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Chômage et contrat d’insertion professionnelle : cumul des allocations et indemnités perçues ?

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 22 septembre 2011, R.G. 2010/AB/152

Mis en ligne le lundi 5 décembre 2011


C. trav. Bruxelles, 22 septembre 2011, R.G. n° 2010/AB/152

Terra Laboris asbl

Dans un arrêt du 22 septembre 2011, la Cour du travail de Bruxelles rappelle les conditions dans lesquelles un chômeur suivant une formation peut bénéficier d’allocations de chômage.

Les faits

Une dame U. conclut le 7 juin 2005 un contrat individuel d’insertion professionnelle en entreprise. Elle preste 38 heures par semaine et perçoit une indemnité de formation horaire (1,30€), et ce tant pour les périodes en entreprise que pour celles dans le centre de formation et dans l’établissement d’enseignement. Cinq mois plus tard, elle s’installe comme indépendante.

Elle est convoquée par l’ONEm deux ans plus tard à une audition, à laquelle elle ne se présente pas. L’ONEm considère qu’il y a cumul entre les allocations de chômage perçues et la rémunération correspondant à 80 journées (mois de juin à septembre 2005) faisant apparaitre un indu.

Une décision est notifiée, étant qu’une activité salariée aurait été exercée pour le compte de tiers et qu’il n’est pas établi que celle-ci n’a pas procuré de rémunération ou d’avantages matériels.

Décision du tribunal du travail

Par jugement du 15 janvier 2010, le Tribunal du travail de Bruxelles fait droit à la demande et considère qu’il n’y a pas lieu à récupération. Il conclut que l’intéressée doit être rétablie dans ses droits pour la période visée et également pour celle faisant l’objet d’une sanction.

Le tribunal considère qu’il n’y a pas cumul de rémunération avec les allocations de chômage, dans la mesure où l’activité exercée s’est déroulée dans le cadre d’un contrat de formation et qu’elle n’a pas été génératrice de revenus.

Avis du ministère public devant la cour du travail

Le ministère public a conclu au fondement de l’appel de l’ONEM. Il considère, cependant, qu’un sursis peut être accordé pour la sanction d’exclusion mais non pour la récupération des allocations, celle-ci ne constituant pas une sanction. Il retient que la récupération de l’indu pourrait être éventuellement limitée conformément à l’article 169, alinéa 5, de l’arrêté royal, qui prévoit la possibilité de limitation au montant brut des revenus dont le chômeur a bénéficié et qui n’étaient pas cumulables avec les allocations de chômage. Cette possibilité existe en cas de bonne foi du chômeur ou lorsque le directeur décide de faire usage de la possibilité de ne donner qu’un avertissement.

Décision de la cour du travail

La cour rappelle que le litige se situe dans le cadre de l’article 44 de l’arrêté royal du 25 novembre 1991, étant qu’une condition d’octroi des allocations de chômage est que le chômeur doit être privé de travail et de rémunération.

La cour retient qu’elle est en présence de deux thèses opposées : d’une part l’ONEm considère que l’activité exercée pour le compte de tiers n’est pas compatible avec des allocations de chômage (une indemnité ayant été perçue, qui doit être considérée comme rémunération) et, d’autre part l’intéressée invoque la modicité de celle-ci ainsi que sa bonne foi.

Il convient dès lors de rappeler ce qu’est une rémunération au sens de la réglementation. La cour renvoie à l’article 46, § 1er, alinéa 1er, 6° de l’arrêté royal, qui vise par là l’avantage accordé au travailleur dans le cadre d’une formation, d’études ou d’un apprentissage. La cour relève que ni l’administration ni le juge n’ont un pouvoir d’appréciation quant à cette disposition et que, notamment, la modicité de l’avantage en cause ne peut intervenir.

En conséquence, aussi minime que soit l’indemnité, elle doit être considérée comme une rémunération au sens de l’article 44 de l’arrêté royal.

L’arrêt précise cependant que l’arrêté royal a délégué au ministre le pouvoir de déterminer dans quels cas un tel avantage n’aurait pas un caractère rémunératoire et que, ainsi, tel est le cas des avantages accordés dans le cadre d’une formation professionnelle (art. 19, al. 1er, de l’arrêté ministériel) ou lorsqu’il y a formation, études ou apprentissage à la condition que le chômeur ait bénéficié d’une dispense (arrêté ministériel, art. 19, al. 2).

Il faut cependant rappeler, comme le fait la cour, que la formation professionnelle est la formation organisée ou subventionnée par le Service régional de l’Emploi et de la Formation professionnelle, de même que la formation professionnelle individuelle en entreprise ou dans un établissement d’enseignement reconnu par ce Service régional et agréé. Tel n’est pas le cas en l’espèce et, en outre, l’intéressée n’a pas bénéficié d’une dispense pour suivre cette formation. Elle n’entre donc pas dans les conditions pour que l’indemnité perçue puisse être considérée comme n’étant pas de la rémunération.

Elle ne pouvait dès lors bénéficier des allocations de chômage.

Quant à la sanction, il s’agit d’une exclusion de 13 semaines, fondée sur le non-respect des directives mentionnées sur la carte de contrôle. Quoique le fait soit établi, les circonstances propres à l’espèce (absence d’antécédents, signature d’un contrat d’insertion professionnelle sous la tutelle d’un centre d’insertion, objectif de la formation, préparation à une activité indépendante exercée immédiatement) impliquent que l’intéressée doit bénéficier du sursis, et ce pour la totalité.
Enfin, sur la récupération, la cour suit l’avis du ministère public, selon lequel il ne s’agit pas d’une sanction et qu’elle ne peut être assortie d’un sursis.

Cependant, revenant à l’article 169, alinéa 5 de l’arrêté royal, qui prévoit la limitation au montant brut des revenus dont le chômeur a bénéficié et qui n’étaient pas cumulables avec allocations de chômage, la cour relève que cette question n’a pas été débattue par les parties. Elle ordonne dès lors une réouverture des débats.

Tout en réformant d’ores et déjà la décision administrative sur la sanction, dont elle maintient la hauteur mais qu’elle assortit d’un sursis pour la totalité, la cour ordonne que, dans le cadre d’une réouverture des débats, soit déterminé le montant à rembourser.

Intérêt de la décision

Cet arrêt de la Cour du travail de Bruxelles rappelle à très juste titre les conditions dans lesquelles une indemnité peut être perçue dans le cadre d’une formation, d’un stage ou d’un apprentissage.

La cour y rappelle que, dans la mesure où les conditions réglementaires ne sont pas réunies, le juge ne bénéficie – non plus que l’administration – d’aucun pouvoir d’appréciation en ce qui concerne l’incidence de la modicité de l’indemnité perçue. Par contre, l’arrêt rappelle également la possibilité de limitation de la récupération (qui n’est pas une sanction et ne peut dès lors être assortie d’un sursis).


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