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Pension de retraite : preuve des périodes pouvant être assimilées (incapacité de travail)

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 23 mai 2012, R.G. 2010/AB/1.160

Mis en ligne le vendredi 26 octobre 2012


Cour du travail de Bruxelles, 23 mai 2012, R.G. n° 2010/AB/1.160

Terra Laboris asbl

Dans un arrêt du 23 mai 2012, la Cour du travail de Bruxelles rappelle les règles de preuve en matière d’assimilation pour l’octroi d’une pension de retraite de périodes d’incapacité de travail pour maladie ou invalidité.

Les faits

Une dame C. bénéficie d’une pension de retraite anticipée. Elle sollicite l’octroi d’une pension de survie et l’ONP lui signale, en lui communiquant le montant de celle-ci, que la pension de retraite fait obstacle au paiement.

Elle introduit un recours en révision quelques mois plus tard et après avoir procédé à un nouveau calcul de la pension de retraite (la carrière étant augmentée d’une unité), l’ONP réajuste celle-ci et confirme l’impossibilité légale de payer la pension de survie.

Un recours est introduit, dans le cadre duquel la carrière est encore augmentée de deux unités (aboutissant à une fraction de 41/44es). Le tribunal du travail constate que subsiste un reliquat de carrière contesté, concernant les années 67-68-69 et 73, années qui ont également une répercussion sur le calcul de la pension de survie. Il déclare cependant la demande non fondée.

Un recours est introduit devant la Cour du travail de Bruxelles, portant essentiellement sur l’assimilation des années 67 à 69.

Décision de la cour du travail

La cour rappelle les conditions d’assimilation de périodes d’incapacité de travail pour cause de maladie ou d’invalidité reprises à l’article 34, § 1, B, de l’arrêté royal du 21 décembre 1967. Celui-ci détermine les conditions de prise en compte, étant que le travailleur doit avoir bénéficié pour celles-ci des indemnités prévues par la législation en matière d’assurance maladie-invalidité (ou de protection de la maternité) et doit relever exclusivement du secteur des travailleurs salariés du chef de sa dernière activité professionnelle précédant la période d’incapacité de travail (ou de protection de maternité).

En l’occurrence, l’intéressée a été en incapacité de travail pendant la période considérée et la cour rappelle qu’elle a la charge de la preuve de son indemnisation dans le cadre du secteur de l’assurance maladie-invalidité.

Vu l’argumentation de l’ONP, elle reprend l’enseignement de la Cour de cassation dans un arrêt du 9 novembre 2009 (Cass., 9 novembre 2009, n° S.080128.F), relatif à la preuve de l’occupation ouvrant des droits à la pension de retraite. Dans cet arrêt, la Cour a jugé que la preuve de l’occupation ne peut être établie par un simple extrait d’une fiche d’assurabilité émanant d’un organisme assureur, au motif que cela impliquait également que des cotisations sociales avaient été retenues par l’employeur aux fins d’être versées à l’ONSS et réparties entre les différents secteurs de la sécurité sociale. Cet arrêt, invoqué par l’ONP est, pour la cour, sans intérêt dans la mesure où il concerne la preuve d’une période d’occupation et non la preuve d’une période assimilée. La cour relève également que les dispositions en cause sont distinctes : dans l’arrêt de la Cour de cassation, seul l’article 32, § 1er, b) de l’arrêté royal du 21 décembre 1967 est visé, tandis qu’en l’espèce, il s’agit de l’article 34. La cour retient que celui-ci ne restreint pas les modes de preuve, de telle sorte qu’il peut être fait référence à toute pièce utile, dans la mesure où elle susceptible d’apporter une preuve certaine.

La cour se penche dès lors sur tous les éléments pouvant être retenus et elle retient particulièrement l’avis de l’auditorat du travail rendu dans une affaire ayant opposé précédemment l’intéressée à l’ONEm. Ce litige concernait une question d’admissibilité dans le régime d’indemnisation des chômeurs ayant été occupés dans un emploi à temps réduit volontaire ou dans le régime des allocations entières. Après avoir rappelé de manière très détaillée les dispositions applicables à l’époque, la cour constate avec le ministère public qu’une attestation de la mutuelle avait été produite à l’époque et qu’elle faisait apparaître l’existence d’un nombre important de demi-journées indemnisées pendant la période concernée. Elle en conclut que de manière ininterrompue l’intéressée a pu bénéficier des indemnités prévues par la législation en matière d’assurance maladie-invalidité. La question des « demi-journées » indemnisées ne visait que la prise en compte des journées prestées en vue de l’admissibilité au bénéficie des allocations de chômage et la cour en conclut qu’il y a eu constatation d’une indemnisation pendant un nombre de journées déterminé (qui couvre d’ailleurs toute la période pour laquelle la demande est actuellement formée d’assimilation en vue du calcul de la pension de retraite). Constatant que l’indemnisation par la mutuelle est confirmée à suffisance de droit, la cour considère que la preuve est apportée du bien-fondé de la demande.

Elle charge l’ONP de procéder à un nouveau calcul en tenant compte de cette période assimilée.

Intérêt de la décision

Dans son arrêt du 9 novembre 2009, la Cour de cassation avait considéré que la production d’un document attestant que des cotisations ont été retenues dans un autre secteur (en l’occurrence AMI) ne constitue pas la preuve nécessaire et suffisante que des cotisations ont été retenues en vue d’établir l’existence d’une occupation donnant ouverture au droit à la pension de retraite. Elle avait, dès lors, cassé un arrêt de la Cour du travail de Mons du 19 juin 2008, qui avait estimé la preuve rapportée de ce fait.

Dans cet arrêt du 23 mai 2012, la Cour du travail de Bruxelles rappelle que cet enseignement est limité à l’article 32, § 1er, b) de l’arrêté royal du 21 décembre 1967, relatif aux périodes d’occupation permettant de constituer la carrière du travailleur salarié et non aux périodes assimilées, admises par l’article 34, § 1er, B du même arrêté royal, qui ne contient pas de restrictions quant aux modes de preuve pouvant être produits. En l’espèce, la cour du travail a considéré cette preuve suffisamment établie du fait de la reconnaissance de l’indemnisation par la mutuelle pendant la période dont l’intéressée demandait l’assimilation.


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