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Changement de domicile : qu’en est-il de la régularité de la notification d’un congé pour motif grave faite à l’ancienne adresse ?

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 7 décembre 2011, R.G. 2010/AB/721

Mis en ligne le mardi 6 mars 2012


Cour du travail de Bruxelles, 7 décembre 2011, R.G. n° 2010/AB/721

TERRA LABORIS ASBL

Dans un arrêt du 7 décembre 2011, la Cour du travail de Bruxelles rappelle les principes en matière de régularité de notification d’un congé pour motif grave, et ce alors qu’il y a changement de domicile non connu de l’employeur.

Les faits

L’employeur, entreprise d’assurances, licencie en octobre 2007 une employée, au motif qu’elle aurait fraudé quant à l’enregistrement de son temps de travail. Elle aurait quitté la société vers 16hrs au lieu de 17hrs50 et en outre aurait demandé à une collègue d’enregistrer son heure de départ à sa place. L’employée a été auditionnée et, à la suite de cette audition, la société a considéré que la collaboration professionnelle était rendue immédiatement et définitivement impossible. L’organisation syndicale a été avisée par courrier du même jour.

L’employée fait alors savoir qu’elle n’a pas reçu la notification écrite des motifs graves, ce à quoi la société répond en lui adressant une copie de la notification envoyée au domicile connu par elle. Son organisation syndicale soutient que l’intéressée avait informé du changement mais reste en défaut de l’établir.

L’intéressée introduit un recours contre la décision de l’employeur en paiement d’une indemnité de rupture.

Décision du tribunal

Par jugement du 7 juin 2010, le tribunal du travail alloue l’indemnité de rupture, au motif de l’absence de motif grave.

Décision de la Cour

La cour commence par reprendre les principes en matière de régularité de la notification, règles contenues aux aliénas 4, 5 et 6 de l’article 35 de la loi du 3 juillet 1978. Lorsque le congé est notifié par lettre recommandée, celle-ci doit être envoyée à l’adresse du destinataire et les effets d’une notification à une adresse inexacte sont que l’exigence légale n’est pas rencontrée. La cour renvoie ici à diverses décisions de la Cour du travail de Mons ainsi que de Bruxelles (dont C. trav. Mons, 20 mars 1986, Chron. D.S., 1986, p. 272 et C. trav. Bruxelles, 4 juin 1995, J.T.T., 1995, p. 288). Cependant, elle précise que, si le travailleur omet d’informer l’employeur de sa nouvelle adresse, il y a erreur dans son chef.

La cour rappelle encore que c’est l’envoi qui doit intervenir dans le délai de trois jours et non la réception par le travailleur.

En l’espèce, reprenant la chronologie des faits, la cour constate que le recommandé envoyé dans le délai légal à l’ancienne adresse de l’employée lui a été retournée avec la mention « a déménagé » et que, ne pouvant prouver qu’elle a communiqué son changement d’adresse au service des ressources humaines, ainsi que le lui imposait d’ailleurs le règlement de travail, elle a commis une faute.

Ne pouvant établir à suffisance de droit ses dires selon lesquels elle avait effectivement communiqué son changement d’adresse, et ce dès le lendemain du déménagement, l’employée se voit opposer par la cour l’article 870 du Code judiciaire, selon lequel il lui incombe de prouver les faits qu’elle allègue.

Dès lors, le congé est régulier en la forme.

En ce qui concerne le fond, la cour va reprendre les éléments relatifs au manquement de l’employée, étant qu’elle a quitté l’entreprise avant l’heure normale. La faute est établie mais ramenée à de justes proportions, et ce essentiellement sur le plan de la sanction. La cour examine les circonstances de la cause et constate que le manquement n’était pas de nature à rendre immédiatement et définitivement impossible la poursuite des relations contractuelles. La société avait d’ailleurs fait figurer dans son règlement de travail une gradation dans les sanctions et cette gradation est en l’occurrence très précise, passant de la privation du bénéfice de l’horaire flottant à d’autres mesures (dont le licenciement pour motif grave) et prévoyant la possibilité pour le travailleur de faire un recours interne en cas de modification de l’horaire en horaire fixe. La cour souligne également que le licenciement pour motif grave n’est prévu dans le règlement de travail que pour une fraude sérieuse par rapport aux modalités reprises dans ledit règlement.

La société ne considérant pas elle-même comme faute grave des manquements relatifs aux horaires que s’il s’agit de fraude sérieuse par rapport aux modalités prévues concernant l’enregistrement des prestations, la situation n’est pas celle de l’espèce et le licenciement pour motif grave n’était pas justifié.

Intérêt de la décision

Le premier point rappelé par la cour dans cet arrêt est l’obligation pour le travailleur de prouver qu’il a informé son employeur en cas de changement de domicile en cours de contrat. La chose prend toute son importance dès lors que, en cas de licenciement pour motif grave, le juge doit procéder à l’examen de la régularité de la notification et que celle-ci passe par le contrôle de l’exactitude de l’adresse du travailleur, en sus du délai.

En outre, l’arrêt a le mérite de renvoyer au règlement de travail, lorsque celui-ci contient une gradation dans les fautes, en vue de l’appréciation de la constatation par l’employeur d’un motif grave en cas de manquement.


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