Terralaboris asbl

Notification d’un congé avec préavis nul : quid en cas de poursuite des prestations ?

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 11 juillet 2012, R.G. 2011/AB/676

Mis en ligne le lundi 29 octobre 2012


Cour du travail de Bruxelles, 11 juillet 2012, R.G. n° 2011/AB/676

Terra Laboris asbl

Dans un arrêt du 11 juillet 2012, la Cour du travail de Bruxelles, rappelle qu’en cas de congé irrégulier (préavis nul) il appartient au travailleur d’invoquer (ou non) la résiliation immédiate du contrat. La poursuite des prestations est une renonciation à se prévaloir du congé avec effet immédiat.

Les faits

Une employée est licenciée pour motif économique, ainsi que ceci est exposé sur sa lettre de licenciement. Celle-ci, non recommandée, datée du 8 février 2008, fait débuter le préavis le 1er du mois.

L’intéressée continue à prester jusqu’à ce que, après un courrier de son organisation syndicale en date du 29 avril 2008, constatant la nullité du préavis et invitant l’employeur à procéder à une nouvelle notification avec paiement d’une indemnité de trois mois, elle arrête ses prestations à dater du 2 mai.

L’employeur réagit le 13 mai, s’étonnant de l’absence à partir du 2 mai et demandant que l’intéressée se représente au travail. Il signale qu’en s’absentant, l’employée rompt de façon unilatérale le contrat de travail et qu’elle serait elle-même contrainte de la licencier pour faute grave.

Une procédure est lancée en avril 2009 par l’employée, qui demande condamnation de la société au paiement d’une indemnité compensatoire de préavis ainsi que de sommes annexes.

Par jugement du 14 juin 2011, elle est déboutée de sa demande, hors sur une question de jours de congé.

Appel est interjeté.

Position des parties en appel

Les parties ont poursuivi leurs relations professionnelles après le congé irrégulier et leur opinion diverge en ce qui concerne les conséquences à donner à ceci.

La travailleuse considère que, puisqu’elle ne s’est pas prévalue du congé, soit il y a eu un nouveau contrat de travail soit le contrat initial s’est poursuivi. Elle signale avoir arrêté de travailler après le 1er mai 2008 eu égard à l’indication donnée par l’employeur que le poste de travail serait supprimé à cette date.

Pour la société, cependant, l’employée ayant renoncé à se prévaloir du congé immédiat, elle ne peut plus réclamer d’indemnité compensatoire et, par ailleurs, ne s’étant plus présentée au travail et n’ayant pas réagi à la lettre de l’employeur, la rupture lui est imputable.

Décision de la cour du travail

La cour est amenée à rappeler les principes régissant la rupture du contrat de travail avec préavis et, particulièrement, la distinction entre les règles concernant la régularité du congé et celles assurant la validité du préavis.

Le congé étant l’acte par lequel une partie à un contrat de travail notifie à l’autre sa volonté de mettre fin au contrat, elle reprend la jurisprudence constante de la Cour de cassation selon laquelle aucune disposition légale ne subordonne la validité de celui-ci à des règles de forme déterminées (voir notamment Cass., 28 janvier 2002, S.00.0014.F).

La question se posant des effets d’un préavis nul, la cour rappelle, toujours en invoquant la jurisprudence de la Cour suprême (dont Cass., 28 janvier 2008, S.07.0097.N) que dans cette hypothèse le congé est donné sans préavis valable de sorte qu’en principe il est mis fin immédiatement au contrat de travail. En fonction de l’attitude adoptée par l’employeur et le travailleur postérieurement à la notification du congé avec préavis irrégulier (attitude permettant de penser que le congé n’est pas immédiat), le juge peut considérer, après un délai raisonnable qu’ils ont renoncé à leur droit de se prévaloir du congé immédiat ainsi notifié. Le contrat de travail va dès lors subsister jusqu’à ce qu’il y soit mis fin autrement, puisque c’est la partie à qui le congé immédiat est donné (avec préavis nul) qu’il incombe d’invoquer ou non la résiliation immédiate du contrat. Enfin, si elle renonce à invoquer le congé immédiat, ceci n’implique pas renonciation à la nullité absolue du préavis ou au droit d’invoquer celle-ci.

Examinant ces principes eu égard aux éléments de l’espèce, la cour constate qu’il n’est pas contesté que la notification du préavis est irrégulière et que, par contre, le congé subsiste.

Pour la cour, vu le non respect de l’article 37, § 2, alinéa 4 de la loi du 3 juillet 1978, concernant les exigences de régularité du préavis, le congé devait sortir ses effets de manière immédiate et, les prestations ayant été poursuivies pendant près de trois mois, l’on peut conclure que l’intéressée a renoncé à se prévaloir du congé avec effet immédiat.

Il faut, en conséquence, déterminer une autre date de rupture, ainsi que l’auteur de celle-ci.

A cet égard, l’employée ne peut se référer aux mentions de la lettre de congé du 8 février 2008, contenant une fin de prestation de préavis au 1er mai. Les arrêts de la Cour de cassation exposent en effet les conséquences de la nullité de la notification du préavis, étant que si celui-ci est nul l’on ne peut aller puiser comme date de fin du contrat l’échéance annoncée pour le préavis. D’un autre côté, la société n’établit pas que, à partir du moment où l’intéressée ne s’est plus présentée, il y a rupture du contrat de travail qui lui est imputable. L’absence au travail ne peut impliquer une volonté de rompre le contrat de travail.

La cour considère cependant que des effets peuvent malgré tout être donnés au contenu de la lettre de l’employeur du 8 février 2008, étant l’annonce de la suppression du poste de travail et qu’il s’agit d’une information qui peut se trouver confirmée dans les faits. Par ailleurs, ayant par l’intermédiaire de son syndicat demandé qu’une nouvelle notification de rupture intervienne, et ce dans le courrier qui fut envoyé en date du 29 avril 2008, l’intéressée a exprimé sa position selon laquelle le contrat ne serait pas rompu.

Il faut dès lors, pour la cour, définir dans la période ultérieure, soit à partir du 1er mai 2008, la portée de certains actes posés. Aussi demande-t-elle aux parties de s’expliquer sur le sens des propos tenus notamment par l’employeur dans sa lettre du 13 mai 2008 signalant qu’il était obligé de licencier l’employée pour faute grave et sans aucune indemnité de rupture, de même que dans un courrier ultérieur, envoyé le 23 mai 2008, constatant officiellement la rupture du contrat, mais avec effet au 30 avril. C’est dès lors l’un ou l’autre de ces deux courriers qui est susceptible de constituer l’acte de rupture et la cour ordonne une réouverture des débats à cette fin, ainsi que sur la question de déterminer l’auteur de cette rupture.

Intérêt de la décision

Cet arrêt de la Cour du travail de Bruxelles tente, à partir de faits apparemment peu complexes, de répondre à deux questions essentielles, étant d’une part la détermination de l’auteur de la rupture et la date à laquelle celle-ci est intervenue, dans l’hypothèse où malgré un congé donné avec un préavis irrégulier, l’employée a renoncé à se prévaloir de cette irrégularité en poursuivant ses prestations de travail. La rupture est nécessairement intervenue ultérieurement, mais quand ? Et à l’initiative de qui ?

Cette situation indique qu’il faut, dans une telle hypothèse, faire preuve de la plus grande prudence.


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