Terralaboris asbl

Critères d’appréciation de l’incapacité physique ou mentale de 66% pour l’enfant handicapé âgé de moins de 21 ans (né avant le 1er janvier 1996)

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 4 septembre 2008, R.G. 50.034

Mis en ligne le vendredi 17 avril 2009


Cour du travail de Bruxelles, 4 septembre 2008, R.G. n° 50.034

TERRA LABORIS ASBL – Pascal Hubain

Dans un arrêt du 4 septembre 2008, la Cour du travail de Bruxelles a précisé les conditions posées par l’article 2 de l’arrêté royal du 3 mai 1991 relatif à l’incapacité d’un enfant, susceptible de lui accorder un complément d’allocations familiales.

Les faits

En mai 2005, l’ONSSAPL prend une décision par laquelle il considère qu’un enfant (né avant le 1er janvier 1996) ne présente plus à la date d’un examen médical d’avril 2004 une incapacité supérieure à 66% en fonction du barème officiel belge des invalidités (BOBI).

L’enfant a en effet été victime d’une chute du 2e étage de son domicile le 21 juillet 2003 et s’était vu reconnaître une diminution de capacité supérieure à 66% du 1er juillet 2003 au 30 avril 2004. En juillet 2004, le père avait introduit une demande d’allocations familiales majorées et celle-ci fut rejetée par l’administration.

La position du tribunal

Le tribunal du travail a désigné un expert, qui a rendu son rapport en août 2006 : ce rapport conclut à une incapacité de 25%.

La décision de l’administration a, ainsi, été confirmée.

La position des parties en appel

Dans sa requête d’appel, le père fait valoir que sa fille souffre encore de pathologies, que les plaintes ont été sous-évaluées et que le BOBI a été mal appliqué. Il sollicite la désignation d’un nouvel expert.

Quant à l’ONSSAPL, il sollicite la confirmation du jugement, au motif que le taux d’incapacité retenu par l’expert confirme ses propres constatations.

La position de la Cour

La Cour doit appliquer l’ancienne réglementation, vu la date de naissance de l’enfant. Selon celle-ci, l’enfant doit présenter une incapacité de 66% au moins pour avoir droit à la majoration. L’article 47, § 1er des lois coordonnées pour travailleurs salariés, dans sa version applicable à l’époque, c’est-à-dire avant la modification de la loi du 24 décembre 2002, prévoit que les montants d’allocations familiales sont majorés lorsque l’enfant handicapé est atteint d’une incapacité physique ou mentale de 66% au moins. Dans cette hypothèse, le supplément alloué sera calculé en fonction du degré d’autonomie de l’enfant, celui-ci étant évalué par comparaison avec un enfant du même âge n’ayant pas un tel handicap.

La Cour relève que les critères et la manière d’évaluation de l’incapacité physique et mentale ainsi que les conditions auxquelles l’enfant doit satisfaire sont précisés à l’article 2 de l’arrêté royal du 3 mai 1991, étant que l’incapacité physique ou mentale doit être établie soit par application du BOBI soit en se référant à la liste des pathologies annexée à l’arrêté, soit encore par application conjointe des deux. Les règles à respecter dans l’application du BOBI et de la liste, ainsi que pour l’appréciation du pourcentage d’incapacité, sont précisées dans l’arrêté.

Dans un arrêt du 23 avril 2001 (S000149N), la Cour de cassation a rappelé que l’enfant handicapé de moins de vingt-et-un ans doit, pour pouvoir prétendre aux allocations familiales majorées (visées aux articles 47 et 63 des lois coordonnées), être atteint d’une insuffisance ou d’une diminution de la capacité physique, du chef d’une ou de plusieurs pathologies, d’au moins 66%. Cette insuffisance doit être établie selon le BOBI et/ou selon la liste des pathologies, qui contient une énumération limitative de celles qui sont spécifiques ou fréquentes chez les enfants. Pour la Cour de cassation, cette disposition implique que soit le barème précité et ladite liste doivent être appliqués ensemble, soit le barème ou la liste séparément, et ce en fonction des conditions qui y sont reprises. Pour la Cour suprême les termes ″et/ou″ figurant dans la disposition ne signifient pas que le bénéficiaire peut choisir de faire constater l’incapacité physique ou mentale soit selon le barème soit selon la liste des pathologies.

Rappelant cette jurisprudence, la Cour du travail considère que le constat d’incapacité de 66% au moins doit donc être justifié au regard de la disposition légale. Il ne suffit pas de constater l’existence de ce taux de 66%. Il faut aussi qu’il se justifie eu égard aux articles du BOBI et/ou de la liste des pathologies infantiles, tenant compte ici des limites impératives de ces dispositions. En l’espèce, la Cour examine la mission confiée à l’expert et constate que, s’agissant en l’occurrence de séquelles orthopédiques, l’expert a tenu compte de l’ensemble des éléments qui lui étaient soumis. En ce qui concerne la méthode suivie, il a examiné l’article correspondant du BOBI, a fixé un taux qui tient compte de la mesure de retentissement des séquelles (raideur du cou–de pied), il a ensuite évalué en pourcentage la limitation de la mobilité, de même pour la fracture d’une vertèbre. L’ensemble de ces évaluations a abouti au taux global de 25% d’incapacité qu’il a retenu.

La Cour s’estime donc suffisamment informée et n’accueille pas la demande de désignation d’un nouvel expert. La méthode suivie par l’expert désigné par le tribunal est adéquate, en ce qu’il a constaté les séquelles existantes et a fait une référence correcte aux divers articles du BOBI correspondants.

D’ailleurs, un nouveau rapport médical déposé au niveau de l’appel et actant la possibilité de réserves n’est pas, pour la Cour, pertinent, l’existence de celles-ci quant à une possible évolution n’étant pas susceptible de modifier l’appréciation de la réduction de capacité à la date litigieuse.

En conclusion, s’il existe des séquelles de la chute de l’enfant, celles-ci, mesurées comme la loi l’exige, n’ont plus pour effet une diminution de capacité de 66%.

La Cour rejette dès lors l’appel.

Intérêt de la décision

C’est essentiellement par le rappel de l’arrêt de la cour de cassation du 23 avril 2001 et l’arrêt précédant (Cass., 30 mai 1994, Pas., I, p. 527) que l’arrêt de la Cour du travail annoté présente un intérêt indéniable, puisqu’il reprécise la méthode d’évaluation contenue dans l’article 47 des lois coordonnées et dans son arrêté royal d’exécution du 3 mai 1991. Le barème et la liste (limitative) des pathologies doivent être appliqués ensemble ou séparément, selon les dispositions relatives à leurs conditions d’application. Le demandeur n’a pas de choix à cet égard.


Accueil du site  |  Contact  |  © 2007-2010 Terra Laboris asbl  |  Webdesign : michelthome.com | isi.be