Terralaboris asbl

Détention (sans exercice) d’un mandat de société et assujettissement au statut social des travailleurs indépendants

Commentaire de C. trav. Liège, 11 mars 2008, R.G. 34.940/07

Mis en ligne le mardi 31 janvier 2012


Cour du travail de Liège, 11 mars 2008, R.G. 34.940/07

TERRA LABORIS ASBL

Dans un arrêt du 11 mars 2008, la Cour du travail de Liège rappelle les principes applicables quant à l’assujettissement des mandataires de société, et ce eu égard aux décisions écartant le caractère irréfragable des présomptions d’assujettissement prévues par la réglementation. Un rappel clair de la situation actuelle en la matière

Les faits

Monsieur G. était mandataire de deux sociétés, C. et Y. En février 2000, il est victime d’une grave maladie, entraînant une hospitalisation jusqu’en septembre. S’il est remplacé dans son mandat au sein de la société C., il conserve cependant celui au sein de l’autre société, n’exerçant cependant aucune activité dans ce cadre. Les séquelles de la maladie sont en effet importantes et empêchent en réalité l’exercice de toute activité professionnelle.

Il finit par démissionner du mandat restant en août 2001.

En mai 2002, sa caisse sociale l’assigne en paiement des cotisations, majorations et intérêts, pour la période du 1er au 4e trimestre 2001. La caisse se fonde sur l’existence du mandat au sein de la société Y.

La décision du tribunal

Le Tribunal considère que l’intéressé établit à suffisance l’absence de toute activité professionnelle pendant la période litigieuse. Il déboute en conséquence la caisse de sa demande.

La position des parties en appel

La Caisse interjette appel du jugement, estimant que la simple détention d’un mandat au sein d’une société commerciale crée une présomption irréfragable d’assujettissement. Même à supposer la preuve contraire possible, la caisse estime qu’elle n’est pas fournie par l’intéressé.

Monsieur G. soutient pour sa part pouvoir établir que le mandat n’est pas exercé. A cet égard, il fait valoir qu’il a été, depuis le déclenchement de sa maladie, dans l’incapacité totale d’exercer la moindre activité (manuelle ou intellectuelle) et que son mandat n’a été maintenu que pour des raisons psychologiques (besoin de croire en une amélioration future de son état de santé).

La décision de la Cour

La Cour du travail est amenée à faire un rappel complet des principes en matière d’assujettissement des mandataires de société, tenant compte de l’arrêt n° 176/2004 de la Cour constitutionnelle.

Elle rappelle ainsi qu’en vertu de l’article 3, § 1er, al. 1er de l’A.R. du 27 juillet 1967, le travailleur indépendant est celui qui exerce effectivement une activité professionnelle, en dehors d’un contrat de travail ou d’une relation de travail statutaire. L’article 3, al. 4 du même A.R. prévoit une présomption irréfragable d’assujettissement pour les mandataires de sociétés ou d’associations assujetties à l’impôt des sociétés. Vu l’arrêt n° 176/2004 de la Cour constitutionnelle du 3 novembre 2004, cette présomption peut être renversée, en prouvant l’absence de toute activité professionnelle en qualité d’indépendant (ou d’exercice effectif du mandat), et ceci pour éviter de devoir démissionner pour prouver la cessation d’activité.

En application de l’article 3, § 2, de l’A.R. précité, l’article 2 de l’A.R. du 19 novembre 1967 édicte également une présomption irréfragable d’assujettissement, visant les mandataires dans une association ou société se livrant à des opérations à caractère lucratif. Cette présomption ne s’applique (la Cour rappelant sa jurisprudence) que si le mandat est exercé et non en cas de simple détention de la qualité. Si la détention du mandat présume l’exercice de celui-ci, son détenteur peut néanmoins établir l’absence d’activité exercée dans le cadre du mandat.

Vu les éléments de l’espèce (dossier médical, conforté par les décisions de l’INAMI et du SPF servant les allocations aux personnes handicapées), attestant de l’incapacité de l’intéressé à fournir la moindre activité professionnelle, de même que la nature de la société (société de gestion immobilière à faible capital), la Cour estime que l’intéressé n’a ni exercé son mandat ni effectué d’activité professionnelle.

Elle confirme ainsi le jugement dont appel.

Intérêt de la décision

L’intérêt de la décision réside essentiellement dans le rappel de la jurisprudence de la Cour du travail de Liège en matière d’assujettissement des mandataires de société, sous l’angle spécifique du cas de la simple détention d’un mandat, sans exercice de celui-ci.

Relevons encore que dans un arrêt du même jour (R.G. 32.454/04), opposant l’intéressé à l’INASTI quant à l’assimilation de la période de la maladie ayant pris cours en février 2000, la Cour du travail estime que, si les présomptions d’assujettissement s’appliquent également pour l’application de l’article 28, § 3, de l’A.R. du 22 décembre 1967 (base légale de l’assimilation de période d’inactivité à des période de travail), elles peuvent être renversées par le mandataire (la Cour reprenant le même raisonnement que celui développé dans l’arrêt annoté).


Accueil du site  |  Contact  |  © 2007-2010 Terra Laboris asbl  |  Webdesign : michelthome.com | isi.be