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La date du transfert de l’entreprise et donc des contrats de travail existants n’est pas nécessairement celle à laquelle la vente des actifs du cédant au cessionnaire est parfaite en droit civil

Commentaire de Cass., 11 octobre 2010, R.G. S.09.0087.F

Mis en ligne le mercredi 16 mars 2011


Cour de cassation, 11 octobre 2010, R.G. n° : S.09.0087.F

TERRA LABORIS

Dans un arrêt du 11 octobre 2010, la Cour de cassation précise ce qu’il faut entendre par date de transfert au sens de la CCT 32bis.

Les faits de la cause

Les administrateurs provisoires d’une société V. ont accepté le 22 décembre 1998 une offre de rachat des actifs par une société P. (devenue société S.). Il était convenu entre les parties que le vendeur inviterait le tribunal de commerce à prononcer la faillite « pour éviter tout problème sur le plan social », la volonté des parties étant que la vente de l’actif soit réalisée après la faillite. Celle-ci a été prononcée le 18 janvier 1999.

Le sieur V.A. a travaillé sous les ordres des administrateurs provisoires puis du curateur jusqu’à la fin du mois de février 1999. Il a, le 24 février 1999, signé avec la société P. un contrat de travail contenant une clause d’essai, pour d’autres fonctions que celles qu’il exerçait depuis 1995 au service de la société V.

Le matériel acheté a été transféré sur le site du cessionnaire en mars 1999.

Le sieur V.A. a été licencié pendant la période d’essai.

Soutenant que la clause d’essai était nulle pour avoir été conclue après son entrée au service de la société V., laquelle a fait l’objet d’un transfert conventionnel avant la faillite à la société P., le sieur V.A. a cité le cessionnaire devant le tribunal du travail de Liège notamment en paiement de diverses sommes dues en fonction de son ancienneté au service de la société V. (indemnité de préavis, prime de fin d’année, assurance de groupe).

Par jugement du 9 février 2005, la cinquième chambre du tribunal du travail (R.G. n° 306.829) dit nulle la clause d’essai.

Cette décision est réformée par un arrêt du 17 février 2009 de la deuxième chambre de la cour du travail de Liège. S’appuyant sur l’accord de volonté du cédant et du cessionnaire, les documents produits et la date du transfert matériel des actifs, la cour du travail décide que la société P. a repris l’actif d’une société en faillite et qu’il ne peut être question d’un transfert conventionnel d’entreprise avant la faillite. La société V.A. a formé un pourvoi en cassation contre cette décision.

L’arrêt de la Cour de cassation

La Cour de cassation rejette le moyen qui soutenait en substance que la vente était parfaite entre les parties dès qu’elles avaient convenu de la chose et du prix, qu’à supposer que la vente ait été faite sous la condition suspensive de la faillite, l’accomplissement de cette condition avait un effet rétroactif au jour auquel l’engagement avait été contracté et, qu’à supposer qu’il s’agisse d’une vente à terme, cette modalité n’avait de conséquence que sur l’exécution des obligations et non sur les engagements eux-mêmes. En toute hypothèse, la vente des actifs était donc été parfaite avant la faillite en sorte que le contrat de travail a, en vertu de l’article 7 de la CCT n° 32bis, été transféré à la date à laquelle les parties se sont mises d’accord sur la chose et le prix.

S’appuyant sur l’arrêt de la Cour de Justice du 26 mai 2005 (C-478/03, aff. Celtec), la Cour rappelle que la date du transfert des obligations résultant des contrats de travail existants au sens des articles 3 de la directive 77/187/CEE et 7 de la CCT n° 32bis, est le moment précis auquel s’opère le transfert du cédant au cessionnaire de la qualité de chef d’entreprise responsable de l’exploitation de l’entité transférée. La date du transfert n’est donc pas nécessairement celle à laquelle la vente des actifs est parfaite entre les parties.

Les constatations de l’arrêt attaqué, et notamment la circonstance que le sieur V. a travaillé sous l’autorité des administrateurs provisoires puis du curateur jusqu’à fin février 1999, que le contrat de travail avec le cessionnaire a été conclu le 24 février 1999 et que les actifs matériels n’ont été transférés qu’en mars 1999, justifient légalement la décision de la cour de travail qu’il n’y a pas eu de transfert conventionnel d’entreprise avant la faillite.

Intérêt de la décision

Cette procédure est indicative de ce que si, dès lors qu’il s’agit d’une notion juridique, la date à laquelle s’opère le transfert ne dépend pas d’un accord du cédant et du cessionnaire et ne peut donc être reportée à leur gré, les éléments de fait qui vont permettre à la juridiction de déterminer cette date dépendent eux de cet accord de volonté.

Sources

Cass., 11 octobre 2010, Juridat, F-20101011-4 – R.G. n° S.09.0087.F)


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