Terralaboris asbl

Pension de retraite : point de départ et règles de prescription

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 6 septembre 2012, R.G. 2011/AB/979

Mis en ligne le mercredi 2 janvier 2013


Cour du travail de Bruxelles, 6 septembre 2012, R.G. n° 2011/AB/979

Terra Laboris asbl

Dans un arrêt du 6 septembre 2012, la Cour du travail de Bruxelles rappelle les règles de prescription applicables aux pensions de retraite ainsi que les conditions d’examen d’office du droit à une pension dans le secteur des indépendants ou des salariés.

Les faits

Monsieur M., qui a eu une carrière mixte de travailleur salarié et d’indépendant, atteint l’âge normal de la pension en juin 1998. A cette époque il ne sollicite pas celle-ci mais n’effectue qu’une demande de renseignements quant à ses droits. Il fera valoir ultérieurement qu’il devait encore payer des cotisations dans le cadre du statut social aux fins de bénéficier de sa pension d’indépendant. La demande de pension ne sera dès lors introduite qu’en janvier 2001 et celle-ci lui est dès lors accordée à partir du 1er février.

En octobre 2009, il fait une demande de revision et sollicite que le point de départ soit revu, étant que la pension lui soit accordée à partir du mois suivant celui où il a atteint ses 65 ans.

Dans sa décision, l’ONP refuse de revoir la prestation, au motif de l’absence d’éléments nouveaux.

Une procédure est dès lors introduite devant le tribunal du travail par l’intéressé, dans laquelle il demande notamment que soit revu le point de départ.

Par jugement du 28 septembre 2011, sa demande est rejetée.

Position des parties en appel

L’intéressé conteste le fait qu’il faille introduire une demande de pension de retraite, considérant que cette obligation n’existe pas dans tous les régimes. Il fait essentiellement valoir à cet égard que l’ONP a manqué à son devoir d’information et qu’il est dès lors responsable de la tardiveté de la demande. Il réexpose les circonstances qui l’ont amené à introduire sa demande de pension tardivement, étant essentiellement qu’il n’aurait pu bénéficier de sa pension dans le secteur des indépendants qu’après avoir liquidé les arriérés de cotisations qu’il restait devoir. Il fait valoir qu’ayant posé des questions à l’ONP dans le cadre de l’info-service des pensions, l’Office aurait dû l’informer valablement. Il considère qu’il a subi un préjudice, correspondant au montant des pensions auxquelles il ne peut pas prétendre.

Quant à l’ONP, il rappelle qu’au moment où l’intéressé a introduit sa demande de pension, la réglementation prévoyait de manière expresse que celle-ci ne prendrait cours que le 1er du mois suivant la demande. En ce qui concerne la faute qui lui est reprochée, il souligne que l’intéressé était indépendant et que pas mal de travailleurs ayant ce statut choisissent de poursuivre leur activité professionnelle après l’âge normal de la pension. Il conteste dès lors avoir commis une faute.

Décision de la cour

La cour rappelle qu’elle a demandé aux parties lors d’une première audience d’examiner une question de prescription, en ce qui concerne les arrérages dus pour une certaine période. Est en effet visée la période du 1er juillet 1998 jusqu’au 31 janvier 2001. La cour rappelle que, avant la loi-programme du 24 décembre 2002, il n’existait pas de délai spécifique de prescription en matière de pension mais qu’il fallait appliquer le droit commun de l’article 2262bis, § 1er du Code civil, étant un délai de trente ans, qui fut ramené à dix ans pour les créances personnelles. C’est donc ce délai qui est d’application et la loi-programme du 24 décembre 2002, qui a introduit un délai de dix ans n’a en réalité pas modifié les délais de prescription existants.

La cour relève qu’il y a eu une interruption, du fait de la requête introductive d’instance, déposée le 28 décembre 2009. Elle conclut dès lors à la prescription pour tout ce qui est antérieur au 1er janvier 2000.

Restent les mensualités postérieures à cette date, qui ne sont pas prescrites. La cour rappelle à cet égard qu’en vertu de l’arrêté royal du 23 décembre 1996, qui exécute les articles 15 à 17 de la loi du 26 juillet 1996 portant modernisation de la sécurité sociale et assurant la viabilité des régimes légaux de pension, la pension de retraite prend cours le 1er du mois suivant celui où la demande a été introduite, et ce au plus tôt le 1er du mois qui suit celui où le bénéficiaire atteint l’âge normal de la pension.

En l’occurrence, celle-ci n’a été introduite que le 8 janvier 2001 de telle sorte qu’aucun droit ne peut exister à partir du 1er juillet 1998.

La cour rappelle que ce n’est qu’avec l’arrêté royal du 4 septembre 2002 relatif à l’examen d’office des droits à la pension dans les régimes de pension des travailleurs salariés et des travailleurs indépendants qu’a été introduite une disposition (article 1) prévoyant l’examen d’office du droit à la pension de retraite d’une personne qui a sa résidence principale en Belgique et a atteint l’âge de la pension. Cet examen intervient dès lors sans nécessité d’introduire une demande. La disposition vise, cependant, uniquement les personnes ayant atteint l’âge requis à partir du 1er décembre 2003.

À l’intéressé qui voit une discrimination entre sa situation et celle où un examen intervient d’office, la cour rappelle qu’il ne peut en être question. Une loi nouvelle introduit certes un changement dans une réglementation existante mais cet état de choses est insuffisant pour être considéré comme une violation de la Constitution. La cour du travail renvoie à l’arrêt de la Cour constitutionnelle du 21 décembre 1995 (C. Const., 21 décembre 1995, arrêt n° 86/1995).

Enfin, sur la faute de l’Office, la cour rappelle que l’intéressé a été informé dès juillet 2001 de la date de la prise de cours de sa pension, étant le 1er février 2001, le « dommage » subi étant dès lors connu à ce moment. En vertu des règles applicables à la responsabilité extracontractuelle, la prescription est de cinq ans et celle-ci est dès lors acquise, de telle sorte que cette demande est prescrite. La cour rappelle surabondamment que, s’il fallait examiner le fondement de celle-ci, le premier juge l’a rejetée. Examinant les éléments du dossier, la cour constate que l’intéressé avait été dûment informé, en ce compris par l’INASTI, du fait que la demande d’information n’ouvrait pas un droit à un pension et il relève encore que l’épouse de l’intéressé bénéficiait quant à elle d’une pension de retraite et que celui-ci devait dès lors avoir été dûment informé de la nécessité d’introduire une demande.

La cour confirme dès lors le jugement.

Intérêt de la décision

Cette décision, rendue dans un cas d’espèce, rappelle d’une part les dispositions en matière de prescription et d’autre part la modification intervenue par l’arrêté royal du 4 septembre 2002 dans l’examen du droit à une pension dans les régimes des travailleurs salariés et des travailleurs indépendants : pour les personnes qui ont atteint l’âge de la retraite à partir du 1er décembre 2003, cet examen intervient d’office.

La cour revient également sur un principe dégagé par la Cour constitutionnelle dans son arrêt du 21 décembre 1995 sur la loi nouvelle. La cour y avait rappelé que le propre d’une règle nouvelle est d’établir une distinction entre les personnes concernées par des situations juridiques entrant dans le champ d’application de la règle antérieure et celles visées par la règle nouvelle. Pour la cour constitutionnelle, semblable distinction ne viole pas les articles 10 et 11 de la Constitution : à peine de rendre impossible toute modification de la loi, l’on ne peut soutenir qu’une disposition nouvelle violerait les dispositions constitutionnelles en cause par cela seul qu’elle vient modifier les conditions d’application de la loi antérieure.


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