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Quel est le délai dont dispose l’ONEm pour poursuivre en recouvrement ?

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 1er juin 2011, R.G. 2006/AB/49.210

Mis en ligne le lundi 26 septembre 2011


Cour du travail de Bruxelles, 1er juin 2011, R.G. 2006/AB/49.210

TERRA LABORIS ASBL

Dans un arrêt du 1er juin 2011, la Cour du travail de Bruxelles rappelle la distinction à opérer entre le délai dans lequel l’ONEm doit se faire délivrer un titre exécutoire et celui fixé pour son exécution.

Les faits

Un travailleur salarié, ouvrier de la construction, est licencié le 30 décembre 1996. Il sollicite le bénéfice des allocations de chômage et déclare à ce moment l’exercice d’une activité indépendante dans la construction, et ce depuis près de 5 ans.

Après avoir été auditionné, il se voit notifier une décision d’exclusion pour la période correspondante, en sus d’une autre exclusion pour une période de 10 semaines et l’ONEm ordonne la récupération des allocations perçues indûment.

La notification correspondant au montant de celles-ci intervient par une seconde décision. L’intéressé introduit un recours devant le Tribunal du travail de Namur.

Décision du Tribunal du travail de Namur

Le Tribunal du travail réduit la sanction, la ramenant à 5 semaines, et, après avoir ordonné la réouverture des débats sur la limitation sollicitée de la récupération, déboute le demandeur de cet aspect de sa demande, au motif qu’il ne prouverait pas sa bonne foi et ne serait pas mesure d’identifier les jours d’activité.

Décision de la Cour du travail de Liège

Par arrêt du 2 août 2004, la Cour du travail de Liège, saisie de l’appel de l’intéressé, confirme le jugement sur la question du refus de limitation du remboursement, et ce aux mêmes motifs d’absence de bonne foi ou de preuve des journées d’activité. La cour soulève, cependant, d’office, un moyen tiré de la prescription et rouvre les débats.

Dans un second arrêt du 23 novembre 2004, elle va considérer que la prescription pour la récupération d’indu était acquise.

L’arrêt de la Cour de cassation du 27 mars 2006

Sur pourvoi de l’ONEm (qui vise uniquement le second arrêt de la cour du travail), la Cour de cassation va casser. Elle relève que l’article 7, § 13, alinéa 2 de l’arrêté-loi du 28 décembre 1944 donne à l’ONEm un délai de prescription de 3 ans, porté à 5 ans en cas de fraude ou de dol du chômeur, pour prendre la décision ordonnant la répétition des allocations payées indûment. L’action de l’Office en récupération d’indu n’est cependant pas soumise à un délai spécifique de prescription. La Cour de cassation renvoie dès lors à l’article 2262bis, § 1er, alinéa 1er du Code civil, qui, actuellement, fixe à 10 ans la prescription de toutes les actions personnelles non soumises à des prescriptions particulières. La cour du travail de Liège ne pouvait dès lors considérer que le délai de prescription de l’action de l’ONEm en récupération de l’indu était de 3 ans.
Décision de la cour du travail de Bruxelles

Statuant sur renvoi, la cour du travail de Bruxelles a, par arrêt du 14 janvier 2009, posé une question à la Cour constitutionnelle, portant sur l’absence de délai de prescription particulier dans l’article 7, § 13, alinéa 2, alors que des délais de prescription spécifiques et courts (le plus souvent de 3 ans – sauf circonstances particulières) existent pour les hypothèses de répétition de prestations dans le chef d’autres institutions de sécurité sociale. La question porte notamment sur les indemnités d’incapacité de travail, les pensions ou encore les allocations de chômage payées indûment par les organismes de paiement.

Décision de la Cour constitutionnelle

Par arrêt du 20 octobre 2009 (C. const., 20 octobre 2009, n° 162/2009), la Cour constitutionnelle a conclu à l’absence de violation. La Cour considère que le droit de l’ONEm d’ordonner la répétition des sommes indues et les actions des organismes de paiement en répétition des mêmes sommes indues se prescrivent par 3 ans et que, ainsi, le même délai de 3 ans est octroyé à l’ONEm et aux organismes de paiement en vue d’obtenir un titre exécutoire permettant de procéder à la récupération de l’indu. La circonstance que le titre est délivré par l’ONEm lui-même ou par l’organisme de paiement (avec obligation de s’adresser au tribunal) découle de leurs statuts respectifs.

Par ailleurs, le délai de prescription décennal appliqué à la répétition des allocations de chômage indues porte sur l’exécution du titre exécutoire délivré par l’ONEm : c’est donc un délai de prescription court qui s’applique à la récupération des allocations indues, de sorte que la période durant laquelle celles-ci peuvent être récupérées est limitée.

La Cour constitutionnelle précise encore que, une fois le titre exécutoire délivré (soit décerné par l’ONEm lui-même soit par le tribunal), et l’Office et l’organisme de sécurité sociale disposent l’un et l’autre du même délai de prescription de 10 ans pour exécuter celui-ci. Il n’y a dès lors pas de différence de traitement, selon que la récupération d’allocations indues est effectuée par l’ONEm lui-même ou par un autre organisme de sécurité sociale.

Décision de la cour du travail de Bruxelles dans son arrêt du 1er juin 2011

La cour du travail relève que le débat est circonscrit comme suit : la récupération ayant été ordonnée par l’ONEm le 27 février 1997, celui-ci disposait d’un délai de 10 ans pour agir en recouvrement. Se pose cependant la question de la recevabilité de la demande de recouvrement introduite par voie reconventionnelle dans des conclusions déposées le 13 septembre 2004.

S’agissant de l’application de l’article 775 du Code judiciaire, tel qu’en vigueur à cette date, la cour rappelle qu’une réouverture des débats porte sur l’objet déterminé par le juge. Or, en l’espèce, le premier arrêt de la cour du travail de Liège avait ordonné celle-ci pour que les parties s’expliquent sur la prescription. S’agissant d’un tel objet, la réouverture des débats peut autoriser l’introduction d’une demande tendant à interrompre éventuellement celle-ci.

La cour conclut dès lors que le délai qu’avait l’ONEm pour exécuter le titre exécutoire est un délai de 10 ans et qu’il a été interrompu par les conclusions ainsi déposées.

Intérêt de la décision

Cet arrêt de la cour du travail de Bruxelles, rendu à la fin d’une très longue procédure, reprend l’enseignement de la Cour de cassation du 27 mars 2006 relatif à l’application de la prescription décennale pour toutes les actions personnelles non soumises à des prescriptions particulières d’une part, ainsi que celui de la Cour constitutionnelle du 20 octobre 2009, qui a conclu à l’absence de différence de traitement, selon que la récupération d’allocations indues est effectuée par l’ONEm ou par un autre organisme de sécurité sociale.


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