Terralaboris asbl

Protection de la maternité : l’employeur est lié par les motifs donnés

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 7 septembre 2012, R.G. 2011/AB/675

Mis en ligne le lundi 14 janvier 2013


Cour du travail de Bruxelles, 7 septembre 2012, R.G. n° 2011/AB/675

Terra Laboris asbl

Dans un arrêt du 7 septembre 2012, la Cour du travail de Bruxelles rappelle que, dans le cadre de l’article 40 de la loi du 16 mars 1971, l’employeur est tenu par les motifs du licenciement qu’il a énoncés, la disposition exécutant la directive 92/85/CEE du 19 octobre 1992.

Les faits

Un contrat de travail est signé avec une employée en mai 2007, celle-ci étant chargée du planning commercial et financier d’une division d’une société importante. En mars 2009, elle signale à son employeur qu’elle est enceinte.

Le mois suivant, en avril 2009, la société manifeste son intention de procéder à un licenciement collectif, qui va concerner 35 travailleurs. La procédure est clôturée en juin 2009 et le chiffre de 35 licenciements y est confirmé.

L’intéressée est licenciée le 28 août 2009, pour raisons économiques, dans le cadre de celui-ci. Elle reçoit une proposition de transaction, qu’elle refuse. Elle réclame par courrier de son conseil l’indemnité de protection. Elle fait valoir que le siège où elle prestait n’est pas concerné par la procédure de licenciement collectif et que le chiffre annoncé est de 35. Celui-ci a de manière irrégulière été élargi à 37, les deux travailleurs supplémentaires faisant partie du siège où elle prestait (et elle-même étant un des deux), alors qu’aucune procédure d’information et de consultation n’est intervenue pour eux. Une procédure est introduite devant le Tribunal du travail de Louvain, en paiement de l’indemnité.

Suite au rejet de sa demande, l’intéressée interjette appel.

Moyens des parties devant la cour

À l’appui de sa demande d’indemnité de protection, l’intéressée considère que le licenciement n’est pas étranger à son état de grossesse. A titre subsidiaire, elle demande communication de pièces relatives au respect de la procédure (communications officielles, décision d’un conseil d’entreprise particulier, notifications aux autorités ainsi que les informations données à celles-ci sur les travailleurs visés par le licenciement, avec leurs fonctions et leur département et responsabilités).

Décision de la cour du travail

La cour rappelle la disposition légale applicable, étant l’article 40 de la loi du 16 mars 1971. Cet article prévoit, en son alinéa 2, qu’à la demande de la travailleuse, l’employeur l’informe par écrit des motifs du licenciement.

La cour rappelle l’obligation de preuve à charge de l’employeur en cas de contestation, étant que celui-ci doit établir (i) l’existence de faits objectifs qui montrent que le licenciement est intervenu pour des motifs étrangers à sa situation, (ii) la réalité de ces motifs et (iii) le lien de causalité entre les deux éléments ci-dessus. La cour renvoie à de la doctrine et de la jurisprudence à cet égard.

Elle examine les motifs invoqués par l’employeur, l’employée contestant, essentiellement, faire partie du licenciement collectif. C’est dès lors la procédure qui fait l’objet de l’examen de la cour. Celle-ci constate que la restructuration touchait trois grands sièges mais qu’il ressort des discussions dans différents conseils d’entreprise que la structure du personnel du siège où l’intéressée était occupée resterait inchangée. Dès lors, c’est l’examen des documents adressés au directeur subrégional de l’emploi dans le cadre de l’article 7 de l’arrêté royal du 24 mai 1976 relatif aux licenciements collectifs qui permettrait de décider si oui ou non l’intéressée était visée par la mesure, puisque l’employeur doit y préciser notamment, dans le personnel concerné, quelle est leur catégorie professionnelle et la division à laquelle ils appartiennent. La cour constate qu’elle a demandé à la société de produire ce document, ce que celle-ci est restée en défaut de faire, alors qu’elle a la charge de la preuve.

Dans la mesure où la lettre de licenciement vise le licenciement collectif et que le mécanisme légal dans le cadre de la protection de la maternité permet à la travailleuse d’établir que les motifs invoqués ne sont pas étrangers à son état de grossesse, ce sont ces seuls motifs qui doivent prévaloir. Or, la directive 92/85/CEE prévoit en son article 10, relatif à l’interdiction de licenciement, que lorsqu’une travailleuse est licenciée pendant la période de protection, l’employeur doit donner des motifs justifiés de licenciement par écrit. Lui permettre de prouver ultérieurement d’autres motifs irait à l’encontre de la finalité de l’article 40, mettant ainsi à néant l’effet de la disposition de la directive. La cour renvoie ici à un arrêt de la Cour du travail d’Anvers (C. trav. Anvers, 17 janv. 2005, Chron. D.S., 2005, 339).

La preuve du lien avec le licenciement collectif n’est pas rapportée et, si la société a accordé à l’intéressée les avantages de celui-ci, ceci ne signifie pas qu’elle faisait partie du personnel visé.

La cour réforme dès lors le jugement et alloue l’indemnité.

Intérêt de la décision

Très intéressant arrêt de la Cour du travail de Bruxelles, qui rappelle que, dans le cadre d’un licenciement collectif, un arrêté royal du 24 mai 1976 impose à l’employeur d’effectuer diverses notifications parmi lesquelles figurent les informations relatives au nombre de personnel occupé, aux raisons du licenciement, au nombre de travailleurs visés par la mesure, avec le détail de leurs qualifications, leur groupe d’âge, leur catégorie professionnelle et la division à laquelle ils appartiennent. Ces éléments seraient de nature, dans un cas comme celui de l’espèce annotée, à établir que l’intéressée faisait partie du personnel visé et que, ainsi, le motif donné pour son licenciement serait réel. A défaut pour la société d’apporter ces preuves, elle n’est plus autorisée, en raison des dispositifs combinés de l’article 40 de la loi du 16 mars 1971 et de l’article 10 de la directive 92/85/CEE du conseil du 19 octobre 1992 à apporter d’autres motifs. Signalons à cet égard que l’article 10 de la directive oblige l’employeur à donner des motifs justifiés de licenciement par écrit. Il en découle, implicitement, que cet écrit ne peut être complété par des motifs donnés ultérieurement, variant quant à leur nature.


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