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Conditions d’octroi de la prime d’installation

Commentaire de C. trav. liège, sect. Liège, 18 septembre 2009, R.G. 35.901/2008

Mis en ligne le jeudi 10 décembre 2009


Cour du travail de Liège, section de Liège, 18 septembre 2009, R.G. n° 35.901/2008

TERRA LABORIS ASBL – Sandra Cala

Dans un arrêt du 18 septembre 2009, la Cour du travail de Liège rappelle qu’aucun délai n’existe pour demander la prime d’installation, dans le chef d’un sans-abri.

Les faits

Une Dame F. vit avec deux de ses trois enfants. Elle est sans domicile fixe pendant une période de trois mois environ en 2005 et est, ensuite, relogée. Elle a entretemps également été hospitalisée pour une longue durée.

En date du 30 novembre 2007, soit deux ans après avoir emménagé dans son appartement, elle fait une demande au CPAS, en vue d’obtenir une prime à l’installation. Elle introduit également d’autres demandes, dont une relative à la prise en charge de frais pharmaceutiques pour elle-même et pour un de ses enfants, atteint d’une maladie très grave et rare.

Le CPAS va refuser et la prime d’installation et la demande de prise en charge de frais pharmaceutiques. La raison du refus de la prime est qu’elle se rapporte à une qualité de sans-abri que l’intéressée n’a plus depuis au moins deux ans. Le CPAS fait valoir qu’elle dispose, à ce moment, de son propre logement et ne remplit dès lors pas les conditions d’octroi définies par l’arrêté royal du 21 septembre 2004. En ce qui concerne la prise en charge de frais pharmaceutiques, celle-ci est également refusée vu que les revenus (revenus de mutuelle) sont supérieurs au revenu d’intégration, de 228€.

La position du tribunal

Le tribunal va rejeter le recours, confirmant le point de vue du CPAS.
L’appel

Les développements relatifs à l’appel introduit sur les frais pharmaceutique sont factuels. C’est, par contre, sur la question du droit à la prime d’installation que le débat retient l’attention.

L’intéressée fait valoir que depuis octobre 2005, période pendant laquelle elle était sans domicile fixe, le CPAS était au courant de sa situation, ce qui est confirmé par une attestation qui lui a été délivrée. En ne l’aidant pas, il a méconnu son obligation d’information à l’égard des bénéficiaires. L’intéressée développe l’argumentation selon laquelle le CPAS est responsable du fait que la demande n’a été introduite que deux ans plus tard. En outre, aucun délai n’est repris dans l’arrêté royal du 21 septembre 2004 pour introduire la demande. De plus, l’on ne peut raisonnablement soutenir que la prime d’installation ne peut être accordée à un sans-abri qui aurait retrouvé un domicile, une telle interprétation étant contraire au but de la mesure. Enfin, elle fait valoir qu’elle remplissait, à la date de son entrée dans son appartement, les conditions d’octroi et notamment celle relative aux revenus.

La position de la Cour

La Cour rappelle que les dispositions applicables sont l’article 57bis de la loi du 8 juillet 1976 et l’article 2 de l’arrêté royal du 21 septembre 2004. Cet arrêté royal fixe les conditions d’octroi de la prime prévue par l’article 57bis. Y figurent essentiellement les conditions de revenus. Pour la Cour les conditions sont ainsi au nombre de cinq : (i) la personne doit être sans abri au sens où l’arrêté royal l’a déterminé, (ii) elle doit disposer de faibles revenus, eux-mêmes définis par l’arrêté royal, (iii) elle ne doit pas avoir déjà bénéficié de cette prime, (iv) elle doit aller occuper un logement qui lui sert de résidence principale et (v) la prime doit être destinée à l’aménagement et à l’équipement du logement.

La Cour relève que ne figure dans aucune disposition légale de délai pour faire la demande, l’intéressé devant cependant être sans-abri au moment de l’introduction de celle-ci. S’il s’avère qu’au moment où la demande a été introduite (2007), la demanderesse avait déjà emménagé dans son appartement depuis longtemps, elle était considérée comme sans-abri lors de cet emménagement.

Reprenant l’avis du Ministère public, la Cour retient que le fait que la demande ait été introduite après l’entrée dans le nouveau logement n’enlève pas à la demanderesse la qualité de sans-abri au sens de l’article 57bis de la loi. Celui-ci précise la finalité de la prime, qui est de permettre à une personne qui perd sa qualité de sans-abri de s’installer dans un logement qui sera sa résidence principale. Aucun délai n’est déterminé, dans la loi, pour introduire cette demande – la Cour reprenant cependant qu’il faut que celle-ci soit formée dans un délai raisonnable après l’installation. Il appartient, en conséquence au juge d’apprécier in concreto si la prime peut être octroyée au moment où elle est demandée. Il doit également vérifier les autres conditions requises (but de l’octroi notamment). Elle retient ainsi que, si la prime est demandée très longtemps après l’installation, il n’y aurait plus lieu de l’accorder sauf si le demandeur d’aide sociale n’a pu mener une vie conforme à la dignité humaine, dans son nouveau logement, du fait qu’il n’a pas pu acquérir le mobilier indispensable ou qu’il a dû engager des dettes pour acquérir un mobilier modeste.

En l’espèce, la Cour, qui va procéder à cet examen, va cependant constater qu’au moment où la demande a été faite, l’intéressée bénéficiait d’une indemnité de mutuelle de l’ordre de 1.170€ environ, montant qui dépasse les limites fixées par l’article 14, § 1er de la loi du 26 mai 2002 auquel se réfère l’arrêté royal du 21 septembre 2004 en son article 2.

Intérêt de la décision

Cet arrêt de la Cour du travail de Liège rappelle très judicieusement les conditions mises à l’octroi de la prime à l’installation, particulièrement eu égard au délai dans lequel celle-ci peut être sollicitée après que le demandeur a emménagé dans son logement. Le critère de référence est, non le délai, mais le fait que la personne avait la qualité de sans-abri au moment où elle a emménagé.


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