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Assiette de l’indemnité de protection dans l’HORECA

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 20 décembre 2010, R.G. 2008/AB/51.656

Mis en ligne le mardi 8 mars 2011


Cour du travail de Bruxelles, 20 décembre 2010, R.G. 2008/AB/51.656

TERRA LABORIS A.S.B.L.

Dans un arrêt du 20 décembre 2010, la Cour du travail de Bruxelles rappelle que l’assiette de l’indemnité de protection est identique à celle de l’indemnité de congé et statue sur le cas particulier des pourboires « au tronc » dans l’HORECA.

Les faits

Un travailleur représentant du personnel au Comité pour la Prévention et la Protection au Travail est licencié, sans respect de la procédure prévue par la loi du 19 mars 1991, et se voit accorder, en conséquence, les indemnités légales.

L’employeur, grande société hôtelière, calcule l’indemnité de protection sur la base du salaire minimum garanti.

Un litige surgit, dès lors, en ce qui concerne l’assiette de l’indemnité.

La décision du Tribunal

Par jugement du 26 décembre 2008, le Tribunal du travail de Bruxelles admet le principe de l’inclusion dans la rémunération du système de répartition appelé du « tronc ».

L’appel

L’employeur interjette appel, maintenant que le produit de la répartition du contenu du tronc ne fait pas partie de la rémunération.

Position de la Cour du travail

La Cour du travail examine, en premier lieu, les notions de « pourboires », de « pourcentage de service » et de « rémunération au tronc ».

Le pourboire est la somme d’argent remise à un travailleur par le client (la Cour rappelant que ce système n’est plus obligatoire en Belgique mais que certains clients continuent à donner volontairement des pourboires ou « tips »). Le pourcentage de service est le pourcentage prélevé par l’employeur sur la note payée par le client et destiné à rémunérer le personnel de service (ce système ayant remplacé l’ancien pourboire). Le tronc est un système de répartition, selon lequel les pourboires sont mis en commun afin d’être partagés par les membres du personnel. Dans la pratique, la dénomination « tronc » a été étendue au partage du pourcentage de service.

Dans le secteur de l’HORECA, diverses conventions collectives régissent la rémunération du travailleur et, plus particulièrement, celle du 14 mai 1997 concernant la fixation du mode de répartition des pourboires ou services remis à l’intention de certains travailleurs. La Cour relève que celle-ci confirme l’existence d’une certaine confusion entre les diverses notions (répartition du pourcentage de service, répartition du tronc). Est également importante une autre convention du 22 mars 1989, dans la mesure où elle précise que le salaire minimum doit être garanti, « pourcentage de service compris ».

En l’espèce, la Cour relève que les fiches de paie font apparaître le paiement d’un fixe et d’un montant variable intitulé « tronc », en sus d’autres éléments rémunératoires sans intérêt pour le litige.

La Cour note encore que, en l’espèce, des pourboires individuels étaient payés séparément et ne rentraient dès lors pas dans le « tronc ».

Reprenant, ensuite, le principe dégagé par la Cour de cassation dans son arrêt du 13 avril 1987 (Cass., 13 avril 1987, Pas., 1987, I, p. 966), selon lequel l’assiette de l’indemnité de protection est identique à celle de l’indemnité de congé fixée à l’article 39, § 1er de la loi du 3 juillet 1978 relative aux contrats de travail, la Cour retient qu’il faut donc prendre en compte à la fois la rémunération en cours ainsi que les avantages acquis en vertu du contrat.

Sur la rémunération en cours, celle-ci comporte tous les avantages en argent ou évaluables en argent, qui constituent la contrepartie du travail fourni. Peu importe que cet avantage soit payé par ou à charge de l’employeur. Cette exigence ne ressort d’aucun texte, de même que celle qui voudrait que cet avantage soit dû de manière obligatoire. Il suffit qu’il soit octroyé en contrepartie du travail fourni par le travailleur.

Sur les avantages acquis en vertu du contrat, ceux-ci ne constituent pas nécessairement la contrepartie du travail fourni mais, pour être pris en compte, le travailleur doit y avoir droit, que ce soit en vertu du contrat, de la loi, d’une convention collective de travail, d’un usage ou encore d’un engagement unilatéral de l’employeur.

En l’espèce, la Cour retient notamment que le contrat de travail prévoyait la rémunération au pourboire « au tronc » et qu’il s’agit ainsi de la contrepartie du travail fourni, d’autant que seuls les travailleurs qui avaient participé au service y avaient droit.

La Cour considère également que le partage du tronc est déterminable, la ventilation se faisant en fonction de critères repris au « livre du tronc » (document devant être tenu par l’employeur en vertu de l’article 7 de la C.C.T. du 14 mai 1977).

La Cour du travail rejette, ensuite, l’argumentation selon laquelle la rémunération devrait être une dette personnelle de l’employeur ou être à sa charge. Elle réfute, ainsi, une doctrine qui a retenu cette exigence, insistant sur le fait que, si les cotisations de sécurité sociale ne sont calculées que sur la rémunération journalière forfaitaire (de même qu’en matière de jours fériés, de salaire garanti ou de vacances annuelles), ceci ne permet pas d’exclure par extension le produit du partage du tronc de l’assiette de l’indemnité de protection. Enfin, la Cour considère encore que, à supposer que le produit de la répartition du contenu du tronc ne fasse pas partie de la rémunération (quod non), encore faudrait-il considérer qu’il y avantage acquis en vertu du contrat.

En toute hypothèse, ce montant est rémunératoire et doit dès lors être pris en compte dans l’assiette.

Il en ira de même pour la prime de fin d’année. Dans le secteur, elle est prise en charge par un fonds social, auquel les employeurs doivent verser les sommes nécessaires pour son financement. La Cour constate que le travailleur pouvait prétendre au paiement par la société au fonds des cotisations destinées à financer cette prime de fin d’année et qu’il bénéficiait donc d’un avantage acquis en vertu du contrat, avantage pouvant être évalué au montant brut de la prime de fin d’année et intervenant, donc, à concurrence de ce montant dans l’assiette de l’indemnité de protection.
La Cour conclut que l’assiette va, en l’espèce, comprendre non seulement la rémunération fixe mais également les sommes payées en répartition du tronc (pourcentage de service et, le cas échéant, pourboires payés par carte de crédit), les primes, les avantages en nature et un montant qui correspond à la prime de fin d’année (montant brut).

Elle fait dès lors droit à la totalité de la demande.

Intérêt de la décision

Cet arrêt de la Cour du travail de Bruxelles est l’occasion de rappeler deux règles : d’une part, de manière générale, l’assiette permettant de calculer l’indemnité de protection (problématique transposable à d’autres indemnités) et, d’autre part, dans le secteur de l’HORECA, le caractère rémunératoire des montants perçus au titre de pourboires, dès lors qu’ils peuvent soit être la contrepartie du travail fourni, soit un avantage acquis en vertu du contrat.


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