Terralaboris asbl

Est-il conforme aux principes d’égalité et de non-discrimination d’exclure de la même manière un chômeur qui n’a failli que partiellement aux engagements souscrits dans un contrat d’activation ou même partiellement à un seul de ces engagements et un chômeur qui n’en aurait rempli aucun ?

Commentaire de C. trav. Mons, 29 septembre 2009, R.G. 21.109

Mis en ligne le lundi 28 mars 2011


Cour du travail de Mons, 29 septembre 2009, R.G. n° 21.109

TERRA LABORIS ASBL

Les faits

Mme J., bénéficiaire d’allocations d’attente, avait souscrit un premier contrat au terme d’une première évaluation négative de ses efforts pour trouver du travail.

Pendant la période d’évaluation, elle a entamé une formation d’assistante logistique qu’elle a réussi avec grande distinction. L’évaluation a ainsi finalement porté sur une période de plus d’un an. L’ONEm a estimé que la chômeuse n’avait pas respecté le premier contrat, ce que celle-ci a contesté.

Jugement du tribunal du travail de Charleroi du 14 mars 2008

Le tribunal du travail décide que la chômeuse n’a pas respecté le troisième engagement consistant en la présentation spontanée de candidatures auprès de huit entreprises et/ou organisations au moins à raison de deux par mois, en sorte que l’évaluation négative était justifiée. Le tribunal sursoit à statuer en attendant la confirmation par la cour du travail de Mons de sa jurisprudence sur la discrimination éventuelle au niveau des mesures d’exclusion prévues à l’égard des travailleurs bénéficiant des allocations d’attente, d’une part et des chômeurs ordinaires, d’autre part.

La position des parties en appel

Mme J. fait grief au premier juge de ne pas avoir tenu compte des autres actions qu’elle a entreprises et menées à bien en plus de celles accomplies dans le cadre de son contrat. L’ONEm sollicite la confirmation du jugement dont appel.

La position de la Cour

La cour du travail estime qu’il a été définitivement jugé que seul le troisième engagement n’avait pas été respecté. Sa saisine est donc limitée à la vérification du respect de cet engagement et à la problématique relative à une éventuelle discrimination.

Après avoir rappelé sa jurisprudence selon laquelle le respect du contrat doit être vérifié en tenant compte des obligations de loyauté, de pondération et de collaboration consacrées par l’article 1134, alinéa 3, du Code civil (C.T. Mons, 11 décembre 2008, R.G. n° 20.623), la cour du travail conclut que les exigences du contrat n’ont pas été respectées.

Elle s’interroge alors sur d’éventuelles différences de traitement. Elle confirme sa jurisprudence selon laquelle les catégories de bénéficiaires d’allocations de chômage et d’allocations d’attente ne sont pas comparables.

Avec l’avocat général, elle se pose la question de la fixité de la mesure d’exclusion (quatre mois) indépendamment de toute considération d’espèce. Elle ordonne la réouverture des débats en vue de permettre aux parties de s’expliquer sur 1°) la nature de l’exclusion, 2°) l’adéquation ou la disproportion entre la situation personnelle de Mme J. et la durée fixe de quatre mois d’exclusion sans possibilité de modulation et d’adaptation de cette durée et 3°) la conformité aux articles 10 et 11 de la Constitution de cette disposition qui exclut de la même manière le chômeur qui n’a failli, comme en l’espèce, que partiellement à ses engagements (ou même partiellement à un seul de ses engagements) et un autre qui n’en aurait rempli aucun.

En cas de disproportion ou de discrimination, elle invite les parties à s’expliquer sur les conséquences à en tirer : annulation de l’exclusion ou adaptation de celle-ci ou octroi d’un sursis ? En cas d’annulation, quel est le rôle du juge ?

Intérêt de la décision

L’arrêt rappelle que, dans la matière du chômage, réglementée essentiellement par un arrêté royal, il appartient au juge de mener lui-même le contrôle de constitutionalité, quels sont les paramètres de ce contrôle et que le principe d’égalité peut être violé lorsque des catégories différentes sont traitées de manière identique.

La position adoptée par la cour du travail de Mons quant au caractère non comparable des catégories que sont les chômeurs bénéficiaires d’allocations d’attente et les chômeurs bénéficiaires d’allocations de chômage est sans doute dépassée au regard de l’arrêt de la Cour de cassation du 9 novembre (S.08.0120.F).

Mais l’essentiel de l’arrêt réside dans l’interrogation sur une possible autre discrimination, dans « la logique de « l’approche contractuelle » adoptée par la Cour de cassation » dans son arrêt du 9 juin 2008, au regard des principes civilistes de modélisation et de proportionnalité des conséquences liées à l’inexécution partielle des obligations contractuelles et sur les éventuelles conséquences de cette discrimination quant aux pouvoirs de substitution du juge.


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