ARRÊT DE LA COUR (première chambre)
8 mai 2019 (*)
« Renvoi préjudiciel – Politique sociale – Interdiction de toute discrimination fondée sur l’âge – Directive 2000/78/CE – Exclusion de l’expérience professionnelle acquise avant l’âge de 18 ans – Nouveau régime de rémunération et d’avancement – Maintien de la différence de traitement – Droit à un recours effectif – Article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne – Justifications »
Dans l’affaire C‑396/17,
ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Bundesverwaltungsgericht (tribunal administratif fédéral, Autriche), par décision du 30 juin 2017, parvenue à la Cour le 3 juillet 2017, dans la procédure
Martin Leitner
contre
Landespolizeidirektion Tirol,
LA COUR (première chambre),
composée de Mme R. Silva de Lapuerta, vice‑présidente de la Cour, faisant fonction de président de la première chambre, MM. A. Arabadjiev (rapporteur), E. Regan, C. G. Fernlund et S. Rodin, juges,
avocat général : M. H. Saugmandsgaard Øe,
greffier : M. K. Malacek, administrateur,
vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 12 septembre 2018,
considérant les observations présentées :
– pour M. Leitner, par Mes M. Riedl et V. Treber-Müller, Rechtsanwälte,
– pour le gouvernement autrichien, par M. G. Hesse et Mme J. Schmoll, en qualité d’agents,
– pour la Commission européenne, par MM. B.-R. Killmann et D. Martin, en qualité d’agents,
ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 6 décembre 2018,
rend le présent
Arrêt
1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 21 et 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »), ainsi que des articles 1er, 2, 6, 9, 16 et 17 de la directive 2000/78/CE du Conseil, du 27 novembre 2000, portant création d’un cadre général en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail (JO 2000, L 303, p. 16).
2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant M. Martin Leitner à la Landespolizeidirektion Tirol (direction régionale de la police du Land du Tyrol, Autriche) au sujet de l’avancement et de la position dans le barème de rémunération du requérant au principal.
Le cadre juridique
Le droit de l’Union
La directive 2000/78
3 Aux termes de son article 1er, la directive 2000/78 « a pour objet d’établir un cadre général pour lutter contre la discrimination fondée sur la religion ou les convictions, [le] handicap, l’âge ou l’orientation sexuelle, en ce qui concerne l’emploi et le travail, en vue de mettre en œuvre, dans les États membres, le principe de l’égalité de traitement. »
4 L’article 2 de cette directive prévoit :
« 1. Aux fins de la présente directive, on entend par “principe de l’égalité de traitement” l’absence de toute discrimination directe ou indirecte, fondée sur un des motifs visés à l’article 1er.
2. Aux fins du paragraphe 1 :
a) une discrimination directe se produit lorsqu’une personne est traitée de manière moins favorable qu’une autre ne l’est, ne l’a été ou ne le serait dans une situation comparable, sur la base de l’un des motifs visés à l’article 1er ;
b) une discrimination indirecte se produit lorsqu’une disposition, un critère ou une pratique apparemment neutre est susceptible d’entraîner un désavantage particulier pour des personnes d’une religion ou de convictions, d’un handicap, d’un âge ou d’une orientation sexuelle donnés, par rapport à d’autres personnes, à moins que :
i) cette disposition, ce critère ou cette pratique ne soit objectivement justifié par un objectif légitime et que les moyens de réaliser cet objectif ne soient appropriés et nécessaires,
[...] »
5 L’article 6 de ladite directive dispose :
« 1. Nonobstant l’article 2, paragraphe 2, les États membres peuvent prévoir que des différences de traitement fondées sur l’âge ne constituent pas une discrimination lorsqu’elles sont objectivement et raisonnablement justifiées, dans le cadre du droit national, par un objectif légitime, notamment par des objectifs légitimes de politique de l’emploi, du marché du travail et de la formation professionnelle, et que les moyens de réaliser cet objectif sont appropriés et nécessaires.
Ces différences de traitement peuvent notamment comprendre :
a) la mise en place de conditions spéciales d’accès à l’emploi et à la formation professionnelle, d’emploi et de travail, y compris les conditions de licenciement et de rémunération, pour les jeunes, les travailleurs âgés et ceux ayant des personnes à charge, en vue de favoriser leur insertion professionnelle ou d’assurer leur protection ;
b) la fixation de conditions minimales d’âge, d’expérience professionnelle ou d’ancienneté dans l’emploi, pour l’accès à l’emploi ou à certains avantages liés à l’emploi ;
c) la fixation d’un âge maximum pour le recrutement, fondée sur la formation requise pour le poste concerné ou la nécessité d’une période d’emploi raisonnable avant la retraite.
2. Nonobstant l’article 2, paragraphe 2, les États membres peuvent prévoir que ne constitue pas une discrimination fondée sur l’âge la fixation, pour les régimes professionnels de sécurité sociale, d’âges d’adhésion ou d’admissibilité aux prestations de retraite ou d’invalidité, y compris la fixation, pour ces régimes, d’âges différents pour des travailleurs ou des groupes ou catégories de travailleurs et l’utilisation, dans le cadre de ces régimes, de critères d’âge dans les calculs actuariels, à condition que cela ne se traduise pas par des discriminations fondées sur le sexe. »
6 L’article 9 de cette même directive est ainsi libellé :
« 1. Les États membres veillent à ce que des procédures judiciaires et/ou administratives, y compris, lorsqu’ils l’estiment approprié, des procédures de conciliation, visant à faire respecter les obligations découlant de la présente directive soient accessibles à toutes les personnes qui s’estiment lésées par le non-respect à leur égard du principe de l’égalité de traitement, même après que les relations dans lesquelles la discrimination est présumée s’être produite se sont terminées.
2. Les États membres veillent à ce que les associations, les organisations ou les personnes morales qui ont, conformément aux critères fixés par leur législation nationale, un intérêt légitime à assurer que les dispositions de la présente directive sont respectées puissent, pour le compte ou à l’appui du plaignant, avec son approbation, engager toute procédure judiciaire et/ou administrative prévue pour faire respecter les obligations découlant de la présente directive.
