Terralaboris asbl

Abandon d’emploi convenable et motif légitime

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 9 février 2011, R.G. 2009/AB/52.555

Mis en ligne le mardi 24 mai 2011


Cour du travail de Bruxelles, 9 février 2011, R.G. n° 2009/AB/52.555

TERRA LABORIS ASBL

Dans un arrêt du 9 février 2011, la Cour du travail de Bruxelles rappelle les contours du contrôle judiciaire en cas d’abandon d’emploi convenable, s’agissant en l’espèce d’une enseignante en début de carrière et ayant accepté une charge incomplète d’enseignement, qui quitte son emploi après quelques mois.

Les faits

Une jeune diplômée bénéficie d’allocations de chômage. Elle est amenée à exercer une activité d’enseignante à temps partiel (9 hrs / semaine) à la rentrée de l’année scolaire 2007-2008.

Après une courte période d’incapacité de travail, elle démissionne de son emploi en février 2008 et demande le bénéfice des allocations de chômage immédiatement.

Après avoir été entendue quant aux circonstances relatives à la perte de son emploi, l’intéressée reçoit une décision d’exclusion pour une période de huit semaines. Le motif en est l’abandon d’un emploi convenable sans motif légitime.

Le jugement du tribunal du travail

L’intéressée ayant introduit un recours, le tribunal du travail décide, par jugement du 4 septembre 2009, de faire droit à la demande et annule la sanction d’exclusion.

Le tribunal examine l’emploi conféré et considère, dans les circonstances du cas d’espèce, que celui-ci n’était pas convenable.

La décision de la cour du travail

Sur appel de l’ONEm, qui demande que la décision soit rétablie dans toutes ses dispositions, la Cour du travail de Bruxelles est amenée à rappeler les conditions dans lesquelles un emploi peut être déclaré non convenable. La privation de travail et de rémunération par suite de circonstances indépendantes de la volonté du chômeur est une condition d’octroi des allocations de chômage, reprise à l’article 44 de l’arrêté royal du 25 novembre 1991 : celui-ci doit être ou devenir chômeur par suite de circonstances qui ne dépendent pas de sa volonté. Dans le cas contraire, il peut être exclu pour une période déterminée.

Parmi les circonstances dépendant de la volonté du travailleur se trouve l’abandon d’emploi convenable sans motif légitime.

La cour rappelle que dans le mécanisme d’octroi des allocations de chômage, cet abandon d’emploi convenable sans motif légitime suppose à la fois que l’emploi était convenable (c’est-à-dire conforme aux conditions des articles 22 et suivants de l’arrêté ministériel du 26 novembre 1991) et que cet abandon est intervenu sans motif légitime dans le chef du chômeur.

Conformément à la jurisprudence de la Cour de cassation (Cass., 30 janvier 1984, Pas., 1984, I, p. 599) le juge peut, dans l’appréciation de la légitimité du motif, tenir compte d’autres éléments que les critères de l’emploi convenable tels qu’ils sont eux-mêmes établis dans l’arrêté ministériel.

En d’autres termes, peut être un motif légitime celui qui est propre à la situation du travailleur, et ce même si l’emploi en lui-même pouvait être qualifié d’emploi convenable.

La cour examine ensuite la durée de l’exclusion, qui, en vertu de l’article 52bis, § 1er de l’arrêté royal, peut être de 4 à 52 semaines. Elle rappelle également l’insertion dans l’arrêté royal d’un article 53bis par l’arrêté royal du 29 juin 2000, qui a prévu la possibilité d’assortir la décision d’exclusion d’un sursis partiel ou complet.

Examinant les données de l’espèce, la cour constate en premier lieu que l’emploi offrait toutes les caractéristiques de l’emploi convenable et qu’il ne perdait pas ce caractère du fait des difficultés de l’enseignante à s’y épanouir.

Celle-ci ayant fait valoir qu’elle avait démissionné afin de recouvrer sa santé, la cour constate d’abord que cette explication ressort uniquement des déclarations de l’intéressée et qu’elle n’est établie par aucune pièce. Ces déclarations (d’une des parties du litige) ne peuvent être suffisantes pour qu’il y ait cause légitime.

La cour conclut dès lors à l’existence d’un manquement dans le chef de l’intéressée mais dans son appréciation, elle retient qu’il s’agit d’une première expérience d’enseignant et que celle-ci a d’ailleurs amené l’intéressée à faire le constat - assez rapidement – qu’elle ne présentait ni les qualités ni l’autorité pour exercer de telles fonctions et ce sans stress excessif.

Le manquement – existant – est cependant pour la cour bien explicable et elle le considère même comme étant « dénué de toute gravité ».

En conséquence, elle donne à l’intéressée … un avertissement.

Intérêt de la décision

Petit rappel intéressant, dans un cas d’espèce, des pouvoirs du juge en cas d’abandon d’emploi convenable : si en l’occurrence la chômeuse reste en défaut d’apporter la preuve d’un motif légitime (dont la cour précise bien qu’il peut lui être propre et qu’il ne doit dès lors pas s’agir d’un motif prévu à la réglementation), ce motif doit cependant exister et être établi. La cour passe, dès lors, à l’examen de l’appréciation de la gravité du motif, gravité inexistante en l’espèce.

Sans doute l’ONEm aurait-il pu arriver à la même conclusion sans qu’un recours judiciaire ne soit nécessaire.


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