Terralaboris asbl

Conséquences si la société utilisatrice reste en défaut d’établir le respect des conditions légales d’occupation

Commentaire de Trib. trav. Bruxelles, 4 mai 2009, R.G. 6.845/08

Mis en ligne le mardi 11 août 2009


Tribunal du travail de Bruxelles, 4 mai 2009, R.G. n° 6.845/08

TERRA LABORIS ASBL – Sophie Remouchamps

Dans un jugement du 4 mai 2009, le tribunal du travail de Bruxelles a rappelé les conditions mises par la loi du 24 juillet 1987 sur le travail temporaire, le travail intérimaire et la mise de travailleurs à la disposition d’utilisateurs et par la convention collective de travail n° 58 du Conseil National du travail, lorsqu’il est recouru à l’intérim au motif de remplacement temporaire d’un membre du personnel permanent.

Les faits

Un employé, engagé comme intérimaire pour prester pour compte d’une société pendant une période de sept mois, se voit à l’issue de celle-ci, proposer un contrat de travail à durée indéterminée avec une clause d’essai de six mois. Deux mois et demi après cet engagement, la société rompt le contrat de travail à durée indéterminée avec paiement d’une indemnité de rupture de sept jours.

L’intéressé conteste alors la validité de la clause d’essai et postule le paiement d’une indemnité complémentaire.

La position du tribunal

Le tribunal du travail est saisi de plusieurs chefs de demande, dont le complément d’indemnité compensatoire, qui pose la question de la validité de la clause d’essai.

Il retient que le demandeur conteste celle-ci aux motifs qu’il a été mis à disposition de la société en contradiction avec l’article 21 de la loi du 24 juillet 1987, de telle sorte qu’il doit, pour cette activité, être considéré comme étant déjà dans le cadre d’un contrat de durée indéterminée. Il fait également valoir qu’une nouvelle période d’essai, pour le même employeur et la même fonction n’est pas valable, dès lors qu’il a déjà presté en qualité de travailleur intérimaire. Enfin, s’agissant d’un employeur dont l’activité s’exerce dans le cadre de la commission paritaire 209, il invoque la convention collective de secteur (24 septembre 2007), selon laquelle lorsque la rémunération de l’employé est inférieure au montant fixé à l’article 67, § 2 de la loi du 3 juillet 1978 et lorsque la durée totale des contrats d’intérim successifs atteint un minimum de six mois, le contrat de travail à durée indéterminée ne peut prévoir de clause d’essai.

Le tribunal du travail va accueillir les arguments du demandeur en rappelant d’abord les principes régissant le contrat d’intérim.

Les bureaux d’intérim ne peuvent mettre des travailleurs intérimaires à disposition d’utilisateurs que lorsqu’il s’agit de l’exécution d’un travail temporaire, autorisé. Un contrat de travail temporaire n’est valable que pour autant qu’il vise l’exécution d’un travail autorisé prévu au Chapitre 1er de la loi du 24 juillet 1987 (Cass. 12 juin 1995, Chron. Dr. soc., 1996, p. 5), à savoir le remplacement d’un travailleur permanent, l’obligation de faire face à une augmentation temporaire de travail ou l’exécution d’un travail exceptionnel.

Le contrat de travail faisant état de remplacement d’un travailleur permanent dont le contrat était suspendu, le tribunal s’attache à expliciter les conditions dans lesquelles la loi prévoit (art. 1, § 2 et 3) la possibilité de remplacer un tel travailleur permanent. Il s’agit, selon le texte, soit du remplacement temporaire d’un travailleur dont l’exécution du contrat est suspendue (sauf manque de travail résultant de causes économiques ou intempéries), d’un travailleur dont le contrat a pris fin, d’une personne dont la situation juridique est réglée unilatéralement par l’autorité (et qui n’exerce pas ses fonctions ou ne les exerce qu’à temps partiel) ou encore d’un travailleur en réduction de prestations (pour autant que la modification des conditions de travail n’a pas été conclue pour une durée indéterminée).