3. Les paragraphes 1 et 2 sont sans préjudice des règles nationales relatives aux délais impartis pour former un recours en ce qui concerne le principe de l’égalité de traitement. »
7 Aux termes de l’article 16 de la directive 2000/78 :
« Les États membres prennent les mesures nécessaires afin que :
a) soient supprimées les dispositions législatives, réglementaires et administratives contraires au principe de l’égalité de traitement ;
b) soient ou puissent être déclarées nulles et non avenues ou soient modifiées les dispositions contraires au principe de l’égalité de traitement qui figurent dans les contrats ou les conventions collectives, dans les règlements intérieurs des entreprises, ainsi que dans les statuts des professions indépendantes et des organisations de travailleurs et d’employeurs. »
8 L’article 17 de cette directive énonce :
« Les États membres déterminent le régime des sanctions applicables aux violations des dispositions nationales adoptées en application de la présente directive et prennent toute mesure nécessaire pour assurer la mise en œuvre de celles-ci. Les sanctions ainsi prévues qui peuvent comprendre le versement d’indemnité à la victime, doivent être effectives, proportionnées et dissuasives. Les États membres notifient ces dispositions à la Commission au plus tard le 2 décembre 2003 et toute modification ultérieure les concernant dans les meilleurs délais. »
Le droit autrichien
9 La juridiction de renvoi expose que la législation nationale en matière de rémunération et d’avancement des fonctionnaires de l’État a, en raison de la contrariété de certaines dispositions avec le droit de l’Union, été modifiée à de nombreuses reprises. Le nouveau régime de rémunération et d’avancement de ces fonctionnaires, issu des modifications législatives promulguées au cours des années 2015 et 2016, tendrait à mettre fin notamment à une discrimination fondée sur l’âge qui résultait du régime de rémunération et d’avancement antérieurement en vigueur.
La loi relative à la rémunération des fonctionnaires
10 L’article 8 du Gehaltsgesetz 1956 (loi sur les salaires de 1956, BGBl. 54/1956), telle que modifiée par la loi fédérale, du 30 août 2010 (BGBl. I, 82/2010) (ci-après la « loi relative à la rémunération des fonctionnaires »), prévoyait, à son paragraphe 1 :
« L’avancement est déterminé en fonction d’une date de référence. Sauf disposition contraire dans le présent article, la période nécessaire à un avancement au deuxième échelon de chaque catégorie d’emploi est de cinq ans et de deux ans pour les autres échelons. »
11 L’article 12 de la loi relative à la rémunération des fonctionnaires disposait :
« Sous réserve des restrictions énoncées aux paragraphes 4 à 8, la date de référence à prendre en considération aux fins de l’avancement d’échelon se calcule en remontant dans le temps à partir du jour de l’engagement à raison de périodes postérieures au 30 juin de l’année durant laquelle neuf années scolaires ont été accomplies ou auraient été accomplies après admission dans le premier degré d’enseignement :
1. les périodes énumérées au paragraphe 2 sont prises en considération dans leur intégralité ;
2. les autres périodes. »
La loi relative à la rémunération des fonctionnaires modifiée
12 Dans le but de remédier à la discrimination fondée sur l’âge constatée dans les arrêts de la Cour du 18 juin 2009, Hütter (C‑88/08, EU:C:2009:381), et du 11 novembre 2014, Schmitzer (C‑530/13, EU:C:2014:2359), la loi relative à la rémunération des fonctionnaires a été modifiée avec effet rétroactif par la Bundesbesoldungsreform 2015 (loi fédérale de réforme des salaires de 2015, BGBl. I, 32/2015) et par le Besoldungsrechtsanpassungsgesetz (loi portant réforme des salaires de 2016, BGBl. I, 104/2016) (ci-après « la loi relative à la rémunération des fonctionnaires modifiée »).
13 Sous l’intitulé « Classement et avancement », l’article 8 de la loi relative à la rémunération des fonctionnaires modifiée prévoit, à son paragraphe 1 :
« [...] Le classement et l’avancement ultérieur sont déterminés en fonction de l’ancienneté dans le barème de rémunération. »
14 Aux termes de l’article 12 de la loi relative à la rémunération des fonctionnaires modifiée, intitulé « Ancienneté dans le barème de rémunération » :
« (1) L’ancienneté dans le barème de rémunération comprend la durée des périodes d’activité utiles pour l’avancement, augmentée de la durée des périodes d’activité antérieures éligibles.
(2) L’ancienneté dans le barème de rémunération doit prendre en compte, en tant que périodes d’activité antérieures, les périodes accomplies
1. dans le cadre d’une relation de travail avec une collectivité territoriale ou une commune d’un État membre de l’Espace économique européen, de la République de Turquie ou de la Confédération suisse ;
2. dans le cadre d’une relation de travail avec un organe de l’Union européenne ou une organisation intergouvernementale dont la République d’Autriche est membre ;
3. les périodes pendant lesquelles le ou la fonctionnaire avait droit à une pension d’invalidité au titre du Heeresversorgungsgesetz [loi sur la protection des forces armées], ainsi que
4. les périodes accomplies
a) en service militaire [...]
b) en apprentissage [...]
c) en service civil [...]
d) en service militaire obligatoire, en service de formation militaire comparable ou en service civil de substitution dans un État membre de l’Espace économique européen, de la République de Turquie ou de la Confédération suisse.
[...]
(3) Outre les périodes mentionnées au paragraphe 2, peuvent être prises en compte, en tant que périodes d’activité antérieures, les périodes d’exercice d’une activité professionnelle ou d’un stage auprès d’une administration pertinents, jusqu’à concurrence de dix ans au total. [...] »
15 L’article 169 quater de la loi relative à la rémunération des fonctionnaires modifiée, qui concerne le reclassement des fonctionnaires en service dans le nouveau régime de rémunération et d’avancement, prévoit :
« (1) Tous les fonctionnaires des catégories de rémunération et d’emploi visés à l’article 169 quinquies, qui sont en service au 11 février 2015, seront reclassés, conformément aux dispositions suivantes et sur la seule base de leur rémunération antérieure, dans le nouveau régime de rémunération créé par la présente loi fédérale. Lors d’une première étape, les fonctionnaires seront classés, en raison de leur rémunération antérieure, à un échelon du nouveau régime de rémunération dans lequel la rémunération antérieure est maintenue. [...]
(2) Le transfert du fonctionnaire dans le nouveau régime de rémunération s’effectue par le biais d’une fixation globale de son ancienneté dans le barème de rémunération. Le montant de transfert est déterminant pour la fixation globale. Le montant de transfert correspond à l’intégralité du traitement sans éventuel avancement exceptionnel, tel qu’il a servi à calculer la rémunération du fonctionnaire pour le mois de février 2015 (mois du transfert). [...]
(2 bis) Le montant à retenir en tant que montant de transfert est celui de l’échelon de salaire qui était effectivement déterminant pour la rémunération versée pour le mois du transfert (classement conformément au bulletin de salaire). Un examen de la régularité de la rémunération est exclu, tant en ce qui concerne son fondement que son montant. Une rectification ultérieure des rémunérations versées n’est à prendre en compte pour le calcul du montant de transfert que pour autant que
1. cette rectification a pour objet des erreurs factuelles qui se sont produites à l’occasion de l’encodage des données dans un système automatique de traitement de l’information, et
2. les données introduites par erreur divergent manifestement des données qui devaient être encodées, ainsi que le prouvent les documents déjà existants au moment de l’introduction.
