Terralaboris asbl

Vendre des produits dans une grande surface donne-t-il la qualité de représentant de commerce ?

Mis en ligne le vendredi 8 février 2013


Cour du travail de Bruxelles, 2 novembre 2012, R.G. n° 2011/AB/1.151

Terra Laboris asbl

Dans un arrêt du 2 novembre 2012, la Cour du travail de Bruxelles rappelle les caractéristiques essentielles du statut de représentant de commerce : il faut visiter et prospecter la clientèle. Ne remplit pas cette condition l’activité où la clientèle vient vers le représentant.

Les faits

Un contrat de travail à durée indéterminée est signé entre un employé et une société en avril 2007. Les fonctions qui y sont définies sont celles de « sales representative ». Dans un premier temps, l’intéressé fait du porte à porte et ensuite il vend dans des supermarchés, dans un stand. En octobre 2008, la société met un terme au contrat de travail moyennant une indemnité compensatoire de préavis de trois mois. L’intéressé réclame, via son organisation syndicale, des arriérés de rémunération (vu l’application d’une catégorie inadéquate) et une indemnité d’éviction.

La société rétorque que l’intéressé n’avait pas le statut de représentant de commerce mais qu’il était un collaborateur commercial. Une procédure est dès lors introduite devant le tribunal en ce qui concerne l’indemnité d’éviction, la question de la catégorie ayant pu être réglée suite à l’intervention de l’inspection sociale.

Par jugement du 20 juillet 2011, le Tribunal du travail de Bruxelles déboute l’intéressé de sa demande.

Il interjette dès lors appel.

Décision de la cour du travail

La cour reprend l’article 4 de la loi du 3 juillet 1978, qui définit le représentant de commerce comme suit : le contrat de travail de représentant de commerce est le contrat par lequel un travailleur, le représentant de commerce, s’engage contre rémunération à prospecter et visiter une clientèle en vue de la négociation ou la conclusion d’affaires, hormis les assurances, sous l’autorité, pour le compte et au nom d’un ou de plusieurs commettants (alinéa 1). Au titre IV de la loi, consacré au contrat de représentant de commerce, il est précisé (article 88) que peut seul invoquer le bénéfice des dispositions légales le représentant de commerce engagé en vue d’exercer sa profession de façon constante, même lorsqu’il est chargé accessoirement par son employeur de tâches d’une autre nature que la représentation commerciale. Ce bénéfice n’est ainsi pas accordé à l’employé chargé occasionnellement, avec son travail à l’intérieur de l’entreprise, de démarches auprès de la clientèle (à l’exception de l’article 90 de la loi relatif au droit à la commission).

La cour reprend ensuite la doctrine et la jurisprudence (dont C. trav. Anvers, 13 février 2004, J.T.T., 2004, p. 361, qui renvoie aux travaux préparatoires de la loi) en la matière : celui qui invoque l’existence d’un contrat de représentant de commerce doit établir sa qualité.

En l’espèce, l’intéressé présentait, pour compte de son employeur, des produits commercialisés par d’autres sociétés. La cour relève à cet égard qu’il ne résulte pas de l’article 4 que les affaires conclues doivent l’être pour compte de l’employeur. En l’occurrence il s’agissait d’« outsourcing » d’une activité de vente à la société employeur. L’activité exercée de la sorte, pour compte d’un ou plusieurs donneurs d’ordre, répond à la définition légale.

Quant à la question de savoir si l’intéressé était collaborateur commercial ou représentant de commerce, la cour retient que le porte à porte était manifestement accessoire et ne constituait pas l’essentiel de l’activité, la conclusion étant identique pour une autre activité (exercée une seule fois).

Pour la cour, si le collaborateur commercial et le représentant de commerce s’occupent tous deux de vente, le représentant visite et prospecte la clientèle et il s’agit ici de deux activités distinctes, qui se complètent et doivent être exercées conjointement (la cour renvoyant à la doctrine de P. LECLERCQ, « De arbeidsonvereenkomst voor handelsvertegenwoordigers », ATO - Actuele Voorinformatie, p. 18-19, nr 7 et à J. PETIT, « De arbeidsovereenkomst voor handelsvertegenwoordigers », CAD, II,8-16, nr 8). Ceci suppose de se rendre chez les clients et il ne peut être question de représentation commerciale si l’activité visée est d’être présent à un endroit où peuvent se trouver des clients potentiels, ainsi, une foire annuelle, un grand magasin, une exposition, etc. La Cour précise, en rappelant la doctrine de J. PETIT, que si c’est le client qui va au vendeur il n’est pas question de représentation commerciale. Ainsi pour un showroom ou pour une vente dans les installations de l’employeur. La cour va dès lors conclure que l’intéressé ne peut prétendre au statut de représentant de commerce, dans la mesure où c’est le client qui va à lui et où il ne visite pas de clientèle.

En conclusion, le jugement est confirmé, l’indemnité d’éviction n’étant pas due.

Intérêt de la décision

Cet arrêt de la cour du travail de Bruxelles rappelle à bon escient les éléments qui distinguent une activité commerciale de vente d’une véritable représentation commerciale au sens de la loi du 3 juillet 1978. La cour rappelle ainsi que ne peut prétendre à ce statut le vendeur de produits qui exerce cette activité dans des lieux accessibles à une clientèle potentielle. La loi pose en effet deux conditions essentielles au statut de représentant de commerce : il faut prospecter et visiter la clientèle.


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