Terralaboris asbl

Réduction de cotisations de sécurité sociale rectifiées par l’ONSS et responsabilité du secrétariat social

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 30 avril 2009, R.G. 44.695 et 46.708

Mis en ligne le mercredi 14 octobre 2009


Cour du travail de Bruxelles, 30 avril 2009, R.G. 44.695 et 46.708

TERRA LABORIS ASBL - Sophie REMOUCHAMPS

Dans un arrêt du 30 avril 2009, la Cour du travail de Bruxelles est amenée à statuer sur la responsabilité du secrétariat social, dès lors que les démarches nécessaires pour l’obtention d’une réduction de cotisations patronales de sécurité sociale n’avaient été accomplies ni par l’employeur ni par le secrétariat social. La Cour du travail retient qu’en sa qualité de professionnel rémunéré, le secrétariat social avait l’obligation de s’inquiéter du respect des conditions mises à l’obtention des réductions. Ne l’ayant pas fait, il engage sa responsabilité.

Les faits

Madame L. souhaite engager une travailleuse salariée, laquelle rentre par ailleurs dans les conditions pour bénéficier d’une réduction de cotisations patronales de sécurité sociale. Concomitamment à l’engagement de la travailleuse, Madame L. contracte avec un secrétariat social, en vue de l’accomplissement des formalités liées à son occupation. Par le contrat signé, le secrétariat social s’engage à accomplir les formalités et opérations administratives et financières incombant à l’employeur en matières sociale, fiscale et autres en raison de l’occupation du personnel.

Dans le cadre de l’occupation de la travailleuse, des réductions de cotisations de sécurité sociale sont reprises sur les déclarations ONSS et effectivement appliquées.

Un an et demi après, l’ONSS procède cependant à l’annulation de la réduction de cotisations depuis l’engagement. Il s’avère en effet à ce moment que la carte d’embauche, qui conditionnait l’octroi de la réduction, n’avait pas été retournée à l’ONEm, comme cela était prévu par la réglementation.

Suite à cette information, l’employeur procéda à la régularisation, qui ne pouvait cependant valoir que pour l’avenir.

En définitive, la réduction fut refusée pour le quatrième trimestre 1995, les quatre trimestres 1996 et les trois premiers trimestres 1997, soit la période antérieure à l’accomplissement de la formalité nécessaire à l’octroi de la réduction.

Assignée par l’ONSS, Madame L. appelle à la cause le secrétariat social et demande que celui-ci la garantisse des condamnations qui sont demandées par l’ONSS.

La décision du tribunal

Le tribunal condamna Madame L. au paiement des cotisations réclamées par l’ONSS et, statuant sur sa demande en intervention et garantie, condamna le secrétariat social à la garantir à concurrence de 9/10e de la condamnation prononcée en matière de cotisations, majorations, intérêts et dépens.

Le tribunal retient en effet qu’il appartenait au secrétariat social, en sa qualité de professionnel, de s’assurer que les conditions d’octroi des réductions de cotisations, par ailleurs importantes et s’étendant sur plusieurs trimestres, ont bien été respectées.

A cet égard, le Tribunal estime que le renvoi de la carte d’embauche à l’ONEm devait faire partie des vérifications qui incombaient au secrétariat social. Il retient par ailleurs que le mandat rémunéré du secrétariat social impose à celui-ci, à tout le moins, une obligation de vérification de la réunion des conditions qu’il est amené à appliquer.

La position des parties en degré d’appel

Tant le secrétariat social que Madame L. interjetèrent appel du jugement. Madame L. s’opposait à la limitation de la responsabilité du secrétariat social à concurrence de 9/10e, tandis que le secrétariat social contestait toute responsabilité dans le dommage (cotisations de sécurité sociale). Il invoquait plus précisément que l’intervention du secrétariat social ne décharge pas l’employeur de ses obligations, tandis qu’en l’espèce, les éléments repris sur la carte d’embauche permettaient à l’employeur de se rendre compte des formalités à accomplir, ainsi que du fait que la formalité nécessaire à la condition d’octroi n’avait pas été remplie. Il soutient encore n’avoir pas d’obligation d’information à l’égard de l’employeur.

La décision de la Cour

La Cour confirme la décision du tribunal.

La Cour examine tout d’abord un point litigieux opposant les parties, étant la question de savoir si la carte d’embauche avait été envoyée en original ou non au secrétariat social, Madame L. le soutenant, tandis que le secrétariat social soutenait quant à lui n’avoir reçu qu’une copie et avoir pensé que l’original avait été renvoyé dûment complété à l’ONEm. La Cour estime que, à supposer même que la thèse du secrétariat social puisse être accueillie (à savoir qu’il n’aurait reçu qu’une copie de la carte d’embauche), les mentions de la copie reçue auraient dû l’inciter à vérifier que l’employeur avait effectivement accompli la démarche administrative nécessaire, ceci ne pouvant être déduit des mentions en question.

Pour la Cour, il s’agit d’un laxisme qui ne correspond pas au comportement que doit adopter un professionnel normalement prudent et avisé.

La Cour retient que le secrétariat social n’a nullement tenté de vérifier si l’employeur répondait effectivement aux conditions permettant la réduction, alors même que, par la conclusion du contrat entre les parties, il s’était engagé à accomplir au regard de toutes les administrations les formalités qui incombaient à Madame L. en raison de l’occupation de travailleurs salariés.

Sur ces bases, la Cour estime que la vérification de l’accomplissement de la démarche administrative (renvoi de la carte d’embauche à l’ONEm) faisait partie des obligations découlant du contrat liant les parties.

Quant au fait que Madame L. aurait pu, à partir des mentions de la carte d’embauche, réaliser elle-même la démarche administrative querellée, il n’est pas susceptible, selon la Cour, de décharger le secrétariat social des obligations qui lui incombent, argument apparaissant d’ailleurs « particulièrement léger » vu la qualité de professionnel qui s’engage à effectuer des formalités contre un mandat rémunéré.

Cet aspect des choses est cependant pris en compte par la Cour, pour évaluer la part respective des fautes commises par les parties. A cet égard, elle confirme la répartition fixée par le premier juge (9/10e).

La négligence du secrétariat social (ne pas s’être assuré du renvoi effectif de la carte d’embauche) est donc considérée comme un manquement contractuel, dont le lien avec l’annulation des réductions de sécurité sociale est direct.

C’est sur ces bases que la Cour confirme le jugement, ayant retenu la responsabilité du secrétariat social.

Intérêt de la décision

Cette décision constitue un cas d’application de la responsabilité contractuelle des secrétariats sociaux lorsque ceux-ci sont amenés à appliquer des réductions de cotisations de sécurité sociale sans cependant en vérifier les conditions d’application.

Il peut être retenu de l’arrêt qu’incombe au secrétariat social la vérification de la légalité des réductions demandées par l’employeur, en ce compris quant aux conditions d’octroi.


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