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Indemnité compensatoire de préavis : éléments constitutifs de la rémunération de base

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 8 juin 2010, R.G. 2009/AB/52.008

Mis en ligne le jeudi 16 septembre 2010


Cour du travail de Bruxelles, 8 juin 2010, R.G. n° 2009/AB/52.008

TERRA LABORIS ASBL

Dans un arrêt du 8 juin 2010, la Cour du travail de Bruxelles revient sur les éléments constitutifs de l’assiette servant de base au calcul de l’indemnité compensatoire du préavis, rappelant que le juge du fond est libre d’évaluer souverainement l’avantage réel dont bénéficiait le travailleur pour autant qu’il soit évaluable en argent.

Les faits

Un employé, exerçant les fonctions de responsable d’un site de production, est licencié environ sept mois après son entrée en fonction, moyennant paiement d’une indemnité compensatoire de préavis de quatre mois et demi de rémunération. Il s’agit d’un montant de l’ordre de 37.800€.

Les parties sont en désaccord sur la rémunération de base, à propos des primes d’assurance de groupe et d’une indemnité de frais forfaitaire ainsi que de la contre-valeur de l’usage privé d’un GSM et d’un véhicule de société.

L’employé introduit une procédure devant le tribunal du travail de Bruxelles.

Position du tribunal du travail

Le tribunal du travail rejeta l’inclusion de l’indemnité forfaitaire de frais et, statuant sur les autres chefs de demande, donna son évaluation de l’usage privé du GSM (50€ par mois) ainsi que du véhicule (450€).

Position des parties devant la Cour du travail

L’intéressé interjeta appel, au motif de sous-évaluation de la valeur des avantages en nature et du non fondement du rejet de l’indemnité de frais dans l’assiette de base servant au calcul de l’indemnité. Il demandait également une somme provisionnelle de 12.500€, correspondant à la privation d’un avantage rémunératoire du fait du non-respect par la société de son obligation contractuelle de l’affilier à un contrat d’assurance de groupe et d’assurance hospitalisation.

Position de la Cour

La Cour rappelle que l’article 39, § 1er alinéa 2 de la loi du 3 juillet 1978, qui dispose que l’indemnité de congé comprend non seulement la rémunération en cours mais aussi les avantages acquis en vertu du contrat, est une disposition légale impérative. Il ne peut y être dérogé par convention au préjudice du travailleur (Cass., 4 janvier 1993, Pas., 1993, I, 1).

Toute convention conclue à cet égard durant l’exécution du contrat est inopérante et le juge peut évaluer souverainement l’avantage en cause.

En ce qui concerne les frais professionnels, la Cour rappelle que si, par nature, ils ne sont pas la contrepartie du travail mais bien la restitution de frais avancés dans le cadre de l’exécution du contrat, ces frais ne constituent pas de la rémunération.

Répondant à l’argumentation de l’employé selon laquelle il est admis en jurisprudence qu’une indemnisation au titre de frais qui ne couvre pas des frais réels est constitutive de rémunération et que celle-ci doit intervenir dans le calcul de l’indemnité de préavis lorsqu’il apparaît en outre que le contrat prévoit « le remboursement de tous les frais raisonnables auxquels il (le travailleur) devra faire face pendant l’exécution du contrat », la Cour constate que le montant en cause, de l’ordre de 150€ par mois, était destiné à compenser de menues dépenses. En sa qualité de directeur de site, l’intéressé devait en effet exposer celles-ci régulièrement (frais d’utilisation d’un bureau à domicile, parkings, pourboires et frais de représentation). Pour la Cour, les fonctions exercées étaient susceptibles de générer des dépenses additionnelles à ce montant, dépenses qui, elles, étaient susceptibles d’être remboursées sur production de pièces justificatives (ainsi que repris d’ailleurs au contrat de travail). En conséquence, pour la Cour – qui confirme le jugement quant à ce – , dès lors que l’indemnité forfaitaire de frais complétée par des remboursements ponctuels d’autres dépenses (exceptionnelles) correspondait effectivement aux frais réels occasionnés par l’exercice de la fonction (directeur d’usine), cette indemnité ne présente pas un caractère rémunératoire. Il n’y a dès lors pas lieu de l’incorporer dans la rémunération servant de base au calcul de l’indemnité compensatoire de préavis.

