au sens large du lien statutaire. Dès lors que, pendant la période de mise en disponibilité, le lien statutaire est maintenu, la rente doit rester limitée.

La demanderesse ayant, à titre subsidiaire, demandé que la Cour constitutionnelle soit interrogée, la Cour du travail rejette cette demande, au motif que la question posée, portant sur la différence de traitement entre les enseignants mis en disponibilité pour convenances personnelles avant la pension de retraite et ceux qui bénéficient de celle-ci, n’est pas pertinente, au motif que ces catégories de personnes ne sont pas suffisamment comparables.

Arrêt de la Cour de cassation

L’intéressée se pourvoit en cassation de cette décision. Par arrêt du 8 octobre 2007, la Cour suprême casse l’arrêt de la Cour du travail de Bruxelles au motif d’une mauvaise application des articles 6, § 1er et 7, § 2 de la loi.

Position des parties devant la Cour du travail de Mons

L’appelant fait valoir que l’enseignant mis en disponibilité en vertu de l’arrêté royal n° 297 du 31 mars 1984 (art. 10bis) ne se trouve pas dans la situation de la victime d’un accident concernée par l’exercice de ses fonctions au sens de l’article 6, § 1er de la loi du 3 juillet 1967. En conséquence, l’enseignant qui est dans une telle situation peut se prévaloir du principe de la réparation intégrale des conséquences de l’accident du travail, principe consacré aux articles 5 et 7, § 2 de la loi.

Quant au Service des Pensions du Secteur Public, il fait valoir que l’intéressée a conservé l’exercice de ses fonctions et qu’elle continue à exercer celles-ci statutairement, de telle sorte que le lien avec son employeur n’est pas rompu. Pour l’Administration, la disponibilité ne doit pas être confondue avec la cessation de fonctions ; il s’agit d’une position administrative. Le fait que le traitement soit réduit n’a aucune incidence juridique.

Position de la Cour du travail

La Cour reprend le texte des articles 6 et 7 de la loi, le premier faisant référence à la situation de la victime qui conserve l’exercice de fonctions, le second visant la cessation de celles-ci. La Cour poursuit que la portée de l’enseignement de la Cour de cassation est tout à fait clair : l’enseignant mis en disponibilité pour convenances personnelles précédant la pension de retraite ne conserve pas l’exercice de fonctions au sens de l’article 6, § 1er de la loi. Il se trouve dès lors dans la situation de l’article 7, § 2, à savoir celle de la victime d’un accident qui a cessé ses fonctions sans avoir droit à une pension de retraite. En conséquence, l’enseignant peut bénéficier de la totalité de la rente en cause.

L’intérêt de la décision

Cet arrêt de la Cour du travail de Mons, rendu après cassation, donne une solution logique à la situation visée, étant la mise en disponibilité pour convenances personnelles précédant la mise à la retraite. Même si le lien avec l’employeur public n’est pas rompu, il y a lieu de retenir que l’intéressée n’exerce pas ses fonctions pendant cette période et ne peut donc voir son droit à la rente limité au plafond des 25%.

Cet arrêt est également l’occasion de saluer la ténacité de la victime, qui est allée jusqu’en cassation afin de faire valoir son droit, droit que ne lui avait reconnu ni le tribunal, ni la Cour du travail.


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