Terralaboris asbl

Droit aux prestations OSSOM pour un Belge résidant à l’étranger et y bénéficiant de prestations de sécurité sociale locale ?

Commentaire de Trib. trav. Bruxelles, 25 septembre 2009, R.G. 11.473/06

Mis en ligne le mardi 1er décembre 2009


Tribunal du travail de Bruxelles, 25 septembre 2009, R.G. n° 11.473/06

TERRA LABORIS ASBL – Pascal Hubain

Dans un jugement du 25 septembre 2009, le tribunal du travail de Bruxelles, a considéré que l’OSSOM ne peut refuser son intervention que si les prestations en cause impliquent concrètement l’octroi d’avantages de même nature.

Les faits

Une personne de nationalité belge, résidant au Brésil, a participé à la sécurité sociale d’outre-mer pendant de nombreuses années. Après sa pension, elle introduit une demande de remboursement des soins de santé. Elle précise qu’elle bénéficie depuis treize ans de la prévoyance sociale brésilienne, étant agent des services publics brésiliens.

L’OSSOM rejette la demande, au motif que, si la requérante réunit les conditions d’octroi pour bénéficier de l’assurance soins de santé dans le cadre des dispositions de la loi du 17 juillet 1963 relative à la sécurité sociale d’outre-mer, elle ne peut exercer ce droit, vu son assujettissement à la sécurité sociale brésilienne. Dans sa décision, l’OSSOM se fonde sur l’article 46, § 4 de la loi du 17 juillet 1963 selon lequel le remboursement des frais de soins de santé n’est pas accordé aux personnes qui sont en droit de prétendre à des avantages de même nature, qu’ils découlent d’autres dispositions contractuelles légales ou réglementaires, belges ou étrangères (ou encore d’un accord de réciprocité).

Un recours est introduit contre cette décision devant le tribunal du travail de Bruxelles.

Position des parties

C’est autour de la notion d’ « avantages de même nature » visée ci-dessus que les débats vont être axés.

Pour la demanderesse, le régime de sécurité sociale d’outre-mer tend à suppléer aux carences du régime étranger. Il interdit le cumul du remboursement des frais de soins de santé que lorsque le système de sécurité sociale étranger garantit un système de soins de santé aussi efficace qu’en Belgique. Elle relève qu’une loi du 11 février 1976 est venue modifier les termes initiaux de la loi du 17 juillet 1963, étant les « avantages similaires » par les termes « avantages de même nature ». L’objectif du législateur y est présenté comme tendant à éviter le cumul du système belge avec un système étranger qui offrirait les mêmes avantages.

Dans ce contexte, l’OSOM ne peut pas se borner à invoquer le seul assujettissement à la sécurité sociale brésilienne pour refuser son intervention : il doit également justifier concrètement en quoi le système brésilien offrirait « des avantages de même nature » tels qu’il y aurait situation de cumul. La requérante fait valoir que la sécurité sociale brésilienne n’offre qu’un système limité de soins de santé et que celui-ci est inférieur aux interventions prévues par la sécurité sociale belge.

Au Brésil, il existe en effet, selon elle, un « système unifié de santé » (SUS) mais celui-ci vise à offrir un accès gratuit et universel aux services publics de santé uniquement. Les salariés ont, au Brésil, souvent recours à une sécurité sociale « privée », les assurances privées s’étant précisément développées vu les carences du secteur public (sous-financement, difficultés d’accès dues à de longues files d’attente et au rationnement des services). Elle se fonde à cet égard sur un rapport de la Banque Mondiale. Dans le système brésilien, s’il y a accès aux soins de santé sans ticket modérateur ni avance des frais, le patient est obligé de consulter un médecin opérant au sein d’une structure locale de santé reconnue. Certains soins ne sont en outre pas pris en charge, ainsi les soins dentaires autres que les soins de base. D’autres questions restent problématiques, ainsi l’acheminement de certains médicaments, leur prise en charge, etc.

Elle conclut que, si l’OSSOM n’intervient pas, elle n’aura pas d’autre couverture sociale valable et devra payer, à ses frais, des soins prodigués par des médecins opérant en-dehors du cadre du SUS. Il n’y a dès lors pas d’avantages de même nature que ceux offerts par le système belge.

