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Quand faut-il faire valoir une inaptitude au travail de 33% au moins dans le cadre de la procédure d’activation des chômeurs ?

Commentaire de C. trav. Liège, sect. Namur, 6 mars 2012, R.G. 2011/AN/130

Mis en ligne le mercredi 5 décembre 2012


Cour du travail de Liège, section de Namur, 6 mars 2012, R.G. n° 2011/AN/130

Terra Laboris asbl

Dans un arrêt du 6 mars 2012, la Cour du travail de Liège, sect. Namur, examine les obligations légales et réglementaires à charge de l’ONEm dans l’hypothèse où le chômeur entend être dispensé de la procédure de contrôle de la recherche active d’emploi pour raisons médicales.

Les faits

Dans le cadre d’un contrat d’activation, un chômeur signale des problèmes de santé lors de la conclusion d’un premier contrat. Il dépose un certificat médical et est convoqué par le médecin agréé par l’ONEm. Celui-ci ne constate pas une inaptitude de 33% au moins, celle-ci étant selon lui limitée à 20% et concernant les travaux lourds et de manutention. Le rejet de la demande est notifié par l’ONEm.

Quelques mois plus tard un nouveau certificat est introduit, faisant état d’une aggravation. L’examen médical auquel procède le médecin agréé conclut à l’absence d’éléments nouveaux. La décision précédente est confirmée. L’intéressé est informé par l’ONEm.

Intervient alors l’évaluation prévue lors du deuxième entretien. Celle-ci étant négative, un deuxième contrat d’activation est signé et une décision est prise réduisant pendant quatre mois les allocations de chômage.

Un recours est introduit devant le Tribunal du travail de Namur qui, par jugement du 14 juillet 2011, considère que, les décisions médicales n’ayant pas été contestées, elles sont définitives et qu’il n’y a plus lieu de solliciter une mesure d’expertise quant à l’inaptitude au travail. La décision administrative est également confirmée, vu le non respect du premier contrat d’activation.

Position de parties en appel

L’intéressé interjette appel, considérant que les éléments médicaux qu’il produit sont de nature à établir de manière certaine une inaptitude de plus de 33%. Il produit également une attestation de son organisme assureur, confirmant la prise en charge dans le secteur de l’assurance indemnités depuis plusieurs mois. Son dossier fait également état d’une aggravation de la douleur.

Quant à l’ONEm, il sollicite la confirmation pure et simple du jugement.

Décision de la cour du travail

La cour constate que le litige se focalise sur une seule question, étant de savoir s’il y a ou non 33% ou plus d’inaptitude (temporaire ou permanente), permettant à l’intéressé d’échapper à la procédure d’activation. S’est greffée sur cette question celle du caractère définitif ou non des décisions médicales, vu qu’elles n’ont pas fait l’objet d’une contestation par la voie d’un recours.

La cour du travail aborde l’examen du litige à partir de la Charte de l’assuré social. Elle reprend également l’article 7, § 11, alinéa 2 de l’arrêté royal du 28 décembre 1944 concernant la sécurité sociale des travailleurs, relatif aux délais de recours contre les décisions prises sur les droits résultant de la réglementation du chômage. En ce qui concerne la motivation formelle, elle reprend l’obligation de l’article 2 de la loi du 29 juillet 1991 et, dans le texte de l’arrêté royal du 25 novembre 1991, elle pointe les articles 26bis (concrétisant les obligations en matière de notification des décisions telles que fixées dans la Charte), 59bis (relatif à l’exemption de la procédure de suivi du comportement de recherche active d’emploi) ainsi que 59septies (possibilité de recours administratif) et 59nonies (prévoyant la nullité de l’entretien d’évaluation si le chômeur justifie d’une inaptitude permanente au travail de 33% au moins, inaptitude admise par le médecin affecté au bureau de chômage). La cour relève que l’arrêté royal ne prévoit pas que le directeur prenne une décision à la suite de l’examen médical et qu’il ne fait que préciser la procédure portant sur la mise en œuvre des formalités préalables à celui-ci.

