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Qu’entend-on par résidence en matière d’accident sur le chemin du travail ?

Commentaire de Trib. trav. Charleroi, 6 septembre 2006, R.G. 170.968/A

Mis en ligne le vendredi 22 février 2008


Tribunal du travail de Charleroi, 6 septembre 2006, RG n° 170.965/A

TERRA LABORIS ASBL – Sophie Remouchamps

Dans un jugement du 6 septembre 2006, le tribunal du travail de Charleroi a été saisi de la question de savoir si un séjour occasionnel chez un membre de la famille pouvait conférer à ce lieu le sens de résidence au sens légal.

Les faits

Une employée d’une grande surface devait se rendre à son lieu de travail exceptionnellement, à 6hrs du matin, aux fins d’effectuer des inventaires.

Elle s’organisa, en conséquence, devant également trouver une solution pour la garde de son enfant dont elle s’occupait seule. Elle se rendit, ainsi, chez sa sœur, la veille et y logea. Ce faisant, elle se rapprochait de son lieu de travail et solutionnait le problème de garde, la sœur de l’intéressée pouvant s’occuper de l’enfant jusqu’à l’heure de l’ouverture de l’école.

L’intéressée quitta le domicile de sa sœur le matin aux fins de se rendre au travail et sortit par l’arrière de la maison. Elle trébucha sur un arbuste, se tordit le pied et tomba sur le bras.

Néanmoins, elle monta dans son véhicule et se rendit au travail où elle arriva peu avant 6hrs.

Elle effectua sa tâche de travail, espérant que les douleurs s’apaisent.

Le certificat médical remis indiquait une contusion avec une période d’incapacité de travail qui dura trois semaines.

La position des parties

L’entreprise d’assurances considérait que l’accident en cause ne pouvait être pris en charge, vu qu’il ne répondait pas à la notion d’accident sur le chemin du travail, puisqu’il était survenu au domicile de la sœur de la victime, où celle-ci avait logé exceptionnellement, à l’arrière de l’habitation dans un endroit non visible de la voie publique.

L’intéressée considérait, de son côté, qu’elle se trouvait sur le chemin du travail, le domicile de sa sœur pouvant être qualifié de résidence.

La position du tribunal

Le tribunal rappelle, sur le plan des principes, que l’article 8 de la loi définit le chemin du travail comme celui couvrant le trajet normal que le travailleur doit parcourir pour se rendre de sa résidence au lieu d’exécution du travail et inversement.

La notion de résidence sera une notion de fait, la loi ayant voulu donner au chemin du travail l’interprétation la plus large. La résidence est, au sens de cette disposition, même plus large que dans d’autres matières sociales, afin de s’étendre aux situations généralement vécues par le travailleur et à d’autres circonstances relevant des nécessités de la vie sociale ou du mode d’organisation de la vie familiale, etc.

Le tribunal rappelle que la jurisprudence admet qu’il y a résidence au sens légal même en cas de séjour occasionnel. Dans cette hypothèse, il y a lieu de vérifier l’intention claire du travailleur d’y fixer sa résidence même temporairement, à savoir l’existence d’un lien stable ou durable ou régulier, ce qui est renforcé en cas de nécessité.

Appliquant ces critères au cas d’espèce, le tribunal relève l’intention claire et sans équivoque de l’intéressée de fixer sa résidence chez sa sœur pendant la nuit qui a précédée l’accident sur le chemin du travail, rappelant qu’elle pratiquait de la même manière, sinon fréquemment, mais en tout cas régulièrement puisque deux fois par an, elle était tenue de se rendre au travail pour un motif d’inventaire, à une heure très avancée, situation qu’il y avait lieu de concilier avec les exigences de la garde de son enfant. La garderie n’ouvrant ses portes qu’à 7hrs du matin, les dispositions prises par la mère avaient été rendues nécessaires.

Le tribunal relève également que le chemin du travail n’est pas limité à la voie publique mais inclut le parcours que le travailleur peut être amené à effectuer à l’intérieur de sa propriété. En l’occurrence, l’intéressée avait expliqué qu’elle était sortie par l’arrière de la maison en passant par le jardin pour rejoindre son véhicule. Etant dans le noir, elle s’écarta du sentier et heurta l’arbuste en cause, perdant ainsi l’équilibre et faisant une chute sur son bras gauche.

Pour le tribunal, le fait de tomber entre la porte arrière de la maison et le véhicule, sur le trajet se situant encore dans le jardin, n’exclut pas que l’intéressée se soit déjà trouvée sur le chemin du travail.

Relevons enfin qu’un troisième point de droit est examiné, à savoir les éléments de preuve de l’accident, puisque dans les circonstances décrites ci-dessus, il est évident que la victime n’avait que ses propres déclarations. Le juge considère, sur ce point, que l’absence de témoins directs n’a pas en soi de conséquence et que la preuve des faits peut résulter de la déclaration de la victime lorsqu’il existe des présomptions concordantes qui la confirment, étant que la version de la victime peut représenter la réalité, la mauvaise foi ne pouvant être présumée.

Intérêt de la décision

La décision est intéressante à trois égards :

  1. elle admet que peut constituer une résidence au sens légal, le domicile d’un membre de la famille chez qui le travailleur a logé pour des circonstances rendues nécessaires ;
  2. le chemin du travail commence dès que le travailleur a quitté son habitation (ou sa résidence), de telle manière qu’il peut se trouver sur le chemin du travail avant d’être sur la voie publique.
  3. enfin, la délicate question des accidents survenus sans témoins est réglée selon les principes généralement admis, étant que la mauvaise foi de la victime ne se présume pas. Il appartient au juge d’apprécier si les éléments qui lui sont soumis constituent un faisceau de présomptions graves, précises et concordantes.

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