Terralaboris asbl

Etendue de l’obligation d’information de l’ONP en matière de droit à la garantie de revenus aux personnes âgées

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 15 mars 2012, R.G. 2010/AB/1.155

Mis en ligne le lundi 2 juillet 2012


Cour du travail de Bruxelles, 15 mars 2012, R.G. n° 2010/AB/1.155

Terra Laboris asbl

Dans un arrêt du 15 mars 2012, la Cour du travail de Bruxelles rappelle ce qu’il faut entendre par information utile pour le secteur des pensions, au sens de la Charte de l’assuré social.

Les faits

Un bénéficiaire d’une pension de travailleur salarié (depuis 1988) introduit en 1996 une demande de revenu garanti. Celle-ci est refusée au motif que les ressources de son conjoint et de lui-même dépassent le montant maximum qui peut être accordé. Il va introduire deux nouvelles demandes, dont une demande de revision, en date du 18 septembre 2000. La décision administrative qui intervient relève notamment que, l’intéressé bénéficiant d’une pension payée par l’Allemagne au titre de réparation ou de dédommagement en tant que victime de la guerre, celle-ci doit être prise en considération dans les ressources (loi du 1er avril 1969, article 10, alinéa 1er).

Dans le cadre d’une nouvelle demande introduite en 2008, demande qui est acceptée, un montant annuel de l’ordre de 5.000€ lui est accordé.

L’intéressé saisit cependant le tribunal du travail au motif que l’ONP n’a pas immunisé la pension allemande, depuis le changement introduit par l’arrêté royal du 23 mai 2001 portant règlement général en matière de revenu garanti. Il considère qu’il y a faute de l’ONP, qui l’a privé d’une prestation depuis la date de l’entrée en vigueur de celui-ci, soit le 1er juin 2001. Il sollicite dès lors que le calcul soit revu depuis cette date, tenant compte de l’immunisation en cause.

Décision du tribunal du travail

Par jugement du 19 novembre 2010, le tribunal du travail déclare la demande non fondée, confirmant le montant de la GRAPA accordé par l’ONP, sans déduction de la pension de réparation.

Position de parties en appel

Dans son acte d’appel, l’intéressé considère à titre principal que la prestation doit lui être versée au titre de réparation en nature du préjudice subi suite à la faute de l’ONP et, à titre subsidiaire, que l’équivalent lui soit versé au titre de réparation par équivalent du même préjudice.

L’ONP sollicite quant à lui la confirmation de la décision.

Décision de la cour du travail

La cour relève que la loi du 22 mars 2001 instituant la garantie de revenu aux personnes âgées a été promulguée le 31 mai et qu’elle remplace, dès lors, à partir du 1er juin 2001 le revenu garanti aux personnes âgées. Elle prévoit que toutes les ressources - quelle qu’en soit la nature ou l’origine - doivent être prises en considération pour le calcul de la garantie de revenus (sauf exception prévue par le Roi). En cas de pensions accordées en application d’un régime belge ou étranger (en ce compris les pensions de réparation à des victimes de guerre), celles-ci font l’objet de règles spécifiques, le Roi pouvant en exonérer certaines. Dans l’arrêté royal du 23 mai 2001, les revenus entièrement immunisés visent ces indemnités. Si tel n’était pas le cas dans le texte d’origine, un arrêté du 11 juillet 2002 a inclus dans ceux-ci les indemnités payées par les autorités allemandes en dédommagement de la détention durant la 2e guerre mondiale (entré en vigueur avec effet rétroactif au 1er juin 2001).

Se pose dès lors, pour la cour, la question de la responsabilité de l’ONP : a-t-il commis une faute au sens des articles 1382 et 1383 du Code civil ?

Selon la jurisprudence de la Cour de cassation (Cass., 21 décembre 2007, n° C.06.0457.F), une telle faute doit être soit une erreur de conduite, appréciée à l’aune de l’autorité normalement soigneuse et prudence placée dans les mêmes conditions, soit une violation d’une norme de droit national ou d’un traité international ayant des effets dans l’ordre juridique interne, qui impose à cette autorité de s’abstenir ou d’agir d’une manière déterminée (hors erreur invincible ou autre cause de justification).

La cour examine dès lors s’il y a violation de l’obligation d’information au sens de la Charte de l’assuré social. Celle-ci fait en effet obligation à l’institution de sécurité sociale de donner à l’assuré social toutes informations utiles concernant ses droits et obligations. La cour souligne cependant que ceci doit intervenir à la demande écrite de l’assuré social. Cette condition est reprise dans l’arrêté royal d’exécution du 19 décembre 1997. Les informations utiles à l’octroi ou au maintien de l’assurabilité et à l’octroi des prestations ainsi que les coordonnées des personnes aptes à fournir des renseignements complémentaires doivent être reprises dans un document mis à disposition gratuitement des assurés sociaux sur demande. En matière de pension, les obligations doivent également être fournies à la demande écrite des intéressés, en vertu de l’arrêté royal du 11 mars 2002.

Quant au devoir de conseil repris à l’article 4 de la Charte, il vise également le conseil à donner à l’assuré social qui le demande, obligation également rappelée dans l’arrêté royal du 11 mars 2002.

La cour rappelle que, la demande de pension introduite auprès d’un régime belge obligatoire valant demande de garantie de revenus, au moment où celle-ci a été introduite (1988), le montant des pensions empêchait l’octroi du revenu garanti, de telle sorte qu’au 1er juin 2001 l’intéressé n’était pas bénéficiaire du revenu garanti aux personnes âgées. L’obligation imposée à l’ONP par la réglementation de comparer d’office les montants pouvant être attribués dans les deux régimes ne vise dès lors pas le cas en cause.

La cour précise en outre que, même eu égard à l’obligation de pro-activité dans le chef de l’ONP, il n’y a pas de faute commise, et ce pour plusieurs motifs : (i) le revenu garanti n’était pas accordé (et aucune demande n’était en cours) lors de l’entrée en vigueur de la loi du 22 mars 2001, (ii) il n’y avait aucune obligation d’informer d’initiative un assuré social d’une modification de la réglementation, en ce qui concerne le droit à un avantage distinct et (iii) il n’y a pas d’erreur de conduite eu égard aux critères de l’autorité normalement soigneuse et prudente placée dans les mêmes conditions.

La cour du travail confirme, dès lors, le jugement.

Intérêt de la décision

La cour procède ici à un rappel des limites de l’obligation d’information et de conseil dans le chef de l’ONP, tout en rappelant, cependant, que le législateur exige une pro-activité à la fois par application de la Charte et des dispositions spécifiques visant l’Office.


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