Terralaboris asbl

Reconnaissance du lien de subordination dans une entreprise familiale

Commentaire de C. trav. Mons, 9 janvier 2007, R.G. 18.864

Mis en ligne le jeudi 21 février 2008


Cour du travail de Mons, 9 janvier 2007, R.G. 18.864

TERRA LABORIS ASBL – Sophie Remouchamps

Dans un arrêt du 9 janvier 2007, la Cour du travail de Mons se prononce sur la notion d’accident du travail survenu pendant l’exécution du contrat ainsi que sur la vérification du lien de subordination dans le cadre d’une entreprise familiale.

Les faits

L’intéressé preste, en qualité de vendeur carrossier, pour le compte de sa mère, qui exploite un garage dans la région de Charleroi. Il est le seul employé de l’entreprise.

Il est victime d’un accident de la circulation un samedi, alors qu’il revenait d’un marché officieux de vente de voitures d’occasion à Anderlecht. Les circonstances de ce déplacement peuvent être résumées comme suit : un client du garage souhaite acquérir un véhicule par l’intermédiaire du garage, à condition que celui-ci se charge de vendre son véhicule actuel. C’est en vue de réaliser cette opération que le travailleur se rend, au départ du garage, à Anderlecht. N’ayant pas trouvé un acquéreur, il reprend le chemin de son lieu de travail pour y redéposer le véhicule du client, devant ensuite se rendre à des funérailles. L’accident survient sur le chemin séparant Anderlecht du lieu du travail.

L’entreprise d’assurances refuse l’accident, estimant que la preuve des faits n’était pas rapportée.

Le travailleur introduit en conséquence une procédure devant le Tribunal du travail de Charleroi, qui ordonne des enquêtes. A la suite de celles-ci, le Tribunal fait droit à la demande du travailleur et ordonne une expertise.

L’entreprise d’assurances relève appel de ce jugement.

La position des parties en appel

En degré d’appel, l’entreprise d’assurances fait tout d’abord valoir que le travailleur n’établissait pas exécuter, au moment des faits, une mission pour le compte de son employeur, sous l’autorité de ce dernier, de sorte que l’existence d’un accident survenu dans le cours de l’exécution du contrat ne serait pas établie.

Elle élève par ailleurs une seconde contestation, arguant de l’inexistence d’un contrat de travail, au motif des liens familiaux unissant l’intéressé et son employeur.

La décision de la Cour

La Cour examine en premier lieu si l’existence d’un contrat de travail peut être retenue.

Sur le plan de la charge de la preuve, la Cour rappelle la jurisprudence de la Cour de cassation, selon laquelle la volonté des parties est prééminente, sauf à rapporter la preuve d’éléments incompatibles avec la qualification donnée par les parties à leurs relations contractuelles.

En l’espèce, la Cour estime que l’entreprise d’assurances, qui supporte la charge de la preuve de ces éléments incompatibles, n’établit pas que l’intéressé disposait d’une totale liberté dans l’exécution de son travail et qu’aucun contrôle n’était effectuée par la mère.

La Cour rappelle également que l’existence de liens familiaux entre travailleur et employeur n’exclut pas l’existence d’un lien de subordination.

Elle refuse en conséquence de requalifier le contrat.

Examinant ensuite la condition de survenance de l’accident au cours de l’exécution du contrat, la Cour, après avoir rappelé que l’exécution du contrat ne coà¯ncide pas toujours avec l’exécution même du travail ou le temps de travail, estime que le travailleur établit, au moyen de présomptions graves, précises et concordantes, qu’il se trouvait effectivement sous l’autorité – virtuelle – de son employeur au moment de la survenance de l’accident.

La Cour s’appuie à cet égard sur les enquêtes tenues par le premier Juge, qui confirment la version des faits du travailleur, reconnue elle-même comme plausible. Dans ses considérations sur cette question, la Cour relève par ailleurs qu’un certain degré d’initiative peut exister sans exclure la subordination et que l’opération qui a mené le travailleur à Anderlecht (vente du véhicule du client) rentrait dans le cadre de sa fonction.

La Cour confirme en conséquence le jugement entrepris.

Intérêt de la décision

La décision présente un intérêt pour le cas pratique tranché : accident survenu en dehors de l’horaire habituel (mission « spéciale »), dans le chef d’un travailleur dont l’employeur est sa propre mère.

Il est par ailleurs intéressant de relever que la jurisprudence de la Cour de cassation quant aux pouvoirs du juge en matière de requalification des conventions permet en l’espèce de faire supporter à l’entreprise d’assurances la charge de la preuve de l’inexistence du contrat de travail. Quand l’on sait les difficultés de pointer des éléments incompatibles avec un travail subordonné ou indépendant et les aléas de l’administration de la preuve en cette matière, le rappel théorique apparaît très utile.


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