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Mandat d’un représentant d’une organisation syndicale pour conclure un accord individuel : règles applicables

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 1er février 2011, R.G. 2009/AB/52.390

Mis en ligne le mardi 24 mai 2011


Cour du travail de Bruxelles, 1er février 2011, R.G. 2009/AB/52.390

TERRA LABORIS A.S.B.L.

Dans un arrêt du 1er février 2011, la Cour du travail de Bruxelles rappelle que si les délégués d’organisations syndicales peuvent légalement conclure une convention collective, leur mandat dans le cadre de conflits individuels est régi par les règles du Code civil.

Les faits

Une employée d’institution hospitalière est désignée pour remplir la fonction de conseillère en prévention.

Suite à des tensions d’ordre relationnel, elle fait appel au conseiller externe en prévention et une proposition de solution transactionnelle est communiquée, par l’employeur, étant une proposition de rupture amiable du contrat de travail.

L’employée tombe en incapacité de travail et des négociations sont entreprises via son organisation syndicale en vue de rechercher les modalités d’une rupture amiable. L’intéressée propose quant à elle de poursuivre ses fonctions sous un autre supérieur hiérarchique et exclut de démissionner. Les discussions n’aboutissant pas, l’intéressée reprend ses fonctions et signe une demande de mobilité volontaire pour être affectée à un autre établissement.

Un an plus tard, son employeur lui annonce la fin du détachement afin qu’elle reprenne ses activités initiales. Commence alors une nouvelle période d’incapacité de travail, qui durera jusqu’à la rupture du contrat de travail.

Entre-temps, des discussions interviennent et le C.P.P.T. marque accord avec la décision de licenciement. Celle-ci intervient le 21 décembre 2007, moyennant paiement d’une indemnité de rupture de 8 mois.

Des négociations sont alors entamées via le conseil de l’employée, qui conteste les conditions du licenciement et réclame une indemnité plus importante ainsi qu’une indemnité de protection.

L’employeur y oppose le mandat donné à l’organisation syndicale pour négocier les conditions d’une rupture amiable. L’employée conteste avoir donné un tel mandat et marqué son accord sur celui-ci.

L’organisation syndicale produit, ensuite, un courrier par lequel elle confirme que son Secrétaire fédéral a dûment mandaté un de ses membres afin de trouver une solution amiable aux problèmes relationnels de l’intéressée au sein de l’hôpital. Il précise qu’à la demande expresse de celle-ci, l’organisation est intervenue afin qu’elle soit licenciée moyennant paiement d’une indemnité de rupture pour clore le dossier.

Après paiement de l’indemnité de rupture, l’intéressée introduit un recours devant le Tribunal du travail, niant avoir donné mandat à l’organisation syndicale, qui comporterait une renonciation quelconque à ses droits.

Position du Tribunal du travail

Le Tribunal du travail va faire en partie droit à la demande de l’intéressée et condamner l’institution à payer l’indemnité de protection.

Position de la Cour du travail

Saisie de l’appel de l’hôpital, la Cour du travail se prononce essentiellement sur l’étendue du mandat de l’organisation syndicale. Elle rappelle qu’en vertu de la loi du 5 décembre 1968 (article 12), les délégués des organisations syndicales sont présumés de manière irréfragable être habilités à conclure une convention collective de travail au nom de l’organisation. Par contre, aucune disposition ne présume que les syndicats sont habilités à conclure des accords individuels au nom d’un affilié. Lorsqu’une organisation syndicale agit au nom et pour compte d’un affilié, son mandat est celui des articles 1984 et suivants du Code civil.

En l’occurrence, la Cour constate que l’employeur n’avait pas l’obligation de réclamer à l’organisation syndicale la production de la procuration qui lui aurait été donnée par son affiliée, mais il lui incombe, lorsque l’existence du mandat est contestée ultérieurement par celle-ci, d’en apporter la preuve, preuve qui peut être donnée par toutes voies de droit.

Pour la Cour, un représentant syndical a légalement le droit d’être reçu par l’employeur à l’occasion d’un litige individuel. Il n’est pas d’usage pour l’organisation de présenter une procuration écrite lorsqu’elle se présente ainsi auprès de l’employeur afin de discuter au nom de l’affilié et, de même, pour l’employeur de réclamer cette procuration. Cependant, à supposer que l’on suive la thèse du mandat tacite, encore faut-il que celui qui s’en prévaut puisse l’établir, dans son existence et dans sa portée. L’organisation qui représente un affilié ne peut agir en son nom et pour son compte que dans les limites d’un tel mandat. La Cour rappelle en outre les termes de l’article 1989 du Code civil selon lequel un mandataire ne peut rien faire au-delà de ce qui est porté dans le mandat.

En l’espèce, appliquant ces principes aux éléments qui lui sont soumis, la Cour constate que l’employée a accepté que son organisation syndicale trouve une solution à l’amiable et qu’elle intervienne pour que le licenciement soit décidé avec paiement d’une indemnité de rupture.

Il s’agissait donc d’un mandat portant sur la négociation d’un licenciement, mais il n’est pas établi que le syndicat pouvait marquer son accord sur une rupture d’un commun accord du contrat en faisant perdre à l’intéressée le droit à l’indemnité de protection en cas de non-respect de la procédure prévue par la loi.

La Cour constate en conclusion que l’employeur n’établit pas que la rupture a pour origine un accord commun négocié au nom de la travailleuse par l’organisation syndicale, de même qu’il ne prouve pas l’existence d’un mandat spécifique pour négocier au nom de celle-ci de telles modalités.

En conséquence, la rupture du contrat résulte du courrier notifié par l’employeur et ce licenciement, mode unilatéral de rupture, devait légalement être soumis à la procédure prévue par la loi du 20 décembre 2002.

Ceci n’ayant pas été le cas, l’indemnité de protection est due.

Intérêt de la décision

Petit rappel d’une question fréquemment posée, étant l’étendue du mandat des représentants d’une organisation syndicale dans le cadre d’un licenciement.


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