(2 ter) Lorsque, du point de vue du montant, le classement effectif conformément au bulletin de salaire est inférieur au classement garanti par la loi, on retient pour le calcul du montant de transfert, à la demande du fonctionnaire, le classement garanti par la loi, s’il n’est pas possible de procéder selon l’article 169 quinquies, paragraphe 5, en raison de l’existence d’un simple classement provisoire. Le classement garanti par la loi est celui qui correspond à l’échelon de traitement à la date de référence. La date de référence est celle du jour qui résulte de la prise en compte, en remontant dans le temps avant le premier jour du mois de transfert, des périodes suivantes. Il y a lieu de prendre en compte par antéposition :
1. les périodes comptabilisés définitivement comme périodes d’activité jusqu’à la date du début du mois de transfert, dans la mesure où elles sont postérieures à l’âge de 18 ans et sont devenues utiles pour l’avancement ainsi que
2. les périodes postérieures au jour de l’engagement, dans la mesure où elles sont devenues utiles pour l’avancement.
La prise en compte d’autres périodes par antéposition est exclue. Pour deux années écoulées depuis la date de référence, il est appliqué comme classement garanti par la loi l’échelon de traitement correspondant immédiatement supérieur. Un échelon de traitement est considéré comme atteint au 1er janvier ou au 1er juillet suivant la fin de la période de deux ans, dans la mesure où l’avancement n’a pas été reporté ou bloqué ce jour-là. Le délai de deux ans est considéré comme expiré respectivement le 1er janvier ou le 1er juillet lorsqu’il prend fin avant l’expiration respectivement du 31 mars ou du 30 septembre suivant.
(2 quater) Les paragraphes 2 bis et 2 ter transposent en droit autrichien, dans le domaine du statut des employés fédéraux et du personnel enseignant des Länder, les articles 2 et 6 de la [directive 2000/78] tels qu’ils ont été interprétés par la Cour de justice de l’Union européenne dans l’arrêt du 19 juin 2014, Specht e.a. (C‑501/12 à C‑506/12, C‑540/12 et C‑541/12, EU:C:2014:2005). Les modalités de transfert des fonctionnaires nommés avant l’entrée en vigueur de la réforme fédérale des rémunération de 2015 ont donc été fixées dans le nouveau régime de rémunération et prévoient que, d’une part, l’échelon de traitement auquel ils sont désormais rattachés est déterminé uniquement sur la base du traitement acquis sous l’ancien régime de rémunération, bien que ce régime reposait sur une discrimination en raison de l’âge du fonctionnaire et que, d’autre part, l’avancement ultérieur à un échelon de traitement supérieur est désormais calculé uniquement en fonction de l’expérience professionnelle acquise depuis l’entrée en vigueur de la réforme des rémunérations de 2015.
(3) L’ancienneté dans le barème de rémunération du fonctionnaire reclassé est fixée sur la base de la période nécessaire pour avancer du premier échelon de salaire (à partir du premier jour) à l’échelon de traitement de la même catégorie d’emploi pour lequel est prévu le traitement inférieur le plus proche du montant de transfert dans la version en vigueur le 12 février 2015. Si le montant de transfert correspond au montant le plus bas d’un échelon de traitement dans la même catégorie d’emploi, cet échelon est alors retenu. Tous les montants à comparer doivent être arrondis à l’unité en euros la plus proche.
(4) L’ancienneté dans le barème de rémunération fixée au paragraphe 3 est majorée de la durée comprise entre la date du dernier passage à un traitement supérieur et l’expiration du mois de transfert dans la mesure où cette durée est utile pour l’avancement.
[...]
(6) [...] Si le nouveau traitement du fonctionnaire est inférieur au montant de transfert, une prime de maintien à hauteur de la différence de montant, prise en considération pour le calcul de la pension de retraite, lui est versée en tant que prime complémentaire [...], jusqu’à ce qu’il atteigne un échelon de traitement supérieur au montant de transfert. La comparaison des montants inclut les éventuelles primes d’ancienneté ou les avancements exceptionnels.
[...]
(9) Afin de préserver les attentes liées au prochain avancement, à l’avancement exceptionnel ou à la prime d’ancienneté dans l’ancien régime de rémunération, une prime de maintien, prise en considération pour le calcul de la pension de retraite, est due au fonctionnaire en tant que prime complémentaire [...], dès qu’il atteint l’échelon transitoire [...]
[...] »
16 En application de l’article 175, paragraphe 79, point 3, de la loi relative à la rémunération des fonctionnaires modifiée, les articles 8 et 12 de cette loi, y compris leurs intitulés, entrent en vigueur dans la version de la loi fédérale de réforme des salaires de 2015, publiée au BGBl. I, 32/2015, « le 1er février 1956 ; toutes les versions de ces dispositions publiées avant le 11 février 2015 ne peuvent plus être appliquées dans les procédures en cours ou futures ».
Le litige au principal et les questions préjudicielles
17 M. Leitner, né en 1968, relève, en qualité d’officier de police, du statut des fonctionnaires de l’administration autrichienne. Jusqu’au mois de février 2015, sa rémunération était régie par l’ancien régime de rémunération et d’avancement. Il a été ensuite reclassé selon le nouveau régime de rémunération et d’avancement instauré par la loi relative à la rémunération des fonctionnaires modifiée.
18 Le 27 janvier 2015, M. Leitner a demandé à la direction régionale de la police du Land du Tyrol que la date de référence aux fins de son classement soit à nouveau calculée, afin de tenir compte de l’expérience qu’il a acquise avant l’âge de 18 ans. Il a également sollicité le rappel des rémunérations qui lui auraient été dues.
19 Le 30 avril 2015, la demande de M. Leitner a été rejetée comme étant irrecevable, au motif que les dispositions relatives à la date de référence aux fins de l’avancement n’étaient plus applicables.
20 M. Leitner a introduit un recours contre cette décision de rejet devant le Bundesverwaltungsgericht (tribunal administratif fédéral, Autriche). Le 7 novembre 2016, cette juridiction a annulé la décision de la direction régionale de la police du Land du Tyrol et a invité cette dernière à statuer sur le fond de la demande de M. Leitner.
21 Le 9 janvier 2017, la direction régionale de la police du Land du Tyrol a rejeté celle-ci au motif que M. Leitner ne pouvait tirer des droits de l’ancien régime de rémunération et d’avancement, dès lors que ce régime n’était plus applicable depuis l’entrée en vigueur rétroactive de la loi fédérale de réforme des salaires de 2015, effectuée par la loi relative à la rémunération des fonctionnaires modifiée.
