Terralaboris asbl

Licenciement après l’âge normal de la retraite et délai de préavis

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 19 janvier 2012, R.G. 2011/AB/682

Mis en ligne le mardi 29 mai 2012


Cour du travail de Bruxelles, 19 janvier 2012, R.G. n° 2011/AB/682

Terra Laboris asbl

Dans un arrêt du 19 janvier 2012, la Cour du travail de Bruxelles rappelle, à l’occasion de la fin de prestations d’un huissier audiencier auprès des tribunaux, que les employés licenciés alors qu’ils ont atteint l’âge de 65 ans doivent se voir appliquer un préavis réduit.

Les faits

Le SPF Justice prend, le 23 décembre 2009, une circulaire (n° 154) par laquelle diverses mesures d’économies sont envisagées dont la suspension de prestations d’un certain nombre d’huissiers audienciers. Ceux-ci en sont informés.

Un groupe de travail est parallèlement mis en place aux fins de préciser les effets de la mesure. Une nouvelle circulaire (n° 154bis) fixe un contingent global d’heures attribuées dans chaque ressort de cour d’appel et de cour du travail aux fins de recourir au service de messagers audienciers.

L’un d’entr’eux, occupé depuis 1983, se retrouve privé de travail et de rémunération. Il introduit une procédure devant le Tribunal du travail de Bruxelles.

Décision du tribunal du travail

Le tribunal du travail statue par jugement du 10 mai 2011 et condamne l’Etat belge au paiement d’une indemnité compensatoire de préavis. Il déboute le demandeur d’une indemnité formée pour abus de droit de licencier.

Décision de la cour du travail

La cour aborde plusieurs points de droit, étant le statut des messagers audienciers, la nature du contrat de travail, la qualité de travailleur ainsi que la rupture du contrat et ses conséquences.

Elle rejette en premier lieu l’argumentation de l’Etat belge qui voudrait voir reconnaître aux huissiers audienciers la qualité de travailleur indépendant et considère qu’il y a ici lien de subordination, les messagers audienciers exerçant leurs fonctions sous la direction et le contrôle des présidents des juridictions. L’Etat belge faisant valoir qu’ils prestent dans le cadre d’un « contrat de vacation », la cour rappelle, comme l’a d’ailleurs fait le tribunal, que ce type de contrat (de même que le « contrat à l’appel ») n’est pas prévu par la loi.

Par ailleurs, devant déterminer s’il s’agit d’un travailleur ouvrier ou employé, la cour décrit les fonctions des huissiers et en conclut que celles-ci ont un caractère essentiellement intellectuel.

Plus délicate est certes la question de la rupture, puisqu’il y a eu en janvier 2010 une information verbale (lors d’une réception de nouvel-an ou encore par sms individuel) de la suspension des prestations. La cour constate que le conseil du demandeur, en l’espèce, a mis le SPF en demeure de retirer sa circulaire et de réintégrer celui-ci (ainsi que d’autres collègues) dans ses fonctions et que l’Etat belge n’a pas donné suite à cette demande. La cour en conclut qu’il y a dès lors manifestation certaine, bien que tacite et indirecte, de la volonté de rompre le contrat de travail.

Reste enfin à déterminer si la disposition applicable en vue de la détermination de l’indemnité compensatoire de préavis est l’article 82 ou l’article 83 de la loi du 3 juillet 1978.

La cour rappelle l’historique de l’article 83, dont sa modification par la loi du 20 juillet 1990 qui avait supprimé la mention « ou après cet âge » (à savoir : l’âge normal de la pension légale complète). La cour rappelle que cette modification est intervenue afin de rendre le texte légal conforme à la directive du conseil C.E.E. n° 73/207 du 9 février 1976 et qu’elle ne peut influencer la solution du litige. La seule condition pour l’application du délai de préavis réduit est que le travailleur ait atteint l’âge de 65 ans à la fin de ce délai de préavis.

Elle rappelle l’arrêt de la Cour constitutionnelle du 30 septembre 2010 (arrêt n° 107/2010), qui a considéré que l’article 83, §1er de la loi ne viole pas le principe d’égalité. Le régime des délais de préavis réduits à partir de l’âge de 65 ans est lié au fait que l’âge auquel le travailleur peut en principe bénéficier d’une pension de retraite complète est atteint, ce qui constitue un critère objectif de la différence de traitement avec les autres employés, étant l’âge de l’employé. Par ailleurs, cette différence de traitement est fondée sur des objectifs légitimes de nature sociale.

La cour du travail précise que la raison d’être de l’article 83, §1er est en effet de faciliter l’occupation d’un employé après l’âge de la retraite, de telle sorte que la règle trouve également à s’appliquer lorsque l’employé est licencié après qu’il a atteint l’âge de 65 ans.

La cour alloue, en conséquence, une indemnité compensatoire de préavis de six mois de rémunération, délai fixé par l’article 83, par dérogation à l’article 82.

Intérêt de la décision

Cet arrêt de la Cour du travail de Bruxelles est l’occasion de rappeler la règle de l’article 83 de la loi du 3 juillet 1978, qui concerne le congé donné en vue de mettre fin au contrat conclu pour une durée indéterminée à partir du premier jour du mois qui suit celui au cours duquel l’employé atteint l’âge de 65 ans.

Ainsi que le relève la cour du travail – et comme l’a rappelé la Cour constitutionnelle -, l’objectif est de nature sociale, étant de faciliter l’occupation d’un employé après l’âge de la retraite.


Accueil du site  |  Contact  |  © 2007-2010 Terra Laboris asbl  |  Webdesign : michelthome.com | isi.be