Terralaboris asbl

Prolongation du crédit-temps : exigence du respect de la durée normale de trois mois

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 18 janvier 2012, R.G. 2007/AB/49.498

Mis en ligne le mercredi 13 juin 2012


Cour du travail de Bruxelles, 18 janvier 2012, R.G. n° 2007/AB/49.498

Terra Laboris asbl

Dans un arrêt du 18 janvier 2012, la Cour du travail de Bruxelles rappelle les conditions de durée du crédit-temps dans le cadre de la CCT n° 77bis, en ce compris en cas de prolongation.

Les faits

Un employé bénéficie d’allocations d’interruption dans le cadre d’un crédit-temps pour la période du 1er juillet 2003 au 30 juin 2004. Il obtient une prolongation et bénéficie d’allocations jusqu’au 31 décembre. Suite à une nouvelle prolongation de trois mois, le système est reconduit jusqu’au 31 mars 2005. Entre-temps, l’intéressé a démissionné de son emploi avec effet au 1er février 2005 et il en informe l’ONEm.

Il s’agit dès lors de vérifier les conditions de récupération des allocations d’interruption allouées pour le mois de janvier 2005.

L’assuré social fait valoir que la période de trois mois (durée minimale) n’est pas d’application en l’espèce, s’agissant d’une prolongation du crédit-temps et non d’une première suspension du contrat.

Le recours qu’il introduit devant le tribunal du travail est jugé non fondé.

L’intéressé interjette appel de la décision ainsi intervenue et de la demande de remboursement des allocations d’interruption correspondantes.

Décision de la cour du travail

La cour constate que le litige est circonscrit à la question de l’application de l’article 11, § 3 de la CCT n° 77bis, l’ONEm considérant que la durée de trois mois au moins doit valoir même dans l’hypothèse d’une prolongation et l’assuré social considérant que celle-ci ne vise que le premier crédit-temps.

La cour examine dès lors les dispositions légales pertinentes, étant l’article 103bis de la loi de redressement du 23 janvier 1985 et la CCT n° 77bis du 19 décembre 2001 (remplaçant la CCT n° 77 du 14 février 2001), qui a instauré un système de crédit-temps, de diminution de carrière et de réduction de prestations de travail à mi-temps.

Les principes et conditions du crédit-temps sont ainsi repris dans la CCT n° 77bis dont l’article 3, § 1er prévoit une condition de durée : le crédit-temps peut être exercé pour une durée maximum d’un an sur l’ensemble de la carrière, à exercer par période de trois mois minimum. La période d’un an peut être prolongée, ainsi que le prévoit la même disposition de la CCT n° 77bis (article 3 en son § 2) si une CCT est prise en ce sens au niveau de la commission paritaire ou de l’entreprise.

Tout en prévoyant en outre les périodes devant être imputées sur la durée maximum d’un an (éventuellement prolongée jusqu’à cinq ans), la CCT n° 77bis dispose que, pour bénéficier du droit au crédit-temps, le travailleur doit avoir été dans les liens d’un contrat de travail avec l’employeur pendant douze mois au cours des quinze mois qui précèdent l’avertissement visé à l’article 12, c’est-à-dire la demande écrite du travailleur.

Il s’agit, en effet, pour le travailleur d’avertir son employeur, s’il veut faire valoir son droit à l’exercice d’un crédit-temps, et ce à un moment fixé par la CCT, qui est de trois mois ou six mois à l’avance (selon que l’employeur occupe plus de vingt travailleurs ou 20 travailleurs ou moins), le délai étant un délai fixe. La disposition vise également l’hypothèse de la prolongation de l’exercice du droit au crédit-temps, étant que l’obligation d’avertissement par écrit ainsi que les délais ci-dessus s’appliquent à cette hypothèse également.

Le commentaire de la CCT dispose par ailleurs que, si un travailleur exerce son droit au crédit-temps et qu’il souhaite prolonger celui-ci, le moment où il est vérifié s’il réunit les conditions requises est celui du premier avertissement écrit qu’il a opéré conformément à l’article 12.

La cour constate que la condition d’avertissement est ainsi applicable de la même manière en cas de première demande ou de prolongation et qu’il en est de même de la condition selon laquelle le droit s’exerce par période de trois mois minimum, cette condition minimale de trois mois n’étant pas réservée à la première demande.

Revenant sur les termes de l’article 11, § 3, selon lesquels les conditions figurant à l’article 3 doivent être satisfaites en cas de prolongation au moment de l’avertissement initial, c’est-à-dire uniquement lors de la première demande, la cour constate que la référence à l’article 3 est ambigüe dans la mesure où le texte de l’article 11, § 3 n’indique pas à quelles conditions il entend se référer. La cour estime dès lors devoir interpréter la disposition en fonction de l’économie générale du texte, étant qu’il s’agit essentiellement de la condition d’ancienneté et non de la condition de la durée maximum d’un an, d’autant que le crédit-temps peut être fractionné sur l’ensemble de la carrière.

La cour estime que la volonté des parties signataires à la convention collective peut être éclairée par le commentaire figurant dans celle-ci. Elle renvoie ici pour un cas d’application à un arrêt de la Cour de cassation du 19 mars 2007 (Cass., 19 mars 2007, S.06.0044.N).

Dans la mesure où, selon le commentaire de l’article 11, §3, la date du premier avertissement ne concerne que la condition d’occupation et où d’autres dispositions réglementaires font référence à ce minimum de durée de trois mois (ainsi l’arrêté royal du 2 janvier 1991 (article 10) concernant le passage direct d’une interruption complète à une réduction de prestations et vice-versa ainsi que le passage d’une forme de réduction des prestations à une autre), la cour en conclut que la condition de durée minimale de trois mois devait être respectée et que, en conséquence, les allocations d’interruption ne pouvaient être accordées pour le mois de janvier seulement.

Intérêt de la décision

Cet arrêt est à rapprocher d’un arrêt de la Cour du travail de Liège du 8 mars 2012 (R.G. n° 2008/AL/35.368 – commenté dans la même rubrique précédemment), qui a statué sur les conditions de durée du crédit-temps fixées non par la CCT n° 77bis mais par une convention sectorielle. Le régime général est celui repris dans l’arrêt de la Cour du travail de Bruxelles. Des exceptions peuvent être prévues au niveau sectoriel, qui ont une incidence sur le minimum des trois mois exigés par la CCT n° 77bis.


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