22 Le 8 février 2017, M. Leitner a introduit un recours contre cette décision devant le Bundesverwaltungsgericht (tribunal administratif fédéral).
23 Cette juridiction se demande si une modification législative telle que celle issue de la loi relative à la rémunération des fonctionnaires modifiée a mis effectivement fin à toute discrimination fondée sur l’âge qui existait précédemment.
24 Ladite juridiction fait valoir que, dans la mesure où le reclassement des fonctionnaires en service est effectué sur le fondement d’une rémunération calculée conformément aux règles de l’ancien régime de rémunération et d’avancement, la catégorie des fonctionnaires dont les périodes d’activité accomplies avant l’âge de 18 ans ne sont pas prises en compte aux fins du calcul de leur ancienneté est dans une position moins favorable que celle des fonctionnaires dont les périodes d’activité d’une durée comparable ont été accomplies après avoir atteint cet âge.
25 Cette même juridiction fait observer que ne peuvent être prises en compte aux fins du calcul de l’avancement des fonctionnaires reclassés les périodes d’activité qu’ils ont accomplies antérieurement à l’âge de 18 ans. Le transfert du fonctionnaire dans le nouveau régime de rémunération et, par voie de conséquence, la détermination de sa position dans ce nouveau régime s’opéreraient par la fixation de son ancienneté dans le barème de rémunération. Aux fins d’établir cette ancienneté, il conviendrait de retenir le montant de transfert, à savoir le montant du dernier salaire perçu par le fonctionnaire sous l’empire de l’ancien régime de rémunération et d’avancement. L’examen de la régularité des rémunérations qui ont été versées étant exclu, seule la rectification de simples erreurs d’encodage des données utilisées aux fins du reclassement, dans le cadre du contrôle du calcul du montant du transfert, serait possible. Le montant de transfert ne pourrait donc être considéré comme étant la rémunération non discriminatoire due sur la base de l’ancien régime de rémunération et d’avancement.
26 Pour ce qui est de la justification d’une différence de traitement directe, la juridiction de renvoi fait observer que l’argument tiré de l’augmentation des charges financières et d’éventuelles difficultés administratives ne peut, en principe, justifier le non-respect des obligations découlant de l’interdiction de discrimination fondée sur l’âge.
27 La juridiction de renvoi ajoute que le Land du Tyrol, dans lequel existait auparavant une législation discriminatoire fondée sur l’âge comparable à celle en cause au principal, a procédé, à la suite de l’arrêt du 11 novembre 2014, Schmitzer (C‑530/13, EU:C:2014:2359), à un nouveau calcul des dates de référence de l’ensemble des fonctionnaires déjà en service et a ainsi mis fin à la discrimination fondée sur l’âge.
28 C’est dans ces conditions que le Bundesverwaltungsgericht (tribunal administratif fédéral) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :
« 1) Le droit de l’Union, et notamment les articles 1er, 2 et 6 de la [directive 2000/78], lus en combinaison avec l’article 21 de la [Charte], doit-il être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation nationale qui prévoit, pour lutter contre la discrimination des fonctionnaires en service, un régime transitoire en vertu duquel le classement, à partir du système biennal jusqu’alors en vigueur, dans un nouveau système biennal (en soi fermé et non discriminatoire pour les nouveaux fonctionnaires) est effectué à l’aide d’un “montant de transfert”, qui, bien que calculé en argent, correspond toutefois à un classement attribuable de manière concrète et qui maintient ainsi intacte la discrimination fondée sur l’âge des fonctionnaires en service ?
2) Le droit de l’Union, et notamment l’article 17 de la [directive 2000/78] ainsi que l’article 47 de la [Charte], doit-il être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation nationale qui empêche que, conformément à l’interprétation des articles 9 et 16 de [cette] directive adoptée dans l’arrêt de la Cour du 11 novembre 2014, Schmitzer (C‑530/13, EU:C:2014:2359), des fonctionnaires en service puissent faire constater leur position dans le barème de rémunération en référence à l’article 2 de la directive 2000/78 à la date du transfert dans le nouveau régime de rémunération, en ce qu’elle déclare que les fondements juridiques n’étaient plus applicables, rétroactivement, à compter de l’entrée en vigueur de leur loi principale d’origine et qu’elle exclut notamment la possibilité de prendre en compte des périodes d’activité accomplies avant l’âge de 18 ans ?
3) En cas de réponse affirmative à la deuxième question :
Le principe de primauté du droit de l’Union affirmé, entres autres, dans l’arrêt du 22 novembre 2005, Mangold (C‑144/04, EU:C:2005:709), exige-t-il que les dispositions relatives aux fonctionnaires en service avant le transfert, abrogées rétroactivement, continuent à être appliquées afin que ces fonctionnaires puissent être classés rétroactivement et de manière non discriminatoire dans l’ancien régime et ainsi transférés, sans discrimination, dans le nouveau régime de rémunération ?
4) Le droit de l’Union, et notamment les articles 1er, 2 et 6 de la [directive 2000/78], lus en combinaison avec les articles 21 et 47 de la [Charte], doit-il être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation nationale qui ne supprime que de manière déclarative une discrimination existante fondée sur l’âge (en ce qui concerne la prise en compte des périodes d’activité accomplies avant l’âge de 18 ans), en prévoyant que les périodes réellement accomplies sous l’empire de la discrimination ne sont rétroactivement plus considérées comme discriminatoires bien que la discrimination soit maintenue intacte dans les faits ? »
Sur les questions préjudicielles
Sur la première question
29 Par sa première question, la juridiction de renvoi demande en substance si les articles 1er, 2 et 6 de la directive 2000/78, lus en combinaison avec l’article 21 de la Charte, doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, entrant en vigueur de manière rétroactive, qui, en vue de mettre fin à une discrimination fondée sur l’âge, prévoit un transfert des fonctionnaires en service vers un nouveau régime de rémunération et d’avancement dans le cadre duquel le premier classement de ces fonctionnaires est déterminé en fonction de leur dernière rémunération perçue au titre du régime antérieur.
30 Il convient, dans un premier temps, de rechercher si la réglementation nationale considérée institue une différence de traitement au sens de l’article 2, paragraphe 1, de la directive 2000/78.
31 À cet égard, il y a lieu de rappeler que, aux termes de cette disposition, le « principe de l’égalité de traitement » est entendu comme étant l’absence de toute discrimination directe ou indirecte, fondée sur l’un des motifs visés à l’article 1er de cette directive. L’article 2, paragraphe 2, sous a), de celle-ci précise que, aux fins de son paragraphe 1, une discrimination directe se produit lorsqu’une personne est traitée de manière moins favorable qu’une autre ne l’est dans une situation comparable, sur la base de l’un des motifs visés à l’article 1er de ladite directive.
