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Travailleur à temps partiel avec maintien des droits : montant des allocations provisoires avancé par l’ONEm en cas de rupture

Commentaire de C. trav. Mons, 2 mai 2012, R.G. 2011/AM/192

Mis en ligne le vendredi 17 août 2012


Cour du travail de Mons, 2 mai 2012, R.G. n° 2011/AM/192

Terra Laboris asbl

Dans un arrêt du 2 mai 2012, la Cour du travail de Mons rappelle la distinction à faire entre les chômeurs bénéficiant du régime de maintien des droits et ceux percevant l’allocation de garantie de revenus, au regard des allocations provisoires payées par l’ONEm en cas de rupture du contrat.

Les faits

Un ouvrier à temps partiel, avec statut de maintien des droits mais ne bénéficiant pas de l’allocation de garantie de revenus, est licencié suite à la faillite de la société qui l’emploie. Il bénéficie alors d’allocations provisoires dans l’attente du versement par le Fonds de Fermeture d’Entreprises de l’indemnité compensatoire de préavis. Le Fonds verse celle-ci directement à l’ONEm, suite à une cession de créance signée par le travailleur à concurrence des allocations provisoires. Celles-ci, perçues pendant cinq semaines, s’élèvent à un montant de l’ordre de 1.100€. Le Fonds de Fermeture ne verse à l’ONEm qu’un montant inférieur (environ 670€), montant calculé sur la base de la rémunération perçue dans le cadre de l’exécution du contrat à temps partiel. L’ONEm notifie dès lors une décision de récupération de l’indu pour la différence et de récupération des allocations indûment perçues.

L’intéressé introduit un recours devant le Tribunal du travail de Charleroi.

Décision du tribunal du travail

Par jugement du 8 avril 2011, le Tribunal du travail de Charleroi déclare le recours non fondé. La décision administrative est confirmée au motif que l’intéressé n’a subi aucun préjudice par le fait de devoir rembourser la différence. S’il avait été licencié avec paiement de l’indemnité qui lui était due, il n’aurait pu bénéficier des allocations de chômage avant la fin de la période couverte par l’indemnité de rupture et celle-ci aurait correspondu à la rémunération perçue en cours de contrat.

À l’intéressé qui faisait valoir une discrimination par rapport aux bénéficiaires de l’allocation de garantie de revenus (qui perçoivent des allocations provisoires modulées en fonction de la rémunération perçue), le tribunal répond que celle-ci est inexistante, dans la mesure où il avait perçu plus que celles auxquelles il aurait pu prétendre s’il s’était trouvé dans cette situation.

Position de parties en appel

L’intéressé interjette appel, se fondant essentiellement sur la discrimination entre les deux groupes de chômeurs : ceux qui bénéficient d’une allocation de garantie de revenus se voient appliquer un système de proportionnalisation des indemnités (et ce sur la base d’une circulaire de l’ONEm du 3 mai 1999), situation qui n’est pas le cas pour les bénéficiaires du régime de maintien des droits.

L’intéressé voit également une discrimination par rapport au travailleur qui aurait pu prester son préavis. Il considère, enfin, dans le cadre du remboursement, que l’ONEm eut dû différencier l’allocation journalière correspondant au travail à temps partiel (octroyée à titre provisoire) et le solde, calculé en application du principe du maintien des droits, qui serait définitif.

Quant à l’ONEm, il considère que l’ouvrier n’a subi aucun préjudice et qu’il n’y a pas de distinction discriminatoire dans l’application de la proportionnalisation aux seuls chômeurs bénéficiant de l’allocation de garantie de revenus. Pour les autres travailleurs bénéficiant du maintien des droits, il n’y aucun désavantage particulier, l’ONEm insistant sur le fait que, en percevant un montant d’allocation de chômage provisoire plus élevé que celui dont aurait bénéficié un chômeur bénéficiaire de l’allocation de garantie de revenus, il n’a subi aucun préjudice.

