Terralaboris asbl

Accident du travail : pécule de vacances et incapacité de travail temporaire

Commentaire de Cass., 9 mars 2009, n° C.07.0511.F

Mis en ligne le jeudi 20 août 2009


Cour de cassation de Belgique, 9 mars 2009, C.07.0511.F

TERRA LABORIS ASBL – Mireille Jourdan

Dans un arrêt du 9 mars 2009, la Cour de cassation a cassé un arrêt de la Cour du travail de Liège du 8 mars 2007, qui avait refusé, pour un accident survenu en 1999, le droit aux pécules de vacances relatifs à la période d’incapacité temporaire de travail.

Les faits

Les faits ont été commentés précédemment, l’arrêt de la Cour du travail de Liège ayant été annoté (« Accident du travail et droit aux pécules de vacances : droit au cumul ? »), le problème posé étant de déterminer si une victime d’un accident du travail survenu en 1999 pouvait prétendre aux simple et double pécules de vacances relatifs aux années ultérieures couvertes par la période d’incapacité temporaire de travail.

En l’espèce, l’incapacité temporaire avait été de longue durée (1999 – 2003). Le travailleur avait réclamé les simple et double pécules pour les années 2000 à 2002 ainsi que le double pécule pour 2003.

Position de la Cour du travail de Liège

La Cour du travail avait considéré que la législation sur les pécules de vacances pendant l’incapacité temporaire ne pouvait se cumuler avec les indemnités légales. Elle avait tiré cette conclusion du caractère forfaitaire de la réparation légale et du fait que la rémunération de base se rapporte à l’année qui précède l’accident et se calcule en raison de la fonction occupée au moment de celui-ci.

Pour la Cour du travail, le cumul serait contraire à l’indemnisation forfaitaire prévue par la loi, dès lors qu’il maintiendrait à charge de l’employeur des paiements – même partiels - dont il est déchargé par le texte légal, qui est d’ordre public. Le travailleur victime d’un accident du travail percevrait, en effet, ainsi deux fois un montant, au titre de pécule de vacances, ce qui créerait une discrimination totalement injustifiée par rapport aux autres travailleurs.

L’arrêt de la Cour de cassation

La Cour de cassation a cassé cet arrêt en considérant que l’obligation de payer les pécules de vacances dus à un employé en incapacité temporaire totale à la suite d’un accident du travail est étrangère à la réparation du dommage organisée par la loi du 10 avril 1971 sur les accidents du travail. Elle relève également que le paiement des pécules incombe à l’employeur, contrairement aux indemnités légales.

La Cour suprême rappelle que le droit aux vacances annuelles des employés est déterminé par les lois coordonnées le 28 juin 1971 (lois relatives aux vacances annuelles des travailleurs salariés) et par l’arrêté royal du 30 mars 1967. Suivant l’article 11 des lois coordonnées, pour les travailleurs intellectuels sont déterminés par le Roi les jours d’inactivité à assimiler à des jours de travail effectif ou de travail effectif normal de même que les conditions dans lesquelles ils peuvent être pris en considération et la rémunération fictive devant servir de base pour le calcul du pécule de vacances afférent aux journées assimilées.

La rémunération normale afférente aux jours de vacances pris par l’employé, ainsi qu’un supplément sont à payer par l’employeur en vertu de l’article 38 de l’arrêté royal du 30 mars 1967. Dans le calcul de ce pécule, il faut tenir compte de certaines journées d’interruption de travail, qui sont assimilées à du travail effectif. En vertu de l’article 41 de l’arrêté royal, qui pose ce principe, figurent parmi celles-ci celles résultant d’un accident du travail donnant lieu à réparation. Le même arrêté prévoit qu’il faut prendre en considération, dans le cadre de cette assimilation, l’intégralité de la période d’incapacité temporaire totale résultant d’un accident du travail (article 3, 1°, a)).

La Cour en conclut qu’il y a une obligation distincte, découlant de ce texte, à charge de l’employeur. Dans la mesure où l’incapacité temporaire totale a été admise et qu’elle s’est prolongée jusqu’en 2004, la Cour du travail ne pouvait, sur la base des considérations qu’elle a retenues, conclure à l’absence de droit aux pécules de vacances.

Intérêt de la décision

Les deux législations ont un caractère d’ordre public et l’on perçoit mal, en conséquence, comment écarter les lois coordonnées sur les vacances annuelles et leur arrêté royal d’exécution, dès lors que ces textes consacrent pour l’employé le droit au paiement des pécules de vacances pour des périodes assimilées à du travail effectif dont la période d’incapacité temporaire consécutive à un accident du travail.

Le droit aux pécules, réaffirmé par cet arrêt de la Cour de cassation, est d’autant plus à rappeler que la loi du 10 avril 1971 a fait l’objet d’une modification, en son article 35, par la loi-programme du 11 juillet 2005. Pour les accidents survenus à partir du 1er juillet 2005 (date d’entrée en vigueur de la loi), les règles relatives à l’inclusion du pécule de vacances dans la rémunération de base ont été modifiées :

  • le pécule (légal) est pris en compte pour le calcul des allocations d’incapacité permanente,
  • il ne l’est cependant pas pour le calcul des indemnités journalières : la rémunération de base de celui-ci ne l’inclut plus.

En cas de rupture du contrat de travail dans le chef de l’employé, le pécule est cependant considéré comme rémunération pour le calcul de ses indemnités journalières à partir de la fin du contrat.

En ce qui concerne le pécule pris en considération pour la rémunération de base, il ne s’agit pas de celui perçu pendant la période de référence, puisque celui-ci se rapporte à l’exercice précédent : il s’agit du pécule sur la rémunération perçue pendant ladite période.

Pour ce qui est de la base de calcul du pécule, étant la rémunération perçue, il y a lieu de prendre en compte l’ensemble de la rémunération soumise à cotisations de sécurité sociale, étant à la fois les heures supplémentaires et les avantages en nature, par exemple. Par contre, il ne faut pas tenir compte des avantages accordés par les fonds de sécurité et d’existence sous forme de timbres, vu qu’ils ne font pas l’objet de telles cotisations.

Signalons, enfin que le pécule de vacances complémentaire a un caractère rémunératoire. L’article 35, alinéa 2 de la loi du 10 avril 1971 le considère en effet comme une exception à la non prise en compte dans la notion de rémunération de base des avantages complémentaires au régime de la sécurité sociale. Ce pécule de vacances complémentaire ne semble visé par les modifications introduites par la loi-programme du 11 juillet 2005 en ce qui concerne l’incapacité temporaire.


Accueil du site  |  Contact  |  © 2007-2010 Terra Laboris asbl  |  Webdesign : michelthome.com | isi.be