32 Dans l’affaire au principal, les catégories de personnes pertinentes aux fins de cette comparaison sont, d’une part, les fonctionnaires en service au moment du transfert dont l’expérience professionnelle a été, ne serait-ce qu’en partie, acquise avant l’âge de 18 ans (ci-après les « fonctionnaires défavorisés par l’ancien régime ») et, d’autre part, ceux qui ont obtenu, après avoir atteint cet âge, une expérience de même nature et d’une durée comparable (ci-après les « fonctionnaires favorisés par l’ancien régime »).
33 Il ressort du dossier dont dispose la Cour que le législateur autrichien a, par l’adoption de l’article 169 quater de la loi relative à la rémunération des fonctionnaires modifiée, introduit un mécanisme de reclassement effectué en fonction d’un « montant de transfert » calculé selon les règles du régime antérieur. Plus particulièrement, ce « montant de transfert », qui, aux termes de l’article 169 quater, paragraphe 2, de cette loi, est déterminant pour la fixation globale de l’ancienneté des fonctionnaires transférés dans le barème de rémunération, est calculé sur la base de la rémunération versée à ces fonctionnaires le mois précédant leur transfert dans le nouveau régime.
34 Or, dans son arrêt du 11 novembre 2014, Schmitzer (C‑530/13, EU:C:2014:2359), la Cour a déjà jugé que les règles de l’ancien régime de rémunération et d’avancement instauraient une discrimination directe fondée sur l’âge, au sens de la directive 2000/78.
35 À cet égard, la Cour a dit pour droit, dans cet arrêt, qu’une réglementation nationale qui, pour mettre fin à une discrimination fondée sur l’âge à l’égard des fonctionnaires, prend en compte des périodes de formation et de service accomplies antérieurement à l’âge de 18 ans, mais qui, simultanément, introduit à l’égard des seuls fonctionnaires victimes de cette discrimination, un allongement de trois ans de la durée nécessaire pour pouvoir passer du premier au deuxième échelon de chaque catégorie d’emploi et de chaque catégorie salariale maintient une discrimination directe fondée sur l’âge, au sens de l’article 2, paragraphe 1, et paragraphe 2, sous a), et de l’article 6, paragraphe 1, de la directive 2000/78.
36 Il y a lieu également de relever qu’il ressort des termes mêmes employés à l’article 169 quater, paragraphe 2 quater, de la loi relative à la rémunération des fonctionnaires modifiée que l’ancien régime de rémunération et d’avancement reposait sur une discrimination fondée sur l’âge des fonctionnaires.
37 Dans ces conditions, un mécanisme de reclassement tel que celui instauré par la loi relative à la rémunération des fonctionnaires modifiée, exposé au point 33 du présent arrêt, est susceptible de maintenir les effets produits par l’ancien régime de rémunération et d’avancement, en raison du lien qu’il établit entre le dernier salaire perçu en application de ce régime et le classement dans le nouveau régime de rémunération et d’avancement.
38 Il convient, dès lors, de considérer que l’article 169 quater de la loi relative à la rémunération des fonctionnaires modifiée maintient une différence de traitement entre les fonctionnaires défavorisés par l’ancien régime et les fonctionnaires favorisés par ce régime, dès lors que le montant de la rémunération qui sera perçu par les premiers sera inférieur à celui qui sera versé aux seconds uniquement en raison de l’âge qu’ils avaient à la date de leur recrutement, alors qu’ils se trouvent dans des situations comparables (voir, en ce sens, arrêt du 9 septembre 2015, Unland, C‑20/13, EU:C:2015:561, point 40).
39 Il y a lieu, dans un second temps, d’examiner si cette différence de traitement fondée sur l’âge est susceptible d’être justifiée au regard de l’article 6, paragraphe 1, de la directive 2000/78.
40 L’article 6, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive 2000/78 précise que les États membres peuvent prévoir que les différences de traitement fondées sur l’âge ne constituent pas une discrimination lorsqu’elles sont objectivement et raisonnablement justifiées, dans le cadre du droit national, par des objectifs légitimes, notamment par des objectifs légitimes de politique de l’emploi, du marché du travail et de la formation professionnelle, et que les moyens destinés à atteindre ces objectifs sont appropriés et nécessaires.
41 La Cour a itérativement jugé que les États membres disposent d’une large marge d’appréciation dans le choix non seulement de la poursuite d’un objectif déterminé parmi d’autres en matière de politique sociale et de l’emploi, mais également dans la définition des mesures susceptibles de le réaliser (arrêt du 28 janvier 2015, Starjakob, C‑417/13, EU:C:2015:38, point 34 et jurisprudence citée).
42 Dans ce contexte, la juridiction de renvoi fait observer que la réglementation en cause au principal est, avant tout, destinée à établir un régime de rémunération et d’avancement non discriminatoire. Cette juridiction précise que ladite réglementation poursuit des objectifs de neutralité financière, d’économie administrative, de respect des droits acquis et de protection de la confiance légitime.
43 En ce qui concerne, d’une part, l’objectif de neutralité financière de la réglementation nationale en cause au principal, il convient de rappeler que le droit de l’Union ne s’oppose pas à ce que les États membres tiennent compte de considérations budgétaires parallèlement à des considérations d’ordre politique, social ou démographique, pour autant que, ce faisant, ils respectent, en particulier, le principe général de l’interdiction des discriminations fondées sur l’âge. À cet égard, si des considérations d’ordre budgétaire peuvent être à la base des choix de politique sociale d’un État membre et influencer la nature ou l’étendue des mesures qu’il souhaite adopter, de telles considérations ne peuvent constituer à elles seules un objectif légitime, au sens de l’article 6, paragraphe 1, de la directive 2000/78. Il en va de même en ce qui concerne les considérations d’ordre administratif mentionnées par la juridiction de renvoi et le gouvernement autrichien (voir, en ce sens, arrêt du 28 janvier 2015, Starjakob, C‑417/13, EU:C:2015:38, point 36).
44 S’agissant, d’autre part, du respect des droits acquis et de la protection de la confiance légitime des fonctionnaires favorisés par l’ancien régime en ce qui concerne leur rémunération, il y a lieu de relever qu’ils constituent des objectifs légitimes de politique de l’emploi et du marché du travail pouvant justifier, pendant une période transitoire, le maintien des rémunérations antérieures et, par voie de conséquence, celui d’une différence de traitement fondée sur l’âge (voir, en ce sens, arrêt du 11 novembre 2014, Schmitzer C‑530/13, EU:C:2014:2359, point 42).
