Terralaboris asbl

Indemnisation des périodes d’incapacité et compétence des juridictions du travail

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 5 mars 2007, R.G. 49.500

Mis en ligne le jeudi 21 février 2008


Cour du travail de Bruxelles, 5 mars 2007, R.G. 49.500

TERRA LABORIS ASBL – Sophie Remouchamps

Dans un arrêt du 5 mars 2007, la cour du travail de Bruxelles, statuant comme juridiction de renvoi après cassation, confirme qu’une demande de paiement d’arriérés de traitement et non d’indemnités prévues par la législation sur les accidents du travail ne relève pas de la compétence des juridictions du travail.

Les faits et rétroactes

Mme M. est victime d’un accident du travail le 18 septembre 1990, alors qu’elle était occupée comme institutrice maternelle dans une école relevant la Communauté française.

Les conséquences de cet accident ont été réglées par un jugement du 6 janvier 1994, fixant l’incapacité temporaire de travail du 18 septembre 1990 au 31 août 1993 et arrêtant le taux d’IPP de 12% au 1er septembre 1993.

En réalité, Mme M. n’a jamais repris le travail et a été admise à la pension prématurée définitive le 1er décembre 1997.

Pendant la période entre le 1er septembre 1993 (date de consolidation des lésions) et le 30 novembre 1997 (veille de la mise à la pension), elle a été indemnisée conformément aux règles applicables pour le congé maladie et n’a ainsi pas perçu son traitement à 100% comme cela aurait été le cas si l’incapacité avait été reconnue comme découlant de l’accident.

Elle introduisit une procédure devant le tribunal du travail, afin d’obtenir la condamnation de la Communauté française à lui verser la différence entre le traitement perçu pendant la période litigieuse et le traitement à 100%, à majorer des intérêts de retard. Cette demande se fondait sur le lien existant entre l’incapacité et l’accident du travail.

Sa demande fut accueillie par le tribunal du travail de Liège, décision confirmée par un arrêt de la cour du travail de Liège du 13 mai 2004.

La Communauté française se pourvut en cassation à l’encontre de l’arrêt, faisant valoir l’incompétence matérielle des juridictions du travail, la compétence de celle-ci ne s’étendant pas aux demandes visant des arriérés de traitement.

La Cour de cassation lui donna raison, par arrêt du 8 mai 2006. La Cour suprême relève en effet que :

  1. d’une part, les éléments du dossier indiquent que la contestation portait sur une demande d’arriérés de traitement (et intérêts) fondée sur le statut administratif et non sur les dispositions de la loi du 3 juillet 1967 ;
  2. d’autre part, la compétence des juridictions du travail au sens de l’article 579, 1°, du Code judiciaire, est limitée aux demandes relatives aux indemnités prévues par la législation sur les accidents du travail.

L’arrêt de la cour du travail de Liège est dès lors cassé et la cause renvoyée devant la cour du travail de Bruxelles.

La position des parties

Devant la cour du travail de Bruxelles, les parties ont demandé toutes deux le renvoi de la cause devant la cour d’appel.

La décision de la Cour

La Cour du travail constate que la demande vise effectivement des arriérés de traitement et ne repose pas sur les dispositions de la loi du 3 juillet 1967, de sorte qu’il ne s’agit pas d’une demande visée par l’article 579, 1° du Code judiciaire.

En application de l’article 643 du Code judiciaire, la cause est renvoyée devant la cour d’appel de Liège.

Intérêt de la décision

L’arrêt se prononce sur les limites de la compétence des juridictions du travail en matière d’accidents du travail.

Rappelons que l’article 579, 1° du Code judiciaire dispose que le tribunal du travail est compétent pour connaître des demandes relatives à la réparation des dommages résultant des accidents du travail, des accidents sur le chemin du travail et des maladies professionnelles. La Cour de cassation a adopté une interprétation restrictive de cette compétence, estimant qu’elle est limitée aux demandes relatives aux indemnités prévues par la législation sur la réparation des dommages résultant des accidents du travail et des maladies professionnelles (voy. notamment Cass., 13 déc. 2004, J.T.T., 2005, 24).

Notons que, dans le cas d’espèce, la compétence du Tribunal aurait pu (s’il y avait eu au moins un jour de travail après la consolidation) s’asseoir sur une disposition de la loi, étant l’article 3bis de la loi du 3 juillet 1967 tel que modifié par la loi du 19 oct. 1998, qui prévoit pour les membres du personnel, auxquels la loi a été rendue applicable, le bénéfice pendant la période d’incapacité temporaire jusqu’à la date de reprise complète du travail des dispositions prévues en cas d’incapacité temporaire totale par la législation sur les accidents du travail. (Pour la période antérieure à la modification légale, voir l’arrêt de la Cour d’arbitrage n° 64/2001 du 8 mai 2001).

Par ailleurs, s’il s’était agi d’un contractuel du secteur public, la compétence des juridictions du travail aurait pu s’asseoir sur l’article 578, 1° du Code judiciaire, s’agissant alors d’une contestation relative au contrat de travail.


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