Terralaboris asbl

Un acte interruptif de prescription est inopposable à un débiteur non solidaire

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 8 janvier 2010, R.G. 2009/AB/51.937

Mis en ligne le lundi 19 juillet 2010


Cour du travail de Bruxelles, 8 janvier 2010, R.G. n° 2009/AB/51.937

TERRA LABORIS ASBL – Mireille JOURDAN

Dans un arrêt du 8 janvier 2010, la Cour du travail de Bruxelles rappelle les limites de la solidarité entre indépendant et aidant : celle-ci cesse avec la perte de qualité d’aidant et cette modification a des conséquences en matière de prescription des cotisations.

Les faits

Un sieur D. s’affilie auprès d’une caisse d’assurances sociales, déclarant une activité en qualité d’aidant d’un travailleur indépendant, ce dernier étant restaurateur. Il demande plus tard une inscription au registre de commerce, faisant état d’une activité de maître- d’hôtel.

L’intéressé fera peu après faillite et son affiliation à la caisse fait l’objet d’une radiation.

Après la clôture de la faillite, la caisse réclame à celui-ci les cotisations sociales restant dues et lui envoie deux lettres recommandées.

L’indépendant (Monsieur X) pour qui il travaillait en qualité d’aidant fait, pour sa part, l’objet d’une procédure devant le tribunal du travail et est condamné par défaut à payer les cotisations sociales du sieur D. Ce jugement est confirmé en appel.

L’intéressé fait cependant défaut dans toute la procédure et la caisse d’assurances sociales reprend des initiatives envers Monsieur D. La question est de savoir si la procédure contre le sieur X (restaurateur) a pu interrompre la prescription à l’égard du sieur D.

Position du tribunal

Par jugements des 11 juillet et 1er décembre 2008, le tribunal du travail de Nivelles a considéré que l’affaire était prescrite, le sieur D. n’ayant pas, pour la période considérée, le statut d’aidant. Il était en effet devenu indépendant lui-même. Le tribunal considère que la procédure contre Monsieur X n’a pas pu avoir d’effet interruptif de la prescription de l’égard du sieur D.

Position de la Cour

La Cour du travail rappelle la réglementation en la matière, à savoir :

  • Le délai de prescription de cinq ans pour les cotisations et majorations à partir du 1er janvier qui suit l’année pour laquelle elles dont dues, ainsi que les modes d’interruption de la prescription, étant les modes habituels du Code civil (art. 2244 et suivants) ainsi que la lettre recommandée de l’organisme chargé du recouvrement. En ce qui concerne la citation en justice, la Cour rappelle qu’elle interrompt la prescription, et ce pendant tout le cours de l’instance (la Cour rappelant l’arrêt de la Cour de cassation du 13 septembre 1993, J.T., 1993, p. 841). En ce qui concerne le mode interruptif que constitue la lettre recommandée, l’interruption court à dater de la réception de la lettre et fait courir un nouveau délai de prescription d’une durée équivalente à la prescription initiale ;
  • Selon l’arrêté royal n° 38 (art. 15, § 1er, alinéa 3), le travailleur indépendant est tenu solidairement avec l’aidant pour les cotisations dont ce dernier est redevable ;
  • Le Code civil rappelle en son article 1206 que les poursuites faites contre un débiteur solidaire interrompent la prescription à l’égard de tous.

Il en découle que, en ce qui concerne l’aidant, la prescription est interrompue par toute acte d’interruption fait à l’égard de l’indépendant.

Appliquant ces principes au cas d’espèce, la Cour reconstitue la carrière du sieur D. et constate, à partir des éléments de fait, qu’il y a eu interruption de la prescription jusqu’à la clôture de la faillite. Cependant, pour la période ultérieure, la Cour considère que l’on ne peut admettre – comme tente de le faire la caisse – que la prescription aurait été suspendue pendant toute la procédure concernant Monsieur X.

La Cour relève en effet que, à une date déterminée, le sieur D. a changé de statut, étant qu’il n’était plus aidant mais été devenu indépendant et devenait, de ce fait, responsable du paiement de ses cotisations sociales. La Cour retient ici, comme indice déterminant l’inscription du sieur D. au registre de commerce.

Il en découle que, le sieur D. n’ayant plus la qualité d’aidant, l’obligation de solidarité n’existait plus. Or, pour que la procédure dirigée contre Monsieur X. ait un effet interruptif, il eut fallu que le sieur D. n’ait pas la qualité d’indépendant. L’article 1206 du Code civil ne trouve à s’appliquer qu’entre débiteurs solidaires, ce qui n’était plus le cas.

Enfin, en ce qui concerne les effets de la procédure entre la Caisse et Monsieur X, la Cour reprend le principe général selon lequel de telles décisions judiciaires ne sont pas dénuées de valeur probante mais n’ont valeur qu’au titre de présomption et, en l’occurrence, cette présomption a été renversée par le sieur D., qui établit ne plus avoir la qualité d’aidant.

Intérêt de la décision

La décision commentée rappelle – et c’est loin d’être inutile – que les effets d’un acte interruptif de prescription ne peuvent valoir que vis-à-vis du débiteur lui-même et des débiteurs solidaires. En cas de disparition de la solidarité, l’acte interruptif intervenu vis-à-vis d’un débiteur n’est pas opposable à l’autre.


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