Terralaboris asbl

Licenciement et conditions de validité d’une convention sur préavis

Commentaire de C. trav. Mons, 22 mars 2011, R.G. 2010/AM/120

Mis en ligne le mercredi 22 juin 2011


Cour du travail de Mons, 22 mars 2011, R.G. n° 2010/AM/120

TERRA LABORIS ASBL

Dans un arrêt du 22 mars 2011, la Cour du travail de Mons rappelle qu’une convention sur préavis signée postérieurement à la notification d’un congé valablement donné est régulière sauf à établir un vice de consentement.

Les faits

Un représentant de commerce signe, lors d’une réunion dans un restaurant avec son supérieur hiérarchique, un document pré-rédigé par lequel il déclare accepter son licenciement moyennant une indemnité de trois mois de rémunération, cette indemnité valant pour solde de tout compte, sans autre prime ni avantage. Le document contient d’autres engagements (abstention de visites de la clientèle, …).

Le même jour un courrier recommandé de licenciement lui est notifié confirmant le paiement d’une indemnité de trois mois sur laquelle il a marqué accord.

Le représentant introduit une procédure devant le tribunal du travail, contestant la validité du document signé. Il fait valoir que des pressions de licenciement pour motif grave ont été exercées sur lui, à défaut de signature.

La procédure devant le tribunal du travail

La demande introduite devant le tribunal du travail porte sur une indemnité complémentaire de préavis, une indemnité d’éviction et d’autres sommes.

La société introduit une demande reconventionnelle, invoquant notamment une perte de clientèle.

Le tribunal du travail accorde une indemnité d’éviction mais déboute l’employé du chef de demande relatif à l’indemnité complémentaire de préavis.

La position des parties en appel

La société interjette appel se fondant sur le document signé par le représentant, pour solde de compte, estimant avoir respecté les termes de celui-ci et ne plus rien devoir. Elle plaide, plus précisément, que le congé est intervenu dans un contexte de fautes graves dont certaines avaient été admises par l’intéressé et que la lettre de licenciement envoyée le même jour n’était que la confirmation de la décision prise préalablement. En ce qui concerne la portée de l’accord signé, la société considère qu’il y a renonciation à toute réclamation étrangère à l’indemnité de rupture de trois mois et notamment à l’indemnité d’éviction.

Le représentant demande, pour sa part, la nullité de l’accord et reprend les chefs de demande formulés initialement. Il fait essentiellement valoir que la convention relative à la durée du préavis doit à peine de nullité être conclue au plus tôt au moment où le congé est donné, ce qui n’était pas le cas, d’autant que le supérieur hiérarchique ne disposait pas du pouvoir de licencier ; il soutient à titre subsidiaire que, si le document devait être reconnu comme valable, il y a un vice de consentement, étant la violence consistant en la menace injustifiée d’un licenciement pour motif grave. Enfin, il n’y aurait accord que sur le principe d’une durée de préavis de trois mois mais non sur la renonciation à d’autres sommes.

La position de la cour

La cour se penche d’abord assez longuement sur la validité du document signé, au regard de l’article 82, § 3 de la loi du 3 juillet 1978.

Elle rappelle, avant toute chose, les principes en matière de validité du congé et, plus précisément, que si le travailleur veut se prévaloir de l’irrégularité de la notification (absence de mandat donné pour licencier), il doit réagir immédiatement. S’il s’en abstient il ne peut plus, selon la jurisprudence de la Cour de cassation (Cass., 6 février 2006, R.G. S.05.0030.N) nier ultérieurement (sauf dans un délai raisonnable) l’existence du mandat.

Elle constate que, en l’espèce, les éléments relatifs à l’absence de mandat n’ont été avancés qu’au degré de l’appel et qu’aucune objection n’a été émise précédemment. Elle en déduit qu’il y avait existence d’un mandat régulier, celui-ci étant confirmé par ailleurs.

En outre, au moment de la signature, l’intéressé avait été informé du licenciement puisqu’il avait précisément signé un document par lequel il acceptait celui-ci et admettait la fin de ses prestations ce même jour à midi.

La cour du travail relève que, au sens de l’article 82, § 3 de la loi du 3 juillet 1978, la convention sur préavis est dès lors valable.

Il ne pourrait en être autrement que s’il y avait vice de consentement (erreur, violence ou dol).

Après avoir rappelé que l’employé a la charge de la preuve de ce vice, la cour revient particulièrement à l’article 1112 du Code civil, relatif à la violence, susceptible de constituer un tel vice de consentement lorsqu’elle est de nature à faire impression sur une personne raisonnable et qu’elle peut lui inspirer la crainte d’exposer sa personne ou sa fortune à un mal considérable et présent. Les critères d’appréciation sont, ici, l’âge, le sexe et la condition de la personne.

Il en découle qu’il ne suffit pas d’établir une contrainte pour qu’il y ait nullité du consentement. Quatre conditions sont généralement exigées, étant (i) que la violence doit avoir été déterminante du consentement, (ii) qu’elle doit être de nature à faire impression sur une personne raisonnable, (iii) qu’elle doit faire naître la crainte d’un mal considérable et (iv) qu’elle doit être injuste ou illicite.

En l’espèce, il s’agissait d’une menace de licenciement pour motif grave et la cour relève qu’il appartient à l’employé de prouver que l’employeur a fait un usage abusif ou illicite de son droit d’invoquer un tel motif grave (ceci ne pouvant se déduire de la seule existence de cette affirmation) ou encore que l’employeur a usé de manœuvres afin de tromper l’employé.

Les conditions pour la reconnaissance d’un vice de consentement ne sont dès lors nullement avérées et la cour confirme à cet égard la validité de la convention sur préavis. Elle en limite cependant la portée, étant qu’elle ne concerne que la durée et non les autres éléments pouvant intervenir pour le calcul de l’indemnité.

Enfin, la cour aborde également la question de savoir si l’on ne se situerait pas dans le cadre d’une quittance pour solde de tout compte, telle que prévue à l’article 42 de la loi du 3 juillet 1978, ce qui impliquerait que le travailleur n’aurait pas renoncé à ses droits.

La cour constate cependant que le document ne peut être assimilé à une telle quittance, celle-ci étant, juridiquement, un écrit par lequel un créancier reconnaît avoir reçu le paiement de sa créance. En cas de rupture du contrat de travail, l’employeur peut se faire délivrer une telle quittance pour solde de tut compte, qui n’implique pas la renonciation du travailleur aux droits qu’il pourrait faire valoir sur d’autres montants. Une telle renonciation peut cependant intervenir en termes distincts.

Dans la mesure où le document signé mentionne que le représentant a renoncé à toute autre somme que celle relative à l’indemnité compensatoire de préavis (et un remboursement de frais), il a ainsi renoncé à l’indemnité d’éviction ou à d’autres montants pouvant encore être dus.

Intérêt de la décision

C’est à juste titre que cet arrêt de la Cour du travail de Mons rappelle les conditions strictes dans lesquelles il peut y avoir annulation d’un écrit pour vice de consentement, en l’occurrence violence morale. La cour rappelle ici les quatre conditions généralement exigées pour qu’une tellle violence puisse entraîner la nullité de l’acte, conditions strictes qui n’étaient, en l’occurrence, nullement remplies.


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