Terralaboris asbl

Accident du travail et obligations relatives au renouvellement / entretien des appareils de prothèse et d’orthopédie

Commentaire de C. trav. Mons, 26 juin 2012, R.G. 2011/AM/47

Mis en ligne le mercredi 2 janvier 2013


Cour du travail de Mons, 26 juin 2012, R.G. n° 2011/AM/47

Terra Laboris asbl

Dans un arrêt du 26 juin 2012, la Cour du travail de Mons rappelle le mécanisme des articles 28, 28bis et 65 de la loi du 10 avril 1971 sur les accidents du travail, dans l’hypothèse de l’absence d’entérinement d’un accord-indemnité par le FAT relatif à l’indemnité supplémentaire.

Les faits

Dans le cadre du règlement des séquelles d’un très grave accident, un accord-indemnité est refusé par le Fonds des accidents du travail. La contestation porte essentiellement sur l’importance de l’aide de tiers, admise à 75% mais ne reflétant pas les besoins réels de la victime de l’accident.

Une procédure est dès lors introduite devant le Tribunal du travail de Bruxelles, qui va entériner l’accord, réservant cependant à statuer sur l’aide de tiers. Il octroie diverses prothèses, dont des fauteuils roulants, une chaise douche, un coussin anti-escarres, …

Le tribunal condamne également l’entreprise d’assurances, par un jugement ultérieur, à une indemnité pour aide de tiers, conforme à celle contenue dans l’accord. Il s’agit de 75% du RMMG d’un temps plein multiplié par douze.

L’intéressé fait ultérieurement parvenir à l’assureur-loi un devis relatif à l’aménagement d’un véhicule pour la conduite par une personne handicapée. Il s’agit d’un accélérateur électronique, d’une ceinture de sécurité harnais fixe, d’un siège conducteur électrique avant-arrière et d’un frein principal à main droite. Le devis est accepté et payé.

L’entreprise d’assurances écrit ultérieurement au Fonds des accidents du travail, donnant le détail des appareils de prothèse qu’elle a pris en charge, et ce dans le cadre du transfert du capital auquel elle est tenue. Elle demande l’accord du FAT sur les fiches d’appareillage.

Le Fonds des accidents du travail conteste, en réponse, certains postes, relatifs à la fréquence de renouvellement ou à la nature du matériel.

La question n’est pas réglée et trois ans plus tard, l’entreprise d’assurances signe avec la victime un accord-indemnité concernant les frais probables de renouvellement et d’entretien des appareils de prothèse et d’orthopédie. Celui-ci est soumis au FAT qui, beaucoup plus tard encore (trois ans et demi), le refuse et décide de mettre fin à la procédure d’entérinement.

L’intéressé introduit, ensuite, un nouveau devis pour l’aménagement de son véhicule et l’entreprise d’assurances lui rétorque que c’est au FAT d’intervenir, l’accident étant survenu avant 1988 et le délai de revision étant expiré.

Une procédure est dès lors introduite le 2 mai 2007 devant le Tribunal du travail de Mons. Elle porte sur la demande de paiement de frais d’adaptation du véhicule, considérée comme renouvellement des prothèses, ainsi que sur 1€ provisionnel visant le coût d’acquisition du véhicule et la surprime de la police R.C. et encore (prudemment) sur le coût d’acquisition d’un véhicule futur. La procédure concerne à la fois l’entreprise d’assurances et le Fonds des accidents du travail.

Dans le cadre de la procédure, le FAT introduit une demande incidente contre l’entreprise d’assurance, sur pied de l’article 28bis de la loi, aux fins d’obtenir que celle-ci établisse le calcul du capital nécessaire au renouvellement de tous les appareils de prothèse et d’orthopédie repris dans le jugement et dans l’accord-indemnité complémentaire.

Décision du tribunal du travail

Par jugement du 2 décembre 2010, le tribunal du travail statue sur la demande principale, condamnant l’assureur-loi, conformément à l’article 28bis de la loi, au coût du renouvellement et de la réparation des appareils de prothèse nécessités par l’accident, coût à prendre en charge par le FAT après versement par l’assureur-loi de l’indemnité supplémentaire. Il détaille également les éléments constitutifs de celle-ci, étant les prothèses telles que reprises dans le jugement, ainsi que les prothèses « adaptation du véhicule » et par analogie un deuxième coussin anti-escarres.

Appel est interjeté par l’assureur-loi, qui demande que lui soit donné acte, dans le cadre de l’article 28bis de la loi du 10 avril 1971, de l’établissement du calcul des capitaux nécessaires au renouvellement des appareils prévus dans le jugement rendu par le tribunal, uniquement.

