Terralaboris asbl

Allocations de chômage : obligation de résider en Belgique et procédure de contrôle

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 16 février 2011, R.G. 2009/AB/52.774

Mis en ligne le lundi 3 octobre 2011


Cour du travail de Bruxelles, 16 février 2011, R.G. n° 2009/AB/52.774

TERRA LABORIS ASBL

Dans un arrêt du 16 février 2011, la Cour du travail de Bruxelles rappelle la procédure en matière de contrôle de l’obligation pour le chômeur de résider sur territoire belge.

Les faits

Un assuré social bénéficie d’allocations de chômage depuis octobre 2006. Le paiement de celles-ci est suspendu en mars 2008. Interrogé, l’organisme de paiement fait savoir qu’il ne pouvait liquider ces allocations au motif que l’intéressé n’aurait pas donné suite à une demande adressée par l’ONEm relative à la justification de sa résidence. Celui-ci apporte rapidement la preuve de sa résidence et le paiement des allocations reprend le mois qui suit.

Un recours est introduit devant le Tribunal du travail en ce qui concerne les allocations dont le paiement a été suspendu.

Dans le même temps, l’organisme de paiement introduit auprès de l’ONEm une demande de reconnaissance de force majeure (en application de l’article 66bis, § 2, alinéa 2, 3° de l’arrêté royal du 25 novembre 1991).

L’intéressé expose, en effet, ne jamais avoir reçu la demande de renseignements et n’avoir pas pu réagir avant la constatation de la suspension des allocations.

Cette demande de reconnaissance de force majeure est rejetée.

Le jugement du Tribunal du travail

Par jugement du 13 novembre 2009, le Tribunal du travail de Bruxelles accueille le recours, rétablissant l’intéressé dans son droit aux allocations de chômage.

Position des parties devant la Cour

L’ONEm, appelant, fait valoir qu’il a envoyé un formulaire type à l’intéressé aux fins de justifier de la condition de résidence, au sens de la règlementation. Il considère avoir satisfait à ses obligations, dans la mesure où il a informé par flux électronique l’organisme de paiement de l’envoi dudit formulaire, ce qui a entraîné la suspension du paiement des allocations. Il n’apporte cependant pas la preuve de l’envoi du formulaire à l’intéressé.

Ce dernier fait valoir, comme il l’a soutenu depuis le début de l’affaire, qu’il n’a jamais reçu ce formulaire et qu’il a satisfait à la demande dès qu’il a eu connaissance de celle-ci. Il estime ne pas être responsable de la situation et réclame le paiement des allocations de chômage pendant la période en cause.

Position de la Cour du travail

La Cour se penche essentiellement sur la procédure prévue à l’article 66 de l’arrêté royal du 25 novembre 1991. Celle-ci prévoit la possibilité pour l’Office de demander un certificat de résidence afin de vérifier s’il est satisfait par le chômeur à l’obligation de résider en Belgique. La procédure prévoit l’envoi de cette demande de production d’un certificat de résidence au moyen d’un courrier normal. Ce courrier doit comprendre le « formulaire-certificat de résidence approuvé par le Comité de gestion » ainsi que l’information faite au chômeur qu’il doit faire compléter ce certificat au plus tard le 14e jour calendrier qui suit la date d’envoi de la lettre. L’organisme de paiement est informé par voie électronique de cette procédure de contrôle et de la date à partir de laquelle le droit aux allocations va dépendre de l’ajout de ce certificat complété. La procédure prévoit l’obligation pour le chômeur de se rendre personnellement auprès de l’administration communale, qui doit vérifier l’identité et confirmer sur le formulaire avoir constaté que le chômeur s’est présenté personnellement à la date de délivrance. Le chômeur doit alors introduire ce certificat via son organisme de paiement, en même temps que sa carte de contrôle.

En cas de présentation tardive, la suspension du paiement des allocations de chômage se poursuivra jusqu’à la veille du jour où il aura été satisfait à l’obligation en cause. Il en résulte que, si le formulaire n’a pas été rempli dans les 14 jours et n’a pas été joint à la carte de contrôle, l’organisme de paiement est tenu de suspendre le paiement des allocations.

L’arrêté royal prévoit cependant que la sanction est levée si le Directeur régional de l’ONEm constate que la présentation est tardive suite à une force majeure. La Cour relève, à partir du commentaire administratif de l’ONEm, que la force majeure s’apprécie en tenant compte des indications de bonne ou de mauvaise foi du chômeur ainsi que du caractère répétitif ou non de l’événement. Si le formulaire est introduit dans le mois qui suit celui durant lequel la période non indemnisée prend cours, ceci est considéré comme une indication de bonne foi.

En l’espèce, la Cour constate que l’ONEm n’apporte pas la preuve de l’envoi dudit formulaire et que le flux électronique ne peut constituer une telle preuve. Selon la Cour, l’on ne peut exclure un oubli dans le chef de la personne qui, au sein de l’administration centrale de l’ONEm, devait procéder à l’établissement de ce formulaire et à sa remise à la poste, ou encore une erreur d’adresse.

Par ailleurs, la Cour fait grief à l’ONEm de ne pas avoir appliqué sa circulaire, qui eut permis de conclure à l’existence d’un cas de force majeure. Elle rappelle qu’il s’agit ici d’une appréciation qui porte sur le droit subjectif aux allocations de chômage et qu’en conséquence, l’ONEm ne dispose pas d’un pouvoir discrétionnaire, cette compétence étant, au contraire, susceptible d’être une compétence liée (la Cour renvoyant à l’arrêt de la Cour de cassation du 13 juin 2003, C.02.0557.N). Dans la mesure où le commentaire administratif met l’accent sur la bonne foi du chômeur, son absence d’antécédents et la rapidité de sa réaction, l’Office aurait dû tenir compte du fait que la suspension n’a pris cours qu’à la fin du mois de février et que, de ce fait, l’intéressé n’a pu se rendre compte du problème qu’à la fin du mois de mars. Ayant réagi dans les jours qui ont suivi, il y a célérité.

La Cour examine d’autres éléments, tels que l’absence d’antécédents et la réalité de la résidence à l’adresse en cause, et conclut que c’est pour des circonstances indépendantes de sa volonté, circonstances qu’il ne pouvait ni prévoir ni conjurer, que l’intéressé n’a pas donné la justification requise dans le délai prévu.

C’est donc pour un double motif que la Cour rejette l’appel de l’ONEm : l’absence de preuve de l’envoi et l’existence d’une force majeure au sens des éléments d’appréciation retenus par la circulaire de l’ONEm elle-même.

Intérêt de la décision

Cet arrêt de la Cour du travail de Bruxelles est l’occasion de rappeler la possibilité pour l’ONEm de procéder à la vérification du respect par le chômeur de son obligation de résider sur le territoire belge (hors exceptions admises par la réglementation), obligation dont le contrôle fait l’objet d’une procédure spécifique, prévoyant la possibilité de faire admettre une force majeure si le non-respect par le chômeur de son obligation intervient dans des conditions déterminées. La Cour y rappelle également que, s’agissant d’apprécier le droit subjectif aux allocations de chômage, l’ONEm ne dispose pas ici de pouvoir discrétionnaire.


Accueil du site  |  Contact  |  © 2007-2010 Terra Laboris asbl  |  Webdesign : michelthome.com | isi.be