45 Ces objectifs ne sauraient toutefois justifier une mesure qui maintient définitivement, ne serait-ce qu’à l’égard de certaines personnes, la différence de traitement fondée sur l’âge que la réforme dans laquelle cette mesure s’insère vise à éliminer. Une telle mesure n’est pas apte à établir un régime non discriminatoire pour la catégorie des personnes défavorisées (voir, en ce sens, arrêt du 28 janvier 2015, Starjakob, C‑417/13, EU:C:2015:38, point 39 et jurisprudence citée).
46 En l’occurrence, l’article 169 quater de la loi relative à la rémunération des fonctionnaires modifiée prévoit différents mécanismes afin d’éviter une diminution significative de la rémunération des fonctionnaires reclassés. Figure au nombre de ces mécanismes le versement d’une prime de maintien à hauteur de la différence entre le montant du nouveau salaire perçu par le fonctionnaire transféré et le montant de transfert. Cette prime de maintien est octroyée en raison du fait que, à la suite de son transfert, ce fonctionnaire est rattaché à un échelon salarial du nouveau régime de rémunération et d’avancement auquel correspond un niveau de salaire immédiatement inférieur à celui qu’il percevait en dernier lieu en application de l’ancien régime. Figure également au nombre desdits mécanismes la majoration de 6 à 18 mois de l’ancienneté dans le barème de rémunération du fonctionnaire transféré.
47 Or, ainsi que l’a précisé le gouvernement autrichien lors de l’audience, tous ces mécanismes s’appliquent, sans distinction, à l’ensemble des fonctionnaires qui sont transférés de façon globale vers le nouveau régime de rémunération et d’avancement, que ceux-ci aient été défavorisés ou non par l’ancien régime de rémunération et d’avancement.
48 Dans ces conditions, il convient de considérer que, à la différence des affaires ayant donné lieu aux arrêts du 19 juin 2014, Specht e.a. (C‑501/12 à C‑506/12, C‑540/12 et C‑541/12, EU:C:2014:2005), ainsi que du 9 septembre 2015, Unland (C‑20/13, EU:C:2015:561), dans lesquelles l’écart de rémunération entre les deux catégories d’agents en cause dans ces affaires s’est atténué, voire, dans certains cas, a progressivement disparu, il ne ressort pas du dossier soumis à la Cour dans la présente affaire que les mécanismes prévus par la réglementation en cause au principal permettent une convergence progressive du traitement réservé aux fonctionnaires défavorisés par l’ancien régime vers le traitement accordé aux fonctionnaires favorisés, de telle sorte que les premiers bénéficieraient à moyen terme, voire à court terme, d’un rattrapage des avantages octroyés aux seconds. Lesdits mécanismes n’ont, par conséquent, pas pour effet d’atténuer, à l’issue d’une période déterminée, l’écart de rémunération qui existe entre les fonctionnaires favorisés et les fonctionnaires défavorisés.
49 Ainsi, même si la réglementation en cause au principal est susceptible d’assurer la protection des droits acquis et de la confiance légitime à l’égard des fonctionnaires favorisés par le régime antérieur, elle n’est pas apte à établir un régime non discriminatoire pour les fonctionnaires défavorisés par l’ancien régime de rémunération et d’avancement, des lors qu’elle maintient définitivement à leur égard la discrimination en fonction de l’âge instaurée par le régime antérieur.
50 Il découle de l’ensemble des considérations qui précèdent qu’il convient de répondre à la première question que les articles 1er, 2 et 6 de la directive 2000/78, lus en combinaison avec l’article 21 de la Charte, doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, entrant en vigueur de manière rétroactive, qui, en vue de mettre fin à une discrimination fondée sur l’âge, prévoit un transfert des fonctionnaires en service vers un nouveau régime de rémunération et d’avancement dans le cadre duquel le premier classement de ces fonctionnaires est déterminé en fonction de leur dernière rémunération perçue au titre du régime antérieur.
Sur la deuxième question
51 La deuxième question de la juridiction de renvoi vise l’article 17 de la directive 2000/78.
52 Il importe de rappeler que, aux termes de l’article 17 de la directive 2000/78, les États membres déterminent le régime des sanctions applicables aux violations des dispositions nationales adoptées en application de cette directive et prennent toute mesure nécessaire pour assurer la mise en œuvre de celles-ci. Les sanctions ainsi prévues, qui peuvent comprendre le versement d’indemnités à la victime, doivent être effectives, proportionnées et dissuasives.
53 Il ressort de la jurisprudence de la Cour que cet article a pour objet d’imposer aux États membres de prévoir un régime de sanctions pour toutes violations des dispositions nationales adoptées aux fins de la transposition de cette directive (voir, en ce sens, arrêt du 25 avril 2013, Asociația Accept, C‑81/12, EU:C:2013:275, point 61).
54 Or, dans l’affaire au principal, il ne ressort pas du dossier dont dispose la Cour que sont en cause des violations des dispositions nationales adoptées aux fins de la transposition de ladite directive.
55 L’interprétation de l’article 17 de la directive 2000/78 n’est donc pas nécessaire aux fins de la solution du litige au principal.
56 Conformément à la faculté reconnue par une jurisprudence constante de la Cour, et notamment par l’arrêt du 21 septembre 2017, Beshkov (C‑171/16, EU:C:2017:710, point 33 et jurisprudence citée), il convient de reformuler la deuxième question comme visant, en substance, à savoir si l’article 47 de la Charte et l’article 9 de la directive 2000/78 doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation nationale qui, dans une situation telle que celle en cause au principal, réduit la portée du contrôle que les juridictions nationales sont en mesure d’exercer, en excluant les questions liées au fondement du « montant de transfert » calculé selon les règles de l’ancien régime de rémunération et d’avancement.
57 À cet égard, il convient de rappeler qu’il résulte d’une jurisprudence constante que les droits fondamentaux garantis dans l’ordre juridique de l’Union ont vocation à être appliqués dans toutes les situations régies par le droit de l’Union et que l’applicabilité de ce droit implique celle des droits fondamentaux garantis par la Charte (voir, en ce sens, arrêts du 30 avril 2014, Pfleger e.a., C‑390/12, EU:C:2014:281, point 33 et jurisprudence citée, ainsi que du 17 avril 2018, Egenberger, C‑414/16, EU:C:2018:257, point 49).
58 En l’occurrence, il ressort de l’article 169 quater, paragraphe 2 quater, de la loi relative à la rémunération des fonctionnaires modifiée que celle-ci comporte la mise en œuvre, en droit autrichien, de la directive 2000/78, au sens de l’article 51, paragraphe 1, de la Charte, de sorte que le législateur autrichien était tenu de respecter les droits fondamentaux garantis à l’article 47 de celle-ci, et plus spécifiquement le droit des justiciables à bénéficier d’une protection juridictionnelle effective des prérogatives que le droit de l’Union leur octroie (voir, en ce sens, arrêt du 17 avril 2018, Egenberger, C‑414/16, EU:C:2018:257, point 52).
