Terralaboris asbl

Pension d’indépendant et revenus complémentaires autorisés

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 11 mai 2007, R.G. 46.335

Mis en ligne le vendredi 28 décembre 2007


Cour du travail de Bruxelles – 11 mai 2007 – R.G. N° 46.335

TERRA LABORIS ASBL – Mireille Jourdan

Dans un arrêt du 11 mai 2007, la Cour du travail de Bruxelles a rappelé la distinction à opérer dans le type de revenus à prendre en considération en tant qu’activité professionnelle exercée par le pensionné.

Les faits

Un travailleur indépendant, né en 1931, qui devint administrateur délégué de société en 1963, demanda sa pension en 1997 avec la mention « sous réserve » et continua à travailler comme administrateur délégué de ladite société. Il déclara pour cette année des revenus imposables de l’ordre de 7.500 EUR et fut imposé sur cette base. En mai 1998, il fit une déclaration relative à l’activité professionnelle exercée et signala qu’il poursuivait celle-ci dans les limites des revenus autorisés par la réglementation. L’INASTI lui octroya alors une pension minimum de travailleur indépendant à partir du 1er septembre 1997, pension dont le paiement fut refusé en raison de l’activité professionnelle poursuivie. Il autorisa exclusivement le paiement de la pension inconditionnelle, d’un montant de l’ordre de 1.900 EUR.

En 1998, la sprl dont l’intéressé était administrateur fut dissoute et il fut nommé liquidateur. Pour cet exercice, il déclara des revenus imposables de dirigeant d’entreprise, de l’ordre 13.000 EUR dont environ 10.000 EUR de rémunération et le solde d’avantages de toute nature, sous déduction des cotisations sociales et des charges professionnelles forfaitaires. Il fut imposé sur cette base.

Pour l’année 1999, le revenu professionnel de travailleur indépendant fut considérablement réduit.

L’INASTI prit une décision en avril 2000, autorisant le paiement de la pension à partir du 1er janvier 1998.

Suite à une nouvelle déclaration faite par le demandeur en 2000, concernant la hauteur de ses revenus professionnels à partir du 1er janvier 1999, il y eut enquête de l’INASTI en 2001. Il résulte de celle-ci que l’intéressé présenta des documents selon lesquels il aurait une créance importante en compte courant sur la société (plus de 100.000 EUR). L’inspecteur admit qu’il s’agissait d’une erreur comptable et que le dépassement considéré devait être imputé à cette créance, les rémunérations taxées étant à considérer comme des remboursements sur compte courant.

L’INASTI refusa toutefois le paiement de la pension de retraite, n’autorisant que celui de la pension inconditionnelle. Sur ses instructions, l’O.N.P. prit la décision litigieuse de notification du montant de l’indu et de récupération.

La position de la Cour

La Cour rappelle le mécanisme applicable, étant que, suivant l’article 32bis de l’arrêté royal n° 72 relatif à la pension de retraite et de survie des travailleurs indépendants, les pensions ne sont payables qu’à la condition que le bénéficiaire n’exerce pas d’activité professionnelle, notion à définir par le Roi.

L’arrêté royal du 22 janvier 1967 est venu préciser cette notion (article 107, §1er) étant que le bénéficiaire d’une pension est autorisé à exercer une activité professionnelle comme travailleur indépendant entraînant l’assujettissement au statut social des travailleurs indépendants pour autant que les revenus produits par celle-ci ne dépassent pas un montant déterminé. La même disposition définit ce qu’il y a lieu d’entendre par revenus professionnels. Il s’agit des revenus professionnels bruts, diminués des dépenses ou charges professionnelles ainsi que, le cas échéant, des pertes professionnelles, tels que retenus par l’administration des contributions directes pour l’établissement de l’impôt. Lorsque le pensionné ne peut prétendre au paiement d’une pension sur la base de ces dispositions, l’arrêté royal n° 72 vient, par son article 37, régler ses droits en matière de pension et lui accorde le droit à une pension inconditionnelle.

Après ce rappel, la Cour examine la question des revenus à prendre en compte dans le cadre de l’activité professionnelle exercée par le pensionné. Elle souligne qu’il faut faire une distinction entre les revenus produits par l’activité professionnelle elle-même et les autres revenus du pensionné. Ainsi l’article 30bis de l’arrêté royal n° 72 impose de tenir compte exclusivement des revenus tirés de l’activité professionnelle ; ceux qui sont étrangers à cette notion ne peuvent être retenus.

En l’espèce, même si l’inspecteur de l’INASTI avait admis que les sommes reçues constituaient le remboursement partiel d’une créance inscrite en compte courant dans les comptes de la société et non une rémunération d’administrateur, cet avis ne lie pas l’INASTI car l’inspecteur n’a pas de pouvoir de décision. En outre, s’agissant d’une matière d’ordre public, une éventuelle reconnaissance de l’INASTI ne lie pas le juge, qui doit apprécier les faits et leur donner la qualification appropriée.

En l’espèce, la Cour va dès lors examiner les pièces soumises par l’intéressé et constater qu’elles ne permettent pas de confirmer sa thèse, au contraire, et ce sur la base d’un examen de la balance des comptes généraux pour les années concernées, des mentions relatives aux transferts effectués, des mouvements du compte courant, ainsi que des autres éléments pertinents de la comptabilité. Se référant également aux déclarations de l’intéressé à l’administration fiscale - qui a qualifié les transferts de rémunération d’administrateur-, la Cour conclut qu’il s’agit bien de cela.

L’intérêt de la décision

La Cour du travail est amenée, en l’espèce, à examiner un cas relatif à des revenus professionnels d’administrateur de société. Elle ne fait pas porter son examen sur la définition des revenus qui ne sont pas tirés de l’activité professionnelle. La conclusion à laquelle aboutit l’arrêt est que, à défaut d’éléments au sens contraire et s’appuyant sur la base des déclarations à l’administration fiscale, il faut retenir qu’il s’agit de revenus professionnels.
L’arrêt confirme, également, la compétence des juridictions du travail pour apprécier, même au-delà de ce qui a été accepté par l’administration fiscale, la nature de versements effectués dans une telle hypothèse.


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