Par ailleurs, sur l’évaluation de l’usage privé du GSM, la Cour retient que dès lors que le contrat de travail ne prévoit aucune stipulation contractuelle qui aurait interdit cette utilisation privée dans l’exercice des fonctions, il doit être admis par présomption que cet usage était autorisé (la Cour citant C. trav. Bruxelles, 16 juin 2007, J.T.T., 2007, p. 405) et, constatant l’absence de données précises quant à l’utilisation réelle, estime qu’une évaluation ex à¦quo et bono peut être faite à 50€, ce qui représente le coût de communications normales à l’exclusion de tout usage abusif.

Sur l’usage privé du véhicule de société, la Cour dispose de trois chiffres : 450€ par mois (évaluation du premier juge), 750€ par mois (évaluation de l’employé) et 250€ par mois (évaluation de la société, qui estime que la valeur ne doit pas être déterminée sur le coût du leasing supporté par ses soins mais sur la base de la valeur réelle que le véhicule représentait). La Cour précise ici encore qu’elle apprécie librement la valeur de l’avantage voiture, avantage qui doit être fixé en tenant compte du bénéfice réalisé par l’employé. Ce bénéfice ne se confond évidemment pas avec le coût du leasing supporté par la société. Vu le modèle de véhicule (BMW 320TD), la Cour rejoint l’évaluation du premier juge.

Enfin, sur l’assurance de groupe et l’assurance hospitalisation, la Cour constate que travailleur n’a pas été affilié et que les parties se rejettent mutuellement la responsabilité de cette omission. Analysant le règlement de l’assurance de groupe annexé au contrat de travail, la Cour constate qu’il y a deux obligations de résultat, contenues dans celui-ci et qu’elles incombaient à la société : procéder à l’affiliation obligatoire de l’employé après son engagement et prélever la quote-part personnelle du travailleur sur la rémunération pour la verser à la compagnie d’assurances (en même temps que la quote-part de la société). Ceci n’a pas été fait. La Cour rappelle que les cotisations patronales versées dans le cadre de l’assurance de groupe constituent un avantage acquis en vertu du contrat. Cet avantage n’est pas octroyé à titre de don ou de libéralité mais le travailleur y a droit en vertu du contrat de travail (ou d’une autre source). Il y a dès lors une perte financière découlant du défaut d’affiliation.

La Cour ne va cependant pas régler cette dernière question, renvoyant le débat vers les parties à qui elle demande de déterminer cette perte étant de savoir si elle se limite à la perte de l’avantage en nature individualisable représentée par l’absence d’incorporation de la cotisation patronale dans la rémunération de base pour le calcul de l’indemnité de préavis ou si elle comprend également la perte des avantages des prestations garanties en cas de rachat du contrat avant son terme. De même la Cour pose la question de savoir si la demande, qualifiée d’arriérés de rémunération, ne porte pas plutôt sur la réparation du préjudice subi par équivalent sous forme de dommages et intérêts. Une question est également posée, du même ordre, en ce qui concerne l’assurance hospitalisation.

Intérêt de la décision

Cette décision reprend des questions très fréquentes, en ce qui concerne l’évaluation de l’indemnité compensatoire de préavis.

Elle a la particularité, en ce qui concerne les frais forfaitaires, d’admettre que dans le cas de fonctions importantes exercées (directeur de site), un forfait est admissible – pourvu qu’il soit raisonnable – et sert à compenser les frais généralement admis à ce titre par l’administration fiscale et que, en sus de ceux-ci, des frais exceptionnels peuvent être justifiés et remboursés par l’employeur.

Enfin, la Cour aborde une autre question fréquente, étant le préjudice découlant de l’absence d’affiliation à une assurance de groupe. La réponse à cette deuxième question n’est cependant pas encore donnée.

Affaire à suivre donc.


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