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Taux du revenu d’intégration sociale en cas de cohabitation avec une personne en séjour illégal et sans ressources

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 17 février 2011, R.G. 2008/AB/51.321

Mis en ligne le vendredi 8 juillet 2011


Cour du travail de Bruxelles, 17 février 2011, R.G. n° 2008/AB/51.321

TERRA LABORIS ASBL

Dans un arrêt du 17 février 2011, la Cour du travail de Bruxelles rappelle qu’en cas de cohabitation, le taux du revenu d’intégration ne peut être le taux isolé, même si la personne avec qui l’ayant droit forme un ménage est sans ressources.

Les faits

Monsieur G. cohabite avec une dame d’origine polonaise, en séjour irrégulier au moment où il introduit une demande de revenu d’intégration.

Le CPAS de Nivelles accorde le revenu d’intégration au taux cohabitant.

L’intéressé introduit un recours, demandant le taux isolé.

La position du tribunal

Le Tribunal du travail de Nivelles fait droit à sa demande, au motif que le cohabitant est sans ressources.

Le CPAS interjette appel de cette décision.

La position des parties en appel

Pour le CPAS, c’est le taux cohabitant qui doit être appliqué, peu importe que la dame avec qui l’ayant droit cohabite dispose ou non de revenus.

Pour ce dernier, son amie, en séjour illégal, n’a aucun revenu et n’a pas la possibilité d’en obtenir. Il fait également valoir qu’il ne peut bénéficier d’aliments pour lui-même, son épouse – dont il est séparé – payant une pension alimentaire pour les enfants.

La position de la cour

La cour circonscrit la période pendant laquelle la question du taux du revenu d’intégration lui est posée, c’est-à-dire jusqu’à la régularisation du séjour de l’amie polonaise du demandeur.

La cour rappelle que, s’agissant du droit à l’intégration sociale, les conditions d’octroi sont précisées dans la loi et que, par ailleurs, les montants sont forfaitaires, variant en fonction de critères légaux qui s’imposent tant au CPAS qu’au juge :

  • le taux isolé est octroyé à la personne qui vit seule, par opposition à celle qui cohabite ;
  • la notion de cohabitation est définie dans la loi : il faut vivre sous le même toit et régler principalement en commun les questions ménagères.

Le demandeur de revenu d’intégration dont la situation de fait correspond à ces deux conditions relève de la première catégorie de bénéficiaires (cohabitant) sauf s’il a des personnes à charge (dans les conditions fixées à l’article 14, § 1er, 3°).

Pour la cour, le taux isolé ne peut être accordé à une personne qui cohabite avec une autre avec qui il forme un ménage de fait, même si cette personne ne dispose elle-même d’aucune ressource (la cour cite C. trav. Bruxelles, 21 févr. 2008, R.G. n° 48 742). Pour la cour, considérer qu’il faut raisonner autrement au motif que l’amie du demandeur est sans ressources revient à considérer que la cohabitation au sens légal impliquerait une cohabitation avec une personne dont les ressources sont susceptibles d’être mises en commun. Or, comme la cour le relève, cette condition n’est pas prévue dans la loi. Celle-ci confère des droits individualisés au revenu d’intégration et l’effet de la cohabitation avec quelqu’un qui dispose de ressources est, légalement, la prise en compte de celles-ci pour éventuellement réduire le montant du taux. Les seuls cas où la loi du 26 mai 2002 et celle du 8 juillet 1976 envisagent la cohabitation avec une personne ne bénéficiant d’aucune ressource sont d’une part l’octroi du taux prévu pour la personne ayant charge de famille, à la condition que la personne avec qui le demandeur cohabite soit considérée comme un partenaire de vie et réponde aux conditions prévues à l’article 2bis de l’arrêté royal du 11 juillet 2002 (conditions de revenus) et d’autre part la possibilité, en cas d’absence de ressources, de solliciter une aide sociale vu la constatation de l’état de besoin.

En l’espèce, pour la cour, aucune de ces deux situations n’est rencontrée.

L’amie du demandeur étant en séjour irrégulier, elle ne répond pas aux conditions qui seraient susceptibles de permettre à ce dernier d’obtenir un taux majoré. Par ailleurs, vu sous l’angle de l’aide due au demandeur, l’état de besoin qui permettrait d’octroyer une aide majorée au-delà du revenu d’intégration sociale au taux cohabitant n’est pas prouvé. Au contraire, même s’il s’avère qu’il y a absence de tout d’état de besoin (absence de dettes essentiellement).

La cour en conclut à la réformation du jugement, l’appréciation du premier juge n’étant pas conforme aux conditions légales d’octroi du revenu d’intégration.

Intérêt de la décision

Dans cet arrêt, la Cour du travail de Bruxelles admet qu’un étranger en séjour illégal doit être pris en compte comme cohabitant en vue de fixer le taux du revenu d’intégration sociale.

Cette appréciation semble sujette à critique. En effet, la notion de cohabitation est généralement appréciée à partir du concept économique qu’elle implique, étant qu’elle permet aux personnes vivant ensemble de réaliser, de ce fait, une économie d’échelle, qui justifie l’octroi du revenu d’intégration au taux de base.

La cohabitation pose d’ailleurs d’une double exigence étant le fait de vivre sous le même toit et de régler principalement en commun les questions ménagères (même définition qu’en matière de chômage). Peut donc se poser la question de savoir si, sans aucune ressource, le cohabitant est susceptible de contribuer à régler (financièrement) les principales questions ménagères.

Si, vu son séjour illégal, il ne peut être pris en compte pour que l’ayant droit ait le taux du revenu d’intégration sociale applicable en cas de famille à charge, il ne nous semble pas qu’il doive être un obstacle à l’octroi au demandeur du taux isolé, dès lors que ses capacités contributives sont inexistantes.


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