Terralaboris asbl

Action de l’ONSS en délivrance d’un titre

Commentaire de C. trav. Liège, 21 mai 2012, R.G. 2011/AL/502

Mis en ligne le jeudi 19 juillet 2012


Cour du travail de Liège, 21 mai 2012, R.G. n° 2011/AL/502

Terra Laboris asbl

Dans un arrêt du 21 mai 2012, la Cour du travail de Liège considère recevable l’action de l’ONSS, dans le cadre d’une procédure de réorganisation judiciaire, en vue d’obtenir un titre, après le jugement d’homologation.

Les faits

Une procédure est introduite devant le Tribunal du travail de Huy aux fins d’obtenir au bénéfice de l’ONSS la condamnation d’une société au paiement de cotisations sociales (3e et 4e trimestres 2009 et 1er trimestre 2010), et ce en décembre 2010, soit postérieurement à un jugement du tribunal du commerce du même arrondissement, qui avait homologué un plan de réorganisation judiciaire par accord collectif proposé par la société à l’ensemble de ses créanciers dans le cadre de la loi du 31 janvier 2009 relative à la continuité des entreprises. Les créanciers sursitaires ordinaires (dont l’ONSS) se voient payés de leur créance en principal à concurrence de 40%, avec des paiements très étalés pour les créances supérieures à 5.000€.

Un accord a été donné par la majorité des créanciers représentant au moins la moitié de toutes les sommes dues au principal. En vertu du de la loi du 31 janvier 2009 (article 57, alinéa 1er) l’homologation qui s’en suit entraîne l’obligation pour tous les créanciers sursitaires de s’y conformer.

L’ONSS a cependant souhaité obtenir un titre, postérieurement à ce jugement, et ce pour la totalité de sa créance, de l’ordre de 20.000€.

Décision du tribunal du travail

Par jugement du 2 septembre 2011, le Tribunal du travail de Huy considère que l’action est irrecevable pour défaut d’intérêt, considérant, en gros, que (i) l’ONSS dispose d’un titre privé fondant sa créance (non contestée par la société), (ii) le recouvrement des sommes dues peut être opéré par voie de contrainte, (iii) il y a interruption de la prescription et (iv) l’action de l’ONSS est susceptible de préjudicier la tentative de redressement de l’entreprise. Le tribunal considère qu’elle va d’ailleurs à l’encontre de l’objectif poursuivi par la loi sur la continuité des entreprises.

Décision de la cour du travail

La cour du travail est saisie d’un appel de l’ONSS et va se prononcer sur l’intérêt pour celui-ci d’agir, alors que le plan de réorganisation judiciaire s’impose aux créanciers.

Après avoir rappelé les principes du Code judiciaire (articles 17 et 18), dont la possibilité d’introduire une action déclaratoire, la cour constate qu’au moment où l’action a été introduite, l’Office avait intérêt à introduire cette demande, non pour obtenir un titre exécutoire (la cour relevant que l’Office ne demande pas que la décision à intervenir ait un caractère exécutoire) mais un titre le mettant à l’abri du risque de prescription vu les aléas de la procédure de la réorganisation judiciaire (possibilité de révocation, non-aboutissement du plan).

La cour relève avec l’ONSS que, par l’effet de la loi du 31 janvier 2009, la créance en sa totalité n’est pas exigible tant que le plan est correctement respecté mais qu’elle le redeviendra en cas de révocation.

La cour va ensuite balayer les quatre motifs du jugement, successivement.

Elle constate en premier lieu que la loi n’interdit pas aux créanciers d’exercer une action conservatoire ou déclaratoire de leurs droits, telle l’action tendant à faire constater leur créance dans un jugement susceptible, le cas échéant, d’être exécuté ultérieurement. Elle relève que le jugement d’homologation du plan par le tribunal de commerce n’est pas un titre constatant la totalité de la créance de l’ONSS, susceptible d’être exécuté. Il ne contient d’ailleurs aucune condamnation de la société au paiement d’un montant déterminé et le titre privé dont l’ONSS dispose n’équivaut pas un titre exécutoire.

En second lieu, la cour rappelle que la contrainte dont dispose l’ONSS est un acte d’exécution, qui est précisément interdit pas la loi du 31 janvier 2009 tant au cours du sursis que durant la mise en œuvre du plan homologué. Le recours à la contrainte ne pourrait intervenir qu’après une éventuelle révocation du plan, exposant, ainsi, l’ONSS au risque de prescription.

La cour constate ensuite que, bien sûr, l’introduction de la procédure est une cause d’interruption de la prescription de la créance (la cour rappelant que le délai de trois ans en application de l’article 42, alinéa 1er, de la loi du 27 juin 1969) et, enfin, qu’il n’existe au dossier aucun élément permettant de dire que la prescription aurait déjà été interrompue.

La cour réserve encore quelques développements quant à l’objectif de la loi, qui est de tendre vers un redressement de l’économie via la continuité des entreprises, objectif à considérer au regard du souci des institutions publiques de récupérer leurs créances, qui vont permettre le financement de la protection sociale. Il y a ici deux intérêts fondamentaux plus complémentaires que divergents selon la cour et il faut éviter de les opposer.

Elle va en conséquence considérer que l’appel est fondé, la demande de l’ONSS tendant à obtenir un titre judiciaire contenant sa créance devant être acceptée, la créance étant actuellement non exigible et ne pouvant être exécutée qu’ultérieurement, en cas de révocation.

Intérêt de la décision

La cour du travail rappelle ici que, si les créanciers sursitaires sont bloqués, en cas de réorganisation judiciaire, en ce qui concerne l’exécution de leur créance, rien ne peut les empêcher de solliciter un titre, actant le montant de leur créance, permettant ainsi de faire échec à une éventuelle prescription. La cour rappelle également que ce n’est qu’après révocation du plan homologué que les voies d’exécution pourront être poursuivies.


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