59 Cela étant précisé, il convient de rappeler que, aux termes de l’article 47, premier alinéa, de la Charte, toute personne dont les droits et les libertés garantis par le droit de l’Union ont été violés a droit à un recours effectif devant un tribunal dans le respect des conditions prévues audit article.
60 Pour garantir le respect au sein de l’Union de ce droit fondamental, l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE impose aux États membres l’obligation d’établir les voies de recours nécessaires pour assurer une protection juridictionnelle effective dans les domaines couverts par le droit de l’Union.
61 Le droit à un recours effectif est réaffirmé par la directive 2000/78 elle‑même, dont l’article 9 de celle-ci dispose que les États membres veillent à ce que toute personne qui s’estime lésée par une discrimination puisse faire valoir ses droits (voir, en ce sens, arrêt du 11 novembre 2014, Schmitzer, C‑530/13, EU:C:2014:2359, point 49).
62 Il s’ensuit que le respect du principe d’égalité requiert, en ce qui concerne les personnes qui ont fait l’objet d’une discrimination fondée sur l’âge, qu’une protection juridictionnelle effective de leur droit à l’égalité de traitement soit garantie.
63 En l’occurrence, ainsi que M. l’avocat général l’a relevé au point 74 de ses conclusions, dans le cadre du nouveau régime autrichien de rémunération et d’avancement, la portée du contrôle matériel que les juridictions nationales compétentes sont en mesure d’exercer à l’égard du « montant de transfert », qui détermine le reclassement des fonctionnaires concernés, est fortement réduite. En effet, ce contrôle peut porter uniquement sur des inexactitudes résultant d’erreurs d’encodage des données pertinentes, et non sur une éventuelle irrégularité dans le fondement du calcul du salaire sur lequel est fondé ledit montant, le montant de transfert étant ainsi déterminé à partir du salaire tel qu’il a été fixé dans son principe et dans son montant en application de l’ancien régime de rémunération et d’avancement.
64 Dans ces conditions, si un fonctionnaire défavorisé par l’ancien régime de rémunération et d’avancement ne peut contester les effets discriminatoires du « montant de transfert », il n’est pas en mesure de faire respecter tous les droits qu’il tire du principe de l’égalité de traitement garanti également par la directive 2000/78, en violation de l’article 47 de la Charte. La circonstance qu’il puisse exercer un recours contre le nouveau régime de rémunération et d’avancement dans son intégralité n’est pas de nature à infirmer cette constatation.
65 Ainsi, un fonctionnaire ayant été victime d’une discrimination fondée sur l’âge doit pouvoir se prévaloir de l’article 2 de la directive 2000/78 afin de contester les effets discriminatoires des modalités de son transfert vers le nouveau régime de rémunération et d’avancement.
66 Eu égard à ces considérations, il y a lieu de répondre à la deuxième question que l’article 47 de la Charte et l’article 9 de la directive 2000/78 doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation nationale qui, dans une situation telle que celle en cause au principal, réduit la portée du contrôle que les juridictions nationales sont en mesure d’exercer, en excluant les questions liées au fondement du « montant de transfert » calculé selon les règles de l’ancien régime de rémunération et d’avancement.
Sur la troisième question
67 Par sa troisième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si le principe de primauté du droit de l’Union doit être interprété en ce sens que, lorsqu’une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, méconnaît le principe de non-discrimination fondé sur l’âge et l’article 47 de la Charte, il impose que la situation des fonctionnaires en service ayant fait l’objet d’une telle discrimination fondée sur l’âge, lors de l’application du mécanisme de transfert vers le nouveau régime de rémunération et d’avancement, soit à nouveau examinée et que ces fonctionnaires soient transférés, sans discrimination, dans ce nouveau régime.
68 À cet égard, il y a lieu de relever que, en vertu d’une jurisprudence constante de la Cour, il appartient aux juridictions nationales, en tenant compte de l’ensemble des règles du droit national et en application des méthodes d’interprétation reconnues par celui-ci, de décider si et dans quelle mesure une disposition nationale est susceptible d’être interprétée en conformité avec la directive 2000/78 sans procéder à une interprétation contra legem de cette disposition nationale (arrêt du 22 janvier 2019, Cresco Investigation, C‑193/17, EU:C:2019:43, point 74).
69 À défaut de pouvoir procéder à une interprétation et à une application de la réglementation nationale conforme aux exigences de cette directive, il convient de rappeler que, en vertu du principe de primauté du droit de l’Union, dont bénéficie également le principe de non-discrimination en fonction de l’âge, une réglementation nationale contraire qui entre dans le champ d’application du droit de l’Union doit être laissée inappliquée (arrêt du 19 juin 2014, Specht e.a., C‑501/12 à C‑506/12, C‑540/12 et C‑541/12, EU:C:2014:2005, point 89).
70 Il est également de jurisprudence constante de la Cour que, dès lors qu’une discrimination, contraire au droit de l’Union, a été constatée et aussi longtemps que des mesures rétablissant l’égalité de traitement n’ont pas été adoptées, le respect du principe d’égalité ne saurait être assuré que par l’octroi aux personnes de la catégorie défavorisée des mêmes avantages que ceux dont bénéficient les personnes de la catégorie privilégiée. Les personnes défavorisées doivent ainsi être placées dans la même situation que les personnes bénéficiant de l’avantage concerné (voir, en ce sens, arrêt du 22 janvier 2019, Cresco Investigation, C‑193/17, EU:C:2019:43, point 79 et jurisprudence citée).
71 Dans cette hypothèse, le juge national est tenu d’écarter toute disposition nationale discriminatoire, sans qu’il ait à demander ou à attendre l’élimination préalable de celle-ci par le législateur, et d’appliquer à la catégorie des personnes qui sont défavorisées le même régime que celui dont bénéficient les personnes de l’autre catégorie. Cette obligation lui incombe indépendamment de l’existence, en droit interne, de dispositions lui conférant la compétence pour le faire (arrêt du 22 janvier 2019, Cresco Investigation, C‑193/17, EU:C:2019:43, point 80 et jurisprudence citée).
72 Toutefois, une telle solution n’a vocation à s’appliquer qu’en présence d’un système de référence valable (arrêt du 22 janvier 2019, Cresco Investigation, C‑193/17, EU:C:2019:43, point 81 et jurisprudence citée).