Décision de la cour du travail

La cour rappelle le mécanisme légal, étant le droit de la victime, en vertu de l’article 28 de la loi, aux soins médicaux, chirurgicaux, pharmaceutiques et hospitaliers. Cet article a été complété d’un article 28bis, introduit par l’arrêté royal 530 du 31 mars 1987, organisant la répartition entre l’entreprise d’assurances et le Fonds des accidents du travail des obligations de prise en charge du coût, de l’entretien et du renouvellement des appareils de prothèse et d’orthopédie, et ce selon que l’accident est intervenu avant le 1er janvier 1988 ou à partir de cette date. La cour rappelle que, pour le renouvellement et la réparation des appareils, une indemnité supplémentaire doit être versée par l’assureur au FAT dans le mois suivant l’homologation ou l’entérinement de l’accord-indemnité ou la décision statuant sur les séquelles, coulée en force de chose jugée. La cour rappelle qu’il y a une distinction à opérer entre l’octroi des appareils de prothèse et leur renouvellement ou entretien. Se pose, en l’espèce, un litige relatif à ceux-ci, l’intéressé ne demandant pas de nouvelles prothèses.

La cour rappelle que le FAT disposait d’un délai de trois ans pour prendre position après l’accord-indemnité signé par les parties fixant cette indemnité supplémentaire relative aux frais probables de renouvellement et d’entretien. Ce délai a été dépassé. Il appartenait dès lors, pour la cour, en application de l’article 65 de la loi, à la partie la plus diligente de saisir les tribunaux (la cour relevant que l’article 65 ne prévoit pas de délai pour ce faire). A défaut d’entérinement de l’accord, la cour relève que l’entreprise d’assurances n’est pas exonérée de constituer le capital en vue du renouvellement et de l’entretien des appareils reconnus nécessaires, et ce pour les adaptations du véhicule dont elle a pris le coût en charge.

En ce qui concerne l’indemnité, le barème est fixé à l’article 35bis de l’arrêté royal du 21 décembre 1971 portant exécution de certaines dispositions de la loi du 10 avril 1971 : elle doit être versée dans le délai ci-dessus. Il s’en déduit que la condamnation de l’assureur à effectuer ce transfert ne peut intervenir si l’indemnité n’a pas été elle-même fixée, que ce soit par accord-indemnité ou par décision judiciaire. Reste dès lors à fixer ce montant et la cour ordonne une réouverture des débats sur ce point.

Elle statue également sur l’appel incident, relatif aux appareils eux-mêmes. Renvoyant à l’article 35 de la l’arrêté royal ci-dessus, elle relève que sont considérés comme appareils de prothèses ou d’orthopédie : (i) la prothèse proprement dite ou l’appareil orthopédique proprement dit, (ii) tous les appareils fonctionnels et (iii) l’appareil de réserve, en fonction de la nature des lésions.

Elle revient ensuite sur la jurisprudence de la Cour de cassation (dont Cass., 22 juin 2009, Pas., 2009, p.1633) sur la notion de prothèse et d’orthopédie : il s’agit des moyens d’assistance artificiels dont une personne valide n’a pas besoin et qui sont nécessaires, à la suite d’un accident du travail, pour soutenir ou remplacer des parties du corps déficientes ou affaiblies ou encore pour en favoriser l’usage ou les fonctions. Sont à considérer comme telles les transformations apportées au véhicule, puisqu’ils permettent de rétablir de manière limitée les possibilités de déplacement. Quant au véhicule lui-même, il ne s’agit pas d’un moyen technique dont une personne valide n’a pas besoin et la surprime d’assurance R.C. ne peut davantage être considérée comme telle. Même s’il s’agit de frais qui sont les conséquences de l’accident du travail, ils ne sont pas prévus dans le système de réparation forfaitaire légal.

Intérêt de la décision

Dans cette longue saga (l’accident datant du 20 juin 1985), la cour du travail met un terme au volet du dossier relatif aux prothèses, rappelant le mécanisme légal à cet égard. Il s’agit d’un accident antérieur au 1er janvier 1988, pour lequel le coût des appareils de prothèse et d’orthopédie est à charge de l’assureur jusqu’à la date de l’homologation ou de l’entérinement de l’accord (ou de la décision judiciaire) uniquement. Le litige concerne les obligations respectives de l’entreprise d’assurances et du FAT et, en l’occurrence, vu le refus tardif d’entérinement formulé par le FAT en ce qui concerne l’indemnité supplémentaire, la cour rappelle que d’une part la partie la plus diligente doit saisir le juge (sans qu’un délai ne soit fixé dans la loi) et que l’assureur a l’obligation de constituer un capital, malgré l’absence d’entérinement.


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