Le tribunal relève que le travailleur intérimaire ne doit pas, en vertu du texte légal, remplacer le travailleur permanent. Celui-ci peut en effet lui-même être remplacé par un autre travailleur de l’entreprise et ce dernier peut à son tour être remplacé par un travailleur intérimaire. Le tribunal rappelle à cet égard la jurisprudence (Trib. trav. Liège, 27 mai 2002, J.T.T., 2003, p. 50).

Par ailleurs la procédure ainsi que la durée du travail temporaire sont fixées par la convention collective de travail n° 58 (art. 6) du Conseil National du travail du 7 juillet 1994. S’il s’agit de remplacer un travailleur dont le contrat de travail a pris fin et dont le congé a été donné avec préavis, la durée du remplacement par le biais de l’intérim est limitée à une période de six mois, qui prend cours à la fin du contrat. Une prolongation d’une durée de six mois est possible. La même règle vaut pour le travailleur licencié pour motif grave ainsi que pour celui dont le contrat de travail a pris fin autrement que par un congé donné avec préavis ou par un congé pour motif grave. Dans cette dernière hypothèse, les remplacements et ne sont pas soumis aux conditions et modalités prévues par la loi, seule la prolongation de six mois maximum l’étant. Dans les deux premières hypothèses, cependant, (le congé donné avec préavis ou pour motif grave), la convention collective impose l’accord préalable de la délégation syndicale de l’entreprise où le travailleur doit être remplacé. A défaut de délégation syndicale, l’entreprise de travail intérimaire est tenue de communiquer au Fonds social pour les intérimaires le nom et l’adresse de l’utilisateur ainsi que le numéro de la commission paritaire dont ce dernier relève. Cette formalité conditionne l’autorisation des remplacements.

En l’espèce, le demandeur a sollicité de la société qu’elle précise l’identité du travailleur qu’il remplaçait. La société est restée en défaut de répondre à cette question. Le tribunal relève que ceci est pourtant d’un intérêt primordial, aux fins de vérifier le respect de la réglementation.

En outre, il constate que la société reste en défaut d’établir qu’elle a respecté la procédure fixée par la convention collective n° 58 et qu’en conséquence il faut, conformément à l’article 20 de la loi, conclure que l’utilisateur et l’intérimaire ont été engagés dans les liens d’un contrat de travail à durée indéterminée. La loi aboutit, en effet, à cette conclusion lorsque l’utilisateur continue à occuper un intérimaire alors que l’entreprise de travail intérimaire lui a notifié sa décision de retirer ce travailleur ou lorsque l’utilisateur occupe un travailleur intérimaire en violation des dispositions des articles 21 (c’est-à-dire afin d’exécuter un travail temporaire tel que défini ci-dessus) ou 23 (possibilité d’interdiction par le Roi d’occupation d’intérimaires dans certaines catégories professionnelles et certaines branches d’activité). En conséquence, le travailleur devant être considéré comme engagé à durée indéterminée depuis le départ et l’occupation ayant été continue, la clause d’essai insérée dans le contrat de travail à durée indéterminée est nulle.

Intérêt de la décision

Le tribunal du travail est amené à se pencher sur la validité d’un engagement dans le cadre d’un contrat d’intérim et ce, à l’occasion d’une espèce où il y eut conclusion ultérieure d’un contrat à durée indéterminée assorti d’une clause d’essai. Il étudie dès lors les conditions d’occupation dans le cadre de l’intérim pour décider de la validité (ou non) de la clause d’essai ultérieure, le travailleur étant resté en fonction de manière continue. L’existence de cette clause d’essai est en effet de nature à influer sur les droits du travailleur en matière de préavis (ou d’indemnité compensatoire). Vu l’irrégularité de la mise au travail dans le cadre de l’intérim cette clause est en l’espèce nulle. La décision n’aborde cependant pas la question de la validité d’une telle clause dans un contrat à durée indéterminée suivant immédiatement un contrat d’intérim régulier.


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