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Calcul des allocations de chômage en cas d’occupation inférieure à quatre semaines : inclusion de la période couverte par une indemnité compensatoire de préavis

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 19 avril 2012, R.G. 2009/AB/52.740

Mis en ligne le jeudi 19 juillet 2012


Cour du travail de Bruxelles, 19 avril 2012, R.G. n° 2009/AB/52.740

Terra Laboris asbl

Dans un arrêt du 19 avril 2012, la Cour du travail de Bruxelles rappelle qu’une indemnité compensatoire de préavis doit être prise en compte pour calculer le salaire de base de l’allocation de chômage, en cas d’occupation inférieure à 4 semaines.

Les faits

Une employée travaille à temps partiel (30 heures par semaine) pour une société A. Elle démissionne de cet emploi pour travailler aussitôt au bénéfice d’une société B., toujours dans le cadre d’un temps partiel mais pour un nombre d’heures inférieur (20 heures par semaine).

Elle est licenciée moyennant paiement d’une indemnité compensatoire de préavis avant la fin du premier mois de cette seconde occupation. Elle sollicite alors le bénéfice des allocations de chômage. L’ONEm calcule celles-ci sur la base de la rémunération moyenne proméritée au service de la société B.

L’intéressée introduit un recours devant le tribunal du travail, qui va le déclarer fondé, concluant que les allocations de chômage doivent être calculées sur la base de la rémunération proméritée auprès de la société A.

Décision de la cour du travail

Suite à l’appel interjeté par l’ONEm, la cour est saisie de la question de la rémunération à prendre en compte, vu la durée du second contrat (inférieur à quatre semaines).

Elle rappelle que l’allocation de chômage correspond, en vertu de l’article 114 de l’arrêté royal du 25 novembre 1991, à un pourcentage de la rémunération journalière moyenne du travailleur et que l’arrêté royal du 10 juin 2001, auquel le règlement chômage fait référence, entend par là la rémunération journalière moyenne à laquelle le travailleur aurait normalement droit au moment de la réalisation du risque donnant lieu à l’octroi d’une allocation. Cette rémunération doit comprendre tous les montants ou avantages auxquels il peut prétendre en exécution du contrat de travail et pour lesquels des cotisations de sécurité sociale sont dues (hors pécule de vacances complémentaire et rémunération des heures supplémentaires). Cette définition ne déroge cependant pas aux dispositions fixées dans les règlementations spécifiques relatives notamment à la fixation d’un autre moment que celui de la réalisation du risque.

En vertu de l’article 65 de l’arrêté ministériel du 26 novembre 1991, la rémunération servant de base au calcul de l’allocation de chômage (allocation complète) est la rémunération journalière moyenne à laquelle le chômeur pouvait prétendre à la fin de la dernière période d’au moins quatre semaines consécutives d’occupation auprès du même employeur. Avant le 1er février 2008 (période à laquelle s’appliquent les faits), l’article 65 précisait que cette rémunération n’est prise en considération que si la période pour laquelle une rémunération ou une indemnité de rupture a été payée a pris fin au cours de la période de six mois précédant la demande d’allocation.

Il s’agit donc ici d’une disposition particulière, dérogatoire aux principes contenus à l’arrêté royal du 10 juin 2001, qui retient le moment de la réalisation du risque donnant lieu à l’octroi d’une allocation : il faut quatre semaines consécutives d’occupation au service d’un même employeur.

En l’espèce, il y a 26 jours calendrier de travail selon un régime de 20 heures par semaine et paiement d’une indemnité compensatoire de préavis pour une semaine. Il y dès lors deux possibilités : soit ne pas tenir compte de la période couverte par l’indemnité compensatoire de préavis, auquel cas l’occupation est inférieure à quatre semaines et le salaire à prendre en considération est celui perçu lors de l’occupation au service de l’employeur précédent, soit tenir compte de cette indemnité, qui aboutit à une durée d’occupation de plus de quatre semaines, autorisant la prise en compte de la rémunération perçue chez le dernier employeur.

La cour relève que le tribunal a opté pour la première interprétation, au motif qu’il y a référence au terme « occupation » et que l’indemnité versée n’implique pas de prestation de travail.

Pour la cour du travail cette interprétation est trop littérale et elle choisit, pour sa part, la seconde branche de l’alternative, et ce pour trois motifs essentiels.

Elle reprend en premier lieu les termes de l’article 2 de l’arrêté royal du 10 juin 2001 en ce qu’il définit la notion de rémunération journalière comme visant tous les montants ou avantages auxquels le travailleur peut prétendre en exécution de son contrat de travail et pour lesquels des cotisations de sécurité sociale sont dues. Ceci inclut, pour la cour, l’indemnité compensatoire de préavis.

Ensuite, l’article 65 de l’arrêté ministériel du 26 novembre 1991 dispose (dans sa mouture applicable à l’espèce) que la rémunération journalière moyenne n’est prise en considération que si la période pour laquelle une rémunération ou une indemnité de rupture a été payée a pris fin au cours de la période de six mois précédant la demande d’allocations. Ceci implique, pour la cour, que la période d’occupation peut comprendre aussi bien une période de travail rémunéré qu’une période couverte par une indemnité compensatoire de préavis.

Enfin, la cour voit une différence de traitement entre la situation du travailleur qui preste son préavis et celui qui perçoit l’indemnité compensatoire. Cette différence manquerait, selon la cour, de justification objective et raisonnable et elle renvoie par identité de motifs à un arrêt de la Cour constitutionnelle du 22 décembre 2011 (C. Const., 22 décembre 2011, arrêt n° 195/2011).

Elle conclut que la période d’occupation au service de l’employeur B. a duré plus de quatre semaines au sens de la réglementation et qu’il y a lieu de calculer l’allocation de chômage sur la base des prestations effectuées pour celui-ci.

Intérêt de la décision

L’intérêt de l’arrêt annoté réside certainement dans une interprétation cohérente des dispositions réglementaires visées. Ainsi que le relève très judicieusement la cour in fine de son raisonnement, traiter différemment un travailleur bénéficiant d’une indemnité compensatoire de préavis et celui qui devrait exécuter des prestations pendant celui-ci entraînerait une différence de traitement injustifiée et tel est d’ailleurs l’enseignement de la Cour constitutionnelle dans l’arrêt auquel la cour du travail fait référence, arrêt rendu en matière de réduction des prestations de travail.


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