Quant à l’OSSOM, il tire l’argument de la modification législative intervenu en 1976 pour conclure qu’il n’y a pas lieu de prendre en compte l’ensemble du régime d’assurance soins de santé mais uniquement la nature de la couverture offerte. Pour lui, la loi du 17 juillet 1963 a vocation à s’appliquer dans les pays en voie de développement ou dans ceux où la sécurité sociale s’écarte des normes belges au point d’être sans intérêt pour les citoyens belges ou de rendre impossible un accord de réciprocité. Pour l’OSSOM, il s’agit de pays où il est impossible de garantir une sécurité sociale valable au citoyen belge et le but de la loi n’est pas de substituer en faveur des citoyens belges un régime de sécurité sociale belge à un régime du même ordre en vigueur dans un pays donné.

Le régime de la sécurité sociale d’outre-mer respecte la souveraineté des Etats étrangers et leur droit d’assujettir à leur sécurité sociale les belges travaillant sur leur territoire est laissé intact. En conséquence, dès lors que le régime de l’Etat étranger organise le remboursement des frais de soins de santé ou leur prise en charge, l’OSSOM ne peut plus intervenir et la différence de couverture entre les deux régimes ne met pas à néant l’interdiction de cumul, chaque pays organisant son système de remboursement de soins selon ses propres critères.

L’OSSOM développe en outre une thèse subsidiaire à propos de la nature du SUS, concluant que celui-ci correspond à ce que l’on est en droit d’attendre d’un régime de sécurité sociale (médecins conventionnés ou non, prestations remboursables ou non, …). Il en résulte, pour l’Office que les systèmes belge et brésilien sont de même nature et que le système brésilien serait même sous certains aspects plus avantageux, vu qu’il prévoit, dans certaines conditions, la gratuité totale, vu l’absence de ticket modérateur.

Position du tribunal

Le tribunal relève, d’abord, que la demanderesse peut bénéficier du remboursement des soins de santé dans le cadre de la loi du 17 juillet 1963 et qu’elle a d’ailleurs participé pendant seize ans au moins à l’assurance instituée par les articles 42 et 43 de la loi.

C’est en conséquence sur la notion d’ « avantages de même nature » que le tribunal va devoir axer sa conclusion. Il ne va pas suivre la thèse de l’OSOM, considérant que le seul fait de bénéficier d’une assurance soins de santé ne permet de conclure qu’il s’agit d’avantages de même nature que ceux offerts par la sécurité sociale belge d’outre-mer. Il faut examiner concrètement les avantages en cause.

Le tribunal se fonde sur une étude de l’Agence pour le développement économique du secteur santé de Lille Nord Pas-de-Calais (Eurasanté). Selon cette étude, qui se réfère à un organisme public autonome chargé de réguler les activités du secteur de l’assurance santé privée au Brésil (ANS), il y a un important développement des assurances- maladie privées au Brésil, celui-ci étant la conséquence des problèmes rencontrés par le système public de santé et, rappelant les termes du rapport de la Banque Mondiale, le tribunal y souligne le sous-financement, les difficultés d’accès aux soins en raison des longues files d’attente et de rationnement des services et encore les problèmes liés à la qualité des soins.

Cette étude n’est pas contestée par l’OSSOM – dont le tribunal relève qu’il ne dépose aucune documentation utile sur le système brésilien de prise en charge des soins de santé.
Il faut donc constater que le système de sécurité sociale brésilien s’écarte significativement des normes belges. Si la demanderesse a dû se tourner vers la médecine privée, elle démontre à suffisance de droit qu’il n’y a pas avantage de même nature au sens requis par la loi du 17 juillet 1963. Dès lors il n’y pas lieu, pour le tribunal, de rechercher si certaines prestations pourraient être prises en charge – ou non - dans le cadre de ce système, comme le plaide l’OSSOM.

Intérêt de la décision

Le tribunal du travail donne, dans ce jugement du 25 septembre 2009, une interprétation adéquate de la notion d’ « avantages de même nature » ? condition pour qu’il y ait refus d’intervention de l’OSSOM dans les soins de santé exposés par un national à l’étranger.

Il retient qu’il faut examiner concrètement les avantages offerts par le système de sécurité sociale étranger et qu’il n’y a pas lieu de restreindre l’examen à la seule existence d’un tel régime dans le pays considéré.

N.B. Cette décision n’est pas définitive.


Accueil du site  |  Contact  |  © 2007-2010 Terra Laboris asbl  |  Webdesign : michelthome.com | isi.be