Terralaboris asbl

Allocations familiales pour travailleurs salariés : date de prise de cours des intérêts sur les arriérés

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 15 décembre 2010, R.G. 2009/AB/52.457

Mis en ligne le mercredi 16 mars 2011


Cour du travail de Bruxelles, 15 décembre 2010, R.G. 2009/AB/52.457

TERRA LABORIS A.S.B.L.

Dans un arrêt du 15 décembre 2010, la Cour du travail de Bruxelles rappelle les principes contenus dans la Charte de l’assuré social en ce qui concerne le délai dans lequel l’Institution de sécurité sociale doit prendre une décision et les conséquences, à défaut de respect de ce délai, sur la question des intérêts.

Les faits

Une demande d’allocations familiales majorées est introduite par une attributaire en janvier 1998 et donne lieu à une décision de refus. Une demande de revision est introduite un an plus tard et une nouvelle décision de refus est notifiée en mai 2000. Suite à celle-ci, un recours est introduit devant le Tribunal du travail.

Décision du Tribunal du travail

Le Tribunal condamne la Caisse à payer des allocations familiales au taux majoré à partir du 1er janvier 1996, décision confirmant l’avis de l’expert judiciaire précédemment désigné, et, suite à ce jugement rendu le 27 mai 2003, la Caisse paye le 19 août 2003 un montant de l’ordre de 30.000 €.

Reste en litige la question des intérêts de retard aux taux légaux et, par jugement du 29 juillet 2009, le Tribunal condamne la Caisse à payer ceux-ci, d’une part pour les prestations de janvier à décembre 2006, du 1er janvier 2007 au 19 août 2003 (date de paiement) et, d’autre part, pour les prestations à partir de janvier 2007, depuis le premier jour du mois qui suit celui au cours duquel elles sont dues.

L’appel

La Caisse interjette appel sur la question des intérêts. Elle considère que ceux-ci doivent être calculés au taux légal à l’échéance du délai de 4 mois, en vertu des dispositions de la Charte de l’assuré social (article 10), soit à partir du 28 mai 1998 ou, en tout état de cause, à la date du premier paiement intervenu après la première demande, en l’espèce le 28 février 1998.

L’assurée sociale demande confirmation du jugement.

Position de la Cour du travail

La Cour du travail est saisie uniquement de la question de la prise de cours des intérêts. Elle rappelle l’article 10 de la loi du 11 avril 1995 visant à instituer la Charte de l’assuré social, selon lequel, sans préjudice d’un délai plus court prévu par des dispositions légales ou règlementaires particulières, l’Institution de sécurité sociale est tenue de statuer au plus tard dans les 4 mois de la réception de la demande.

D’autres dispositions de la Charte doivent être prises en compte, étant d’une part l’article 12, selon lequel, toujours sans préjudice d’un délai plus court prévu dans des textes particuliers, le paiement des prestations doit intervenir au plus tard dans les 4 mois de la notification de la décision d’octroi, ainsi que l’article 20, qui précise la date de prise de cours des intérêts : les prestations portent intérêt de plein droit à partir de leur exigibilité et au plus tôt à partir de la date découlant de l’article 20 ci-dessus. La Charte précise, toujours en son article 20, que, si la décision d’octroi est prise avec un retard imputable à l’Institution de sécurité sociale, le point de départ des intérêts est l’expiration du délai de l’article 10 et au plus tôt la date de prise de cours de la prestation.

La Cour du travail considère dès lors que deux principes sont affirmés dans ces dispositions, étant (i) que l’institution de sécurité sociale est tenue de statuer dans les 4 mois de la demande et que (ii) si ceci n’est pas le cas, les intérêts commencent à courir à la date à laquelle la décision aurait dû intervenir.

Appliquant ces principes en l’espèce, la Cour constate qu’il n’a pas été statué dans le délai de 4 mois, puisqu’une décision aurait dû en l’espèce intervenir pour le 28 mai 1998. En conséquence, c’est à dater de ce jour que les intérêts de retard devaient commencer à courir.

La Cour ne fait dès lors pas droit à l’argumentation de l’assurée sociale, selon laquelle, en vertu de l’article 20 de la Charte, les intérêts pourraient commencer à courir à partir de la date de prise de cours de la prestation, en ce compris lorsque celles-ci sont accordées avec effet rétroactif à une date qui précède de plus de 2 ans la date de la demande. En effet, en matière d’allocations familiales, la date de prise de cours et la date d’exigibilité ne doivent pas être confondues, et ce d’autant que, vu l’article 120 des lois coordonnées du 19 décembre 1939, il est possible d’obtenir des prestations pour une date antérieure à la demande. La Charte de l’assuré social dispose, quant à elle, que les prestations ne sont exigibles qu’à l’échéance du délai de paiement prévu à l’article 12 ou, en cas de décision tardive, à la date à laquelle une décision aurait dû être prise.

En conséquence, la Cour réforme le jugement sur la date de prise de cours des intérêts, étant que c’est le 28 mai 1998 qui constitue le point de départ et non la date du 1er janvier 1997 (entrée en vigueur de la Charte de l’assuré social).

La Cour va en conséquence considérer qu’il faut effectuer deux calculs, d’une part celui des intérêts du 28 mai 1998 au 19 août 2003 pour les prestations venues à échéance entre le 1er janvier 1996 et le 28 mai 1998 et, d’autre part, celui des intérêts dus pour les montants venus à échéance à partir de cette date, pour lesquels il faut effectuer un calcul prenant en compte, comme date d’exigibilité, le premier jour du mois qui suit celui pour lequel les prestations étaient dues.

Intérêt de la décision

La question des intérêts sur arriérés de prestations sociales donne régulièrement lieu à débat.

Cet arrêt de la Cour du travail rappelle les deux principes contenus dans la Charte, étant le délai dans lequel l’institution de sécurité sociale doit prendre une décision et la débition d’intérêts d’office à défaut du respect de ce délai.


Accueil du site  |  Contact  |  © 2007-2010 Terra Laboris asbl  |  Webdesign : michelthome.com | isi.be