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Lien de subordination : il appartient en premier lieu aux juridictions du travail de déterminer la qualification donnée par les parties à leur relation

Commentaire de C. trav. Mons, 26 juin 2009, R.G. 19.549

Mis en ligne le lundi 27 septembre 2010


Cour du travail de Mons, 26 juin 2009, R.G. n° 19.549

TERRA LABORIS ASBL – Sophie Remouchamps

Par un arrêt du 26 juin 2009, la Cour du travail de Mons rappelle que, lorsque la qualification des relations de travail n’apparaît pas de manière claire, il appartient aux juridictions du travail de la déterminer, par le biais de l’instrumentum (contrat) ainsi que les modalités effectives de l’exécution du travail. Cet examen se réalise par le biais de la méthode indiciaire, dès lors qu’un seul indice ne suffit pas à conclure ou à exclure le lien de subordination.

Les faits

Monsieur L. introduit auprès des juridictions du travail une procédure afin de faire reconnaître la nature contractuelle subordonnée des prestations de travail fournies pour le compte d’un organisme public entre 1995 et 2002. Il apparaît que le travail exécuté, en qualité de directeur, n’a pas fait l’objet d’un écrit entre les parties, la conclusion d’un contrat de travail à durée indéterminée étant envisagée mais non concrétisée, dès lors que l’intéressé disposait encore d’une fonction au sein d’une institution publique. Pendant la période de prestation, il perçut des indemnités mensuelles forfaitaires (BEF 20.000), augmentées à BEF 60.000 à partir de 1997.

Le tribunal du travail déclare la demande non fondée, estimant que l’exécution effective des prestations démontrait une large autonomie et un pouvoir d’initiative incompatible avec l’existence d’un lien de subordination.

Monsieur L. interjette appel du jugement.

La position de la Cour

La Cour du travail commence par rappeler que, lorsque les parties ont qualifié leur convention, cette qualification s’impose à tous, sauf existence de vice de consentement ou lorsque les modalités réelles des prestations s’avèrent incompatibles avec la qualification choisie par les parties. Dans ce cas, le juge peut substituer à la qualification contractuelle une qualification autre.

La Cour rappelle cependant que la première étape est de déterminer la volonté réelle des parties quant à ladite qualification, examen qui passe à la fois par l’analyse de l’instrumentum déposé par les parties (le contrat ou la convention) mais encore des modalités effectives d’exécution, lesquelles peuvent rendre obscure la qualification contractuelle. La qualification de la convention ne se fait donc pas, selon la Cour du travail de Mons, exclusivement au travers de l’écrit (convention) déposé par les parties mais également au travers de l’exécution effective donnée par les parties à celle-ci. Quant à la charge de la preuve, la Cour rappelle que, sous réserve du bénéfice d’une présomption, c’est à celui qui allègue l’existence de telle ou telle qualification qu’il appartient d’en prouver la réalité.

Quant à la méthode d’examen que doivent suivre les juridictions du travail, la Cour du travail de Mons précise que celle-ci doit se réaliser par le biais d’une méthode indiciaire, un seul élément étant insuffisant pour remporter la conviction.

En l’espèce, la Cour retient, notamment des procès-verbaux des réunions du Conseil d’administration, qu’il n’y a jamais au aucune volonté des parties de conclure, pendant la période litigieuse, un contrat de travail, mais uniquement de la volonté de conclure pour l’avenir un contrat de travail à durée indéterminée une fois que la situation professionnelle actuelle de l’intéressé serait réglée.

La Cour constate que, dans l’intervalle, l’intéressé a perçu une indemnité mensuelle forfaitaire qu’il a déclarée à l’administration fiscale de manière séparée de ses rémunérations ordinaires. Elle relève enfin que les éléments du dossier indiquent que l’intéressé disposait d’une large autonomie ainsi que d’un pouvoir d’initiative dans la gestion du personnel.

Pour la Cour, il y a donc conjonction et coà¯ncidence d’indices permettant de retenir l’inexistence d’un lien de subordination quant aux prestations fournies par l’intéressé pour le compte de l’organisme public.

Elle refuse en conséquence de réformer le jugement entrepris.

Intérêt de la décision

Comme on le sait, la jurisprudence de la Cour de cassation impose au juge de maintenir la qualification donnée par les parties à leur relation dès lors qu’il ne peut constater l’existence d’éléments incompatibles avec celle-ci. L’on a déjà pu souligner la difficulté d’obtenir une modification de la qualification dès lors que les indices incompatibles s’avèrent en définitive assez rares. Dans le cas d’espèce, la Cour du travail considère qu’il y a d’abord lieu de déterminer cette qualification et que celle-ci doit être fixée non seulement eu égard à l’instrumentum, à savoir la convention signée par les parties, mais également eu égard à l’exécution effective de ladite convention. Si cette exécution effective contredit ou jette un doute quant à la nature de la relation de travail, il appartient aux juridictions du travail de trancher, et ce par le biais de la méthode indiciaire, qui prévalait en matière d’appréciation de l’existence du lien de subordination avant les arrêts de la Cour de cassation.


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