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Congé parental : contrôle du motif suffisant en cas de licenciement

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 29 mai 2012, R.G. 2010/AB/1110

Mis en ligne le vendredi 31 août 2012


Cour du travail de Bruxelles, 29 mai 2012, R.G. n° 2010/AB/1110

Terra Laboris asbl

Dans un arrêt du 29 mai 2012, la Cour du travail de Bruxelles rappelle que la protection contre le licenciement en cas de congé parental permet le contrôle de la réalité d’un motif dont la nature et l’origine doivent être étrangères à la réduction du temps de travail.

Les faits

Une employée bénéficie d’un congé parental à mi-temps pour une période de quatre mois. Elle est licenciée, dans les semaines qui suivent, moyennant paiement d’une indemnité compensatoire de préavis de neuf mois de rémunération. L’employeur dépendant du secteur des assurances, elle bénéficie également d’une indemnité de stabilité d’emploi de six mois.

Elle interpelle son employeur suite à la rupture. Celui-ci fait valoir que le licenciement n’a pas de lien avec le congé parental.

Une procédure est dès lors introduite en paiement de l’indemnité de protection.

Dans le cadre de celle-ci, l’employeur introduit une demande reconventionnelle tendant au remboursement de l’indemnité versée dans le cadre de la convention de stabilité d’emploi.

Décision du tribunal du travail

Le Tribunal du travail de Bruxelles considère, par jugement du 2 février 2010, qu’il y a lieu pour la société de verser l’indemnité réclamée par l’employée. La réouverture des débats est prononcée en ce qui concerne la demande reconventionnelle.

Position de parties en appel

La société interjette appel, demandant à la cour de déclarer l’action non fondée et, subsidiairement, de condamner l’employée à rembourser l’indemnité perçue au titre de stabilité d’emploi.

Cette dernière maintient sa demande, relative à l’indemnité de protection et en fixe le montant. Elle demande qu’il soit conclu à l’irrecevabilité de la demande de la société, ou à tout le moins à son non fondement.

Décision de la cour du travail

La cour est dès lors saisie de deux questions essentielles étant, d’une part le droit de l’employée à l’indemnité de protection liée au congé parental et d’autre part la question du remboursement de l’indemnité de stabilité d’emploi versée volontairement par la société au moment de la rupture.

Sur la première question, rappelant les termes de la convention collective de travail n° 64, la cour constate avec le premier juge que l’employée a sollicité et obtenu les allocations d’interruption et qu’elle bénéficie dès lors des dispositions de l’arrêté royal du 29 octobre 1997 relatif à l’introduction d’un droit au congé parental dans le cadre d’une interruption de la carrière professionnelle. Celui-ci confère la protection visée à l’article 101 de la loi de redressement contenant des dispositions sociales du 22 janvier 1985. Examinant les règles fixées par cette disposition, la cour constate qu’elles vont s’appliquer au cas d’espèce, puisque le licenciement est intervenu en cours de période de protection. Il faut dès lors voir si l’employeur peut établir un motif dont la nature et l’origine sont étrangères à la réduction des prestations de travail. Sur le plan de la preuve, c’est la société qui a la charge de la preuve du motif suffisant, la cour du travail rappelant qu’a existé une controverse sur cette question – controverse à laquelle la Cour de cassation a mis un terme par arrêt du 14 janvier 2008 (Cass., 14 janvier 2008, S.07.0049.N rendu à propos de la CCT n° 77bis).

En l’espèce, il résulte de l’ensemble des pièces produites que les rapports d’évaluation ne font apparaître aucun manquement professionnel et que des griefs relatifs à un agacement, une nonchalance, … ne sont pas sérieux. En conséquence l’indemnité est due, l’employeur restant en défaut d’établir le motif requis.

Sur la deuxième question, étant le remboursement de l’indemnité de stabilité d’emploi, il s’agit d’une action en répétition d’indu.

La cour constate que les procédures prévues en matière de stabilité d’emploi et en matière de garantie de l’emploi n’ont pas été respectées, ce qui rend exigible l’indemnité de stabilité d’emploi. Il n’y a dès lors pas de paiement sans cause.

Reste à examiner la question du non-cumul prévu par la convention collective et la cour relève que celui-ci vise une interdiction de cumul avec le bénéfice d’une autre disposition en la matière (la cour soulignant). L’interdiction de cumul concerne dès lors d’autres indemnités en matière de stabilité d’emploi ou de garantie de l’emploi. Il ne s’agit pas d’interdiction de cumul avec d’autres indemnités de protection. Ceci aboutirait, comme le relève la cour, à une situation paradoxale voire discriminatoire par rapport à d’autres situations et celles-ci n‘ont pas pu être voulues par les signataires de la convention collective.

En conséquence, la disposition n’ayant pu exclure le cumul de l’indemnité de protection avec une indemnité due en matière de garantie et de stabilité d’emploi, la demande de la société n’est pas fondée.

Intérêt de la décision

Cet arrêt de la Cour du travail de Bruxelles rappelle à juste titre que la Cour de cassation a mis un terme à la controverse relative à la charge de la preuve du motif suffisant en cette matière (l’arrêt ayant été rendu dans le cadre de la CCT n° 77bis). La cour examine dès lors l’existence de motifs dûment avérés et, en leur absence, fait droit à la demande.

Elle conclut également assez logiquement à l’absence d’interdiction de cumul entre l’indemnité prévue par la convention d’entreprise avec d’autres indemnités de protection instaurées à un autre niveau dans la hiérarchie des normes.


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