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Ressortissants de pays tiers à l’Union européenne – nationalité belge d’un enfant : conséquences en droit social

Commentaire de C.J.U.E., 8 mars 2011, affaire n° C-34/09 (RUIZ ZAMBRANO)

Mis en ligne le lundi 1er août 2011


Cour de Justice de l’Union Européenne, 8 mars 2011, Affaire C-34/09

TERRA LABORIS ASBL

Le 8 mars 2011, la Cour de Justice de l’Union européenne a rendu un arrêt décisif en ce qui concerne le droit au séjour ainsi que le droit au travail (permis de travail) de ressortissants de pays tiers à l’Union européenne, parents d’un enfant ayant la nationalité belge.

Les faits

Des ressortissants colombiens en séjour en Belgique depuis 1999 introduisent au fil du temps diverses procédures aux fins d’obtenir la régularisation de leur séjour. Deux enfants naissent, sur le territoire belge. Les démarches en vue d’obtenir la nationalité colombienne n’ayant pas été effectuées dans le délai requis par cette loi, les enfants sont belges en vertu du Code de la nationalité belge (article 10, 1er alinéa).

Le père, travaillant en qualité de salarié, perd son emploi suite à la visite d’une inspection sociale (occupation sans permis de travail). S’inscrivant au chômage, il se heurte au refus de l’ONEm de l’indemniser.

Position du Tribunal du travail

Le Tribunal du travail de Bruxelles est saisi et, par jugement du 19 décembre 2008, pose à la Cour de Justice trois questions préjudicielles, consistant, en gros, à dire si les parents colombiens pouvaient se prévaloir d’un droit de séjour et, en conséquence, d’un permis de travail, vu la nationalité européenne des enfants.

Décision de la Cour de Justice

La Cour de Justice, se fondant sur la jurisprudence communautaire bien établie depuis l’arrêt Zhu et Chen (C.J.C.E., 19 octobre 2004, C-200/02), va apporter une réponse positive à la question.

Dans cet arrêt Zhu et Chen, il avait en effet été admis qu’une mère de nationalité chinoise, ayant accouché dans un pays de l’Union (Irlande du Nord) pouvait se voir reconnaître des droits du fait de la nationalité irlandaise de sa fille. Après avoir sollicité un droit de séjour de longue durée au Royaume-Uni et de se l’être vu refuser, l’intéressée avait saisi les tribunaux.

La Cour de Justice a ainsi été amenée à conclure qu’il n’appartient pas à un état membre de restreindre les effets de l’attribution de la nationalité d’un autre état membre en exigeant une condition supplémentaire pour le reconnaissance de cette nationalité en vue de l’exercice des libertés fondamentales prévues par le Traité. La Cour avait précisé que tel serait le cas si le Royaume-Uni était en droit de refuser aux ressortissants d’autres états membres (en l’occurrence l’enfant) le bénéfice d’une liberté fondamentale garantie par le droit communautaire au seul motif que l’acquisition de la nationalité d’un état membre aboutirait à procurer un droit de séjour en vertu du droit communautaire à un ressortissant d’un état tiers. Il s’agissait, en l’espèce, d’une situation intra-communautaire, car concernant deux états membres, le Royaume-Uni et l’Irlande.

En l’occurrence, dans la présente affaire, la Cour de Justice n’est pas saisie d’une situation intra-communautaire, puisque celle-ci ne concerne que la Belgique, les enfants de nationalité belge résidant en Belgique avec leurs parents (ressortissants d’un état tiers).

La Cour de Justice conclut cependant que la solution doit être identique : un ressortissant d’un état tiers peut bénéficier des droits attachés à la qualité de citoyen de l’Union européenne même si la situation visée n’est pas intra-communautaire.

La Cour de Justice base son raisonnement sur la notion de citoyenneté de l’Union européenne, statut qui, selon l’arrêt, a vocation à être le statut fondamental des ressortissants des états membres (la Cour renvoyant ici à une jurisprudence plus ancienne et notamment à l’arrêt GREZLCZYK du 20 septembre 2001 (C-184/99, req. p.1-6193, point 31)).

L’article 20 du Traité, qui institue la citoyenneté européenne et confère aux citoyens de l’Union notamment un droit de circulation et de séjour, s’oppose, pour la Cour, à des mesures nationales ayant pour effet de priver les citoyens de l’Union de la jouissance effective de l’essentiel des droits conférés par ce statut.

En l’occurrence, le refus de séjour opposé à un ressortissant d’un état tiers d’un état membre où résident ses enfants en bas âge, eux-mêmes ressortissants de cet état, enfants dont il assume la charge, aura un tel effet, de même que le refus d’octroyer à cette personne un permis de travail. La Cour précise qu’un tel refus de séjour aura pour conséquence que les enfants, alors qu’ils sont citoyens de l’Union, se verront obligés de quitter le territoire de l’Union pour accompagner leurs parents. De la même manière, en l’absence de permis de travail, l’ascendant risque de ne pas disposer de ressources nécessaires pour subvenir à ses propres besoins et à ceux de sa famille. Cette situation aura également pour conséquence que les enfants, citoyens de l’Union, se verraient obligés de quitter le territoire de celle-ci. Il y aurait dès lors dans leur chef impossibilité d’exercer l’essentiel des droits conférés par leur statut de citoyen de l’Union européenne.

Intérêt de la décision

Cette jurisprudence de la Cour de Justice admet que, dès lors que des enfants de ressortissants d’états tiers obtiennent la nationalité de l’un des états membres, ceux-ci peuvent plus facilement y obtenir un droit de séjour. Ils peuvent, également, plus facilement exercer d’autres droits leur permettant de subvenir à leurs propres besoins. L’arrêt laisse, ainsi, la porte ouverte au bénéfice pour ces ressortissants de bénéficier d’autres libertés, dont le droit d’établissement.

La portée de cet arrêt n’est pas encore pleinement mesurable. Il ne fait nul doute cependant qu’il constitue une étape décisive dans la définition de la notion de citoyenneté européenne.
Pour d’intéressants commentaires sur les questions posées, il est utile de lire les conclusions de l’avocat général, Mme Eleanor SHARPSTON, présentées à la Cour le 30 septembre 2010 et notamment les critiques faites par celle-ci à la jurisprudence sur la question.


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