Appliquant l’ensemble de ces règles, la cour pose le principe qu’une décision prise par le médecin agréé et notifiée par l’ONEm (qui la fait sienne) est un acte juridique unilatéral soumis à l’obligation de motivation. En conséquence un recours doit pouvoir être ouvert lorsque le chômeur conteste la décision médicale. Or, celle-ci doit non seulement être adéquatement motivée mais en plus comporter les mentions prévues par la réglementation et notamment indiquer les voies et délais de recours. A défaut, le délai pour contester la décision ne prend pas cours. Dans la mesure où l’activation est une des conditions d’octroi des allocations et où l’inaptitude justifie une dispense de celle-ci, la décision qui s’y rapporte doit comporter les mentions figurant à l’article 4bis de l’arrêté ministériel du 26 novembre 1991 et à l’article 14 de la Charte de l’assuré social. A défaut, le délai de recours ne prend pas cours et le destinataire de la décision peut former celui-ci à tout moment.

La cour relève qu’en outre le chômeur peut contester ultérieurement la décision médicale et même demander un nouvel examen médical en cours de procédure. Il s’agit dans cette hypothèse d’une nouvelle demande d’examen et les effets en seront réglés par les dispositions réglementaires correspondantes. Elle renvoie à la doctrine (J.-Fr. NEVEN et E. DERMINE, « Le contrôle de l’obligation de l’obligation pour les chômeurs de rechercher activement un emploi », in Actualités de droit social – Revenu d’intégration sociale, activation chômage et règlement collectif de dettes (J. CLESSE et M. DUMONT, dir.), Formation permanente de la Commission Université Plais, vol. 116, Anthémis, 2010, p. 45, spéc. p. 58, n° 14) qui a rappelé que la constatation d’une inaptitude de 33% peut intervenir à tous les stades de la procédure.

Le jugement ne pouvait dès lors refuser le droit à l’expertise.

La cour va ensuite examiner la situation de l’intéressé eu égard à l’existence d’une inaptitude d’au moins 33%. Elle constate qu’il s’agit de lombalgies et qu’il est d’ailleurs à charge de sa mutuelle depuis plusieurs mois. Eu égard aux dispositions réglementaires, elle considère que s’il devait s’avérer que l’intéressé justifie d’une inaptitude permanente de 33% (depuis le début de la procédure ou ultérieurement), celle-ci devrait être annulée. Dans l’hypothèse d’une inaptitude temporaire, l’incidence serait différente, ses effets étant régis par les articles 59bis, § 2, 59septies, § 2, alinéa 3 et 59nonies de l’arrêté royal.

La cour va encore rappeler ce qu’il faut entendre par inaptitude au sens de la réglementation chômage, étant que celle-ci renvoie à l’incapacité économique et qu’elle doit être déterminée en fonction de la réduction de capacité de gain de ce qu’une personne de même condition ou de même formation peut gagner par son travail, et ce dans le groupe de professions dans lequel se range son activité professionnelle ou dans les diverses professions qu’elle a ou aurait pu exercer vu sa formation. Il ne s’agit dès lors pas d’une évaluation du B.O.B.I. L’expert doit permettre au juge d’évaluer les répercussions de l’incapacité sur les possibilités de la victime d’être occupée au travail sur le marché du travail (de nombreuses références à la doctrine étant faites).

La cour va dès lors désigner un expert.

Intérêt de la décision

Fort importante réflexion de la Cour du travail de Liège, Sect. Namur, dans la situation qui lui est soumise, relative au droit de contester l’évaluation faite par le médecin agréé par l’ONEm en ce qui concerne l’inaptitude de 33% au moins permettant au chômeur d’être exempté de la procédure de contrôle de la recherche active d’emploi.

La cour y examine également les notions d’inaptitude temporaire et d’inaptitude permanente, rappelant plus précisément qu’il s’agit d’une réduction de potentiel économique.


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