73 En l’occurrence, d’une part, il convient de rappeler dans le contexte de la réponse à la première question que, dans l’arrêt du 11 novembre 2014, Schmitzer (C‑530/13, EU:C:2014:2359), la Cour a déjà jugé que les règles de l’ancien régime de rémunération et d’avancement et, plus particulièrement, celles qui, pour mettre fin à une discrimination fondée sur l’âge à l’égard des fonctionnaires, prennent en compte des périodes de formation et de service accomplies antérieurement à l’âge de 18 ans, mais qui, simultanément, introduisent à l’égard des seuls fonctionnaires victimes de cette discrimination un allongement de trois ans de la durée nécessaire pour pouvoir passer du premier au deuxième échelon de chaque catégorie d’emploi et de chaque catégorie salariale maintiennent une discrimination directe fondée sur l’âge, au sens de l’article 2, paragraphe 1, et paragraphe 2, sous a), et de l’article 6, paragraphe 1, de la directive 2000/78.
74 D’autre part, les règles de rémunération et d’avancement applicables aux fonctionnaires favorisés sont celles qui permettraient aux fonctionnaires défavorisés d’avancer dans les échelons sans aucune discrimination.
75 Dès lors, aussi longtemps que des mesures rétablissant l’égalité de traitement n’ont pas été adoptées, le rétablissement de celle-ci, dans un cas tel que celui en cause au principal, implique l’octroi aux fonctionnaires défavorisés par l’ancien régime de rémunération et d’avancement des mêmes avantages que ceux dont ont pu bénéficier les fonctionnaires favorisés par ce régime, en ce qui concerne tant la prise en compte de périodes de service accomplies avant l’âge de 18 ans que l’avancement dans l’échelle des rémunérations (voir, en ce sens, arrêt du 28 janvier 2015, Starjakob, C‑417/13, EU:C:2015:38, point 48).
76 Il s’ensuit également qu’un fonctionnaire défavorisé par l’ancien régime de rémunération et d’avancement est en droit d’obtenir le versement, par son employeur, d’une compensation à hauteur de la différence entre le montant de la rémunération que le fonctionnaire concerné aurait dû percevoir s’il n’avait pas été traité de manière discriminatoire et le montant de la rémunération qu’il a effectivement perçue.
77 Il importe de rappeler que les considérations figurant aux points 75 et 76 du présent arrêt ne valent qu’aussi longtemps que des mesures rétablissant l’égalité de traitement n’ont pas été adoptées par le législateur national (voir, en ce sens, arrêt du 22 janvier 2019, Cresco Investigation, C‑193/17, EU:C:2019:43, point 87).
78 En effet, il y a lieu de considérer que, si les États membres, conformément à l’article 16 de la directive 2000/78, ont l’obligation de supprimer les dispositions législatives, réglementaires et administratives contraires au principe d’égalité de traitement, cet article ne leur impose toutefois pas d’adopter des mesures déterminées en cas de violation de l’interdiction de discrimination, mais leur laisse la liberté de choisir, parmi les différentes solutions propres à réaliser l’objectif qu’il vise, celle qui leur paraît la mieux adaptée à cet effet, en fonction des situations qui peuvent se présenter (arrêt du 22 janvier 2019, Cresco Investigation, C‑193/17, EU:C:2019:43, point 88).
79 Eu égard aux considérations qui précèdent, il convient de répondre à la troisième question que, dans l’hypothèse où des dispositions nationales ne peuvent être interprétées d’une manière qui soit conforme à la directive 2000/78, la juridiction nationale est tenue d’assurer, dans le cadre de ses compétences, la protection juridique découlant pour les justiciables de cette directive et de garantir le plein effet de celle-ci, en laissant au besoin inappliquée toute disposition nationale contraire. Le droit de l’Union doit être interprété en ce sens que, dès lors qu’une discrimination, contraire au droit de l’Union, a été constatée et aussi longtemps que des mesures rétablissant l’égalité de traitement n’ont pas été adoptées, le rétablissement de l’égalité de traitement, dans un cas tel que celui en cause au principal, implique l’octroi aux fonctionnaires défavorisés par l’ancien régime de rémunération et d’avancement des mêmes avantages que ceux dont ont pu bénéficier les fonctionnaires favorisés par ce régime, en ce qui concerne tant la prise en compte de périodes de service accomplies avant l’âge de 18 ans que l’avancement dans l’échelle des rémunérations et, par voie de conséquence, l’octroi d’une compensation financière aux fonctionnaires discriminés à hauteur de la différence entre le montant de la rémunération que le fonctionnaire concerné aurait dû percevoir s’il n’avait pas été traité de manière discriminatoire et le montant de la rémunération qu’il a effectivement perçue.
Sur la quatrième question
80 Compte tenu de la réponse apportée aux première et deuxième questions, il n’y a pas lieu de répondre à la quatrième question.
Sur les dépens
81 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.
Par ces motifs, la Cour (première chambre) dit pour droit :
1) Les articles 1er, 2 et 6 de la directive 2000/78/CE du Conseil, du 27 novembre 2000, portant création d’un cadre général en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail, lus en combinaison avec l’article 21 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, entrant en vigueur de manière rétroactive, qui, en vue de mettre fin à une discrimination fondée sur l’âge, prévoit un transfert des fonctionnaires en service vers un nouveau régime de rémunération et d’avancement dans le cadre duquel le premier classement de ces fonctionnaires est déterminé en fonction de leur dernière rémunération perçue au titre du régime antérieur.
2) L’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et l’article 9 de la directive 2000/78 doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation nationale qui, dans une situation telle que celle en cause au principal, réduit la portée du contrôle que les juridictions nationales sont en mesure d’exercer, en excluant les questions liées au fondement du « montant de transfert » calculé selon les règles de l’ancien régime de rémunération et d’avancement.
3) Dans l’hypothèse où des dispositions nationales ne peuvent être interprétées d’une manière qui soit conforme à la directive 2000/78, la juridiction nationale est tenue d’assurer, dans le cadre de ses compétences, la protection juridique découlant pour les justiciables de cette directive et de garantir le plein effet de celle-ci, en laissant au besoin inappliquée toute disposition nationale contraire. Le droit de l’Union doit être interprété en ce sens que, dès lors qu’une discrimination, contraire au droit de l’Union, a été constatée et aussi longtemps que des mesures rétablissant l’égalité de traitement n’ont pas été adoptées, le rétablissement de l’égalité de traitement, dans un cas tel que celui en cause au principal, implique l’octroi aux fonctionnaires défavorisés par l’ancien régime de rémunération et d’avancement des mêmes avantages que ceux dont ont pu bénéficier les fonctionnaires favorisés par ce régime, en ce qui concerne tant la prise en compte de périodes de service accomplies avant l’âge de 18 ans que l’avancement dans l’échelle des rémunérations et, par voie de conséquence, l’octroi d’une compensation financière aux fonctionnaires discriminés à hauteur de la différence entre le montant de la rémunération que le fonctionnaire concerné aurait dû percevoir s’il n’avait pas été traité de manière discriminatoire et le montant de la rémunération qu’il a effectivement perçue.
Signatures