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Lancement d’une activité pendant le chômage : prudence

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 30 mars 2011, R.G. 2009/AB/52.830

Mis en ligne le lundi 17 octobre 2011


Cour du travail de Bruxelles, 30 mars 2011, R.G. n° 2009/AB/52.830

TERRA LABORIS ASBL

Dans un arrêt du 30 mars 2011, la Cour du travail de Bruxelles revient sur les règles à suivre en cas de lancement d’une activité professionnelle pendant le chômage.

Les faits

Un bénéficiaire d’allocations de chômage acquiert des parts sociales dans une Sprl et devient gérant de celle-ci. Il ne sollicite plus d’allocations de chômage six mois plus tard, ouvrant, à ce moment, une boulangerie dans le cadre de la société en cause.

L’ONEm convoque l’intéressé afin de préciser sa situation pendant la période précédant l’ouverture du commerce.

L’intéressé déclare ne pas avoir exercé d’activité pendant cette période.
Il fait cependant l’objet d’une décision d’exclusion et se voit infliger des sanctions.

Décision du tribunal du travail

Il introduit un recours devant le Tribunal du travail de Bruxelles, qui déclare la demande de l’ONEm partiellement fondée, étant que la décision de l’ONEm est confirmée dans son principe. Le tribunal revoit, cependant, les sanctions.

Décision de la cour du travail

La cour du travail doit, en cette affaire, reprendre les principes guidant l’exercice d’une activité pour compte propre, et particulièrement en cas de préparation à l’installation comme indépendant.

Ce sont les articles 44 et 45 de l’arrêté royal du 25 novembre 1991 qui sont repris, étant qu’est considérée comme travail l’activité effectuée pour compte propre, qui peut être intégrée dans le courant des échanges économiques de biens et de services et n’est pas limitée à la gestion normale des biens propres.

Le mandat de gérant d’une société commerciale est susceptible de constituer une activité pour compte propre, comme le relève la cour. Elle renvoie ici à l’arrêt du 3 janvier 2005 de la Cour de cassation (Cass., 3 janvier 2005, Pas., 2005, I, p. 1), selon lequel pareille activité professionnelle est exercée dans un but lucratif même si elle ne procure pas de revenus. Il ne s’agit dès lors pas d’une activité limitée à la gestion normale de biens propres au sens de l’article 45 ci-dessus.

Un tempérament a été apporté à la règle depuis l’arrêt de la Cour constitutionnelle du 3 novembre 2004 (arrêt n° 176/2004), qui admit que la présomption d’exercice d’une activité indépendante qui découle de la désignation en tant que mandataire d’une société commerciale n’est pas irréfragable. La preuve contraire peut dès lors en être apportée. La cour fait sienne la position de la doctrine (J.-Fr. FUNCK, note sous arrêt de la Cour const. ci-dessus, Chron. D.S., 2005, p. 71) selon laquelle il n’y a pas lieu de maintenir dans la réglementation de chômage une interdiction de preuve contraire dès lors que les effets de celle-ci ont été jugés disproportionnés par la Cour constitutionnelle en ce qui concerne le statut social des travailleurs indépendants. S’agissant en l’espèce d’un chômeur, la cour renvoie également à la jurisprudence récente (C. trav. Liège, sect. Namur, 16 octobre 2007, R.G. n° 8375/07), selon laquelle le chômeur peut se prévaloir du principe selon lequel le mandat à titre gratuit au sein d’une société dormante ne constitue pas l’exercice d’une activité indépendante.

En l’espèce, étant titulaire d’un tel mandat, l’intéressé est présumé, par l’existence de celui-ci, exercer une activité. Il peut apporter la preuve contraire, étant que la société était inactive pendant la période considérée et que lui-même n’a exercé aucune activité. Or, la cour doit constater que, sur la base des pièces qui lui sont soumises, il s’agissait de préparer l’ouverture d’une boulangerie et que le chômeur s’activait à la mise en conformité des installations sur le plan de l’hygiène, de l’environnement et de l’incendie. Il y avait dès lors une activité même si le commerce n’était encore accessible au public et le fait qu’aucun chiffre d’affaires n’ait été généré est indifférent.

La cour constate, par ailleurs, que le chômeur était inscrit à une caisse d’assurances sociales, ce qui appuie son appréciation de l’exercice effectif d’une activité.

Elle relève qu’il aurait pu, pendant la période de lancement des activités, se prévaloir de la possibilité offerte par la réglementation dans cette hypothèse. La cour relève que l’article 45, alinéa 5 de l’arrêté royal exige en cas de préparation à l’installation comme indépendant ou à la création d’une entreprise, une déclaration préalable auprès du bureau de chômage. Une fois effectuée, cette déclaration permet au futur indépendant de faire (i) les études relatives à la faisabilité du projet envisagé, (ii) l’aménagement des locaux et l’installation du matériel et (iii) les démarches en vue des contacts nécessaires à la mise en œuvre du projet.

La cour rappelle encore que cette dérogation a une limite temporelle de six mois et qu’elle ne peut être accordée qu’une fois.

Elle déplore en conséquence qu’une telle déclaration n’ait pas été faite, vu qu’elle est indispensable, s’agissant d’une dérogation à l’interdiction d’exercice d’une activité. L’absence de déclaration implique que le chômeur ne peut se prévaloir de la possibilité ainsi offerte par la réglementation.

En conséquence, la cour doit bien conclure qu’il y a activité incompatible avec l’octroi d’allocations et que celles-ci doivent être restituées.

En ce qui concerne les sanctions, la cour reprend les articles 153 et 154 de l’arrêté royal, relatifs à l’absence de déclaration (art. 153, 2°) et à l’obligation de biffer la carte de pointage avant le début d’une journée d’activité (art. 154). La cour confirme à cet égard le principe de la sanction et retient, avec le premier juge, qu’une seule sanction doit être retenue, des circonstances atténuantes existant dans le cas d’espèce. Est ainsi appliquée une sanction de quatre semaines dont deux avec sursis.

Intérêt de la décision

Cet arrêt de la Cour du travail de Bruxelles est l’occasion de rappeler l’importance pour le chômeur d’effectuer une déclaration préalable, lors de l’exercice de toute activité et, en l’occurrence, s’agissant manifestement d’un chômeur de bonne foi - ce qu’a reconnu le juge -, en l’absence d’une telle déclaration, il y a incompatibilité avec l’octroi d’allocations de chômage. Si l’intéressé avait manifestement été mieux informé, il aurait pu procéder tout à fait normalement aux formalités préalables à l’ouverture de son commerce et se lancer régulièrement dans l’activité indépendante projetée. C’est en effet l’objectif de la réglementation, l’ensemble des démarches autorisées étant précisées à l’article 45, alinéa 5 de l’arrêté royal.


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