Décision de la cour du travail

La cour rappelle le siège de la discussion, étant l’article 7, § 12 de l’arrêté-loi du 28 décembre 1944, qui vise l’octroi à titre provisoire des allocations de chômage, pour le travailleur qui n’a pas perçu (ou n’a perçu que partiellement) l’indemnité ou les dommages et intérêts auxquels il peut prétendre si certaines conditions sont remplies (engagement pris de réclamer ces indemnités à l’employeur ou au besoin par voie judiciaire, engagement de les rembourser, d’informer l’ONEm et de signer une cession de créance).

Cette disposition est reprise dans la réglementation chômage (article 47 de l’arrêté royal du 25 novembre 1991), celle-ci précisant que le cumul est prohibé. Pour obtenir et conserver le droit aux allocations de chômage, il faut remplir les quatre conditions de l’arrêté-loi.

La cour analyse ensuite le statut de chômeur à temps partiel avec maintien des droits, étant qu’il s’agit du cas où un chômeur accepte un emploi à temps partiel en vue d’échapper au chômage complet. Si, après la fin d’un contrat à temps partiel, le travailleur se retrouve en chômage complet, il n’y a pas de nouvel examen de son admissibilité, un système de dérogation ayant été introduit dans la réglementation, celle-ci portant d’ailleurs également sur la rémunération de référence.

Le montant de celle-ci est fixé sur la base de la dernière rémunération perçue pendant les six derniers mois précédant la demande d’allocation, et ce en vertu des articles 65 et suivants de l’arrêté ministériel du 26 novembre 1991. La réglementation exige ici que l’occupation ayant donné lieu au paiement de cette rémunération ait duré plus de quatre semaines. Cette rémunération de référence peut être revue, dans l’hypothèse d’un chômage ininterrompu pendant 24 mois mais cette revision n’intervient pas pour les travailleurs à temps partiel avec maintien des droits. Le montant des allocations dont le travailleur bénéficie est ainsi calculé sur la rémunération dont il bénéficiait avant d’être engagé à temps partiel, et ce qu’il ait ou non une allocation de garantie de revenus durant cette période d’occupation.

Pour les chômeurs bénéficiant d’une allocation de garantie de revenus, la cour rappelle que, en cas de licenciement moyennant indemnité, cette allocation disparaît (vu la cessation du contrat de travail) et que l’indemnité qui est due tient dès lors compte de la fraction d’occupation Q/S telle qu’elle figure sur le C4.

Ce n’est pas le cas de l’intéressé et, si l’ONEm applique la fraction d’occupation pour les premiers afin qu’il n’y ait pas de préjudice en cas de licenciement avec indemnité par rapport aux licenciements avec préavis, ce risque n’existe pas en l’espèce. Si le travailleur est licencié moyennant préavis, il retrouve son droit aux allocations en qualité de chômeur complet à la fin du préavis (pendant lequel il continue à bénéficier du salaire habituel). S’il est licencié avec indemnité, il retrouve son droit à l’issue de la période couverte par l’indemnité (celle-ci étant calculée sur la base de l’occupation à temps partiel).

La cour en conclut qu’il n’y a aucune raison de « proportionnaliser » l’indemnité. Il n’y a pas de discrimination et si l’intéressé voulait établir celle-ci il devrait démontrer une différenciation dans la pratique administrative de l’ONEm reposant sur des critères purement subjectifs ou déraisonnables.

Elle relève encore qu’il n’y a pas de désavantage particulier subi par l’intéressé, d’autant qu’il a ainsi perçu un montant d’allocation de chômage provisoire plus élevé que celui auquel un chômeur bénéficiaire de l’allocation de garantie de revenus aurait pu prétendre.

Il y a dès lors lieu à remboursement.

Intérêt de la décision

Cet arrêt rappelle les conditions d’octroi d’allocations provisoires suite à une rupture de contrat de travail et particulièrement les règles d’octroi et de remboursement en cas de temps partiel. La différenciation entre le régime du travailleur bénéficiant du maintien des droits (simple) par rapport à celui qui perçoit une allocation de garantie de revenus est judicieusement soulignée.


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