Terralaboris asbl

Cumul de l’indemnité due en cas de licenciement non étranger à une plainte pour harcèlement moral et l’indemnité de l’article 63 de la loi du 3 juillet 1978

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 21 janvier 2013, R.G. 2011/AB/33

Mis en ligne le mercredi 6 mars 2013


Cour du travail de Bruxelles, 21 janvier 2013, R.G. n° 2011/AB/33

Terra Laboris asbl

Dans un arrêt du 21 janvier 2013, la Cour du travail de Bruxelles confirme la possibilité de cumul entre les deux indemnités susvisées. L’absence de motif au sens de l’article 63 peut impliquer l’absence de preuve d’un motif étranger à la plainte au sens de l’article 32tredecies de la loi du 4 août 1996.

Les faits

Un ouvrier est engagé comme chauffeur-livreur pour compte d’une société de boulangerie en mars 2005. Pendant 18 mois son employeur bénéficie de l’intervention ONEm (plan Activa). Il tombe en incapacité de travail en février 2008 et va pendant celle-ci déposer plainte pour harcèlement contre son supérieur. La plainte est complétée et une deuxième est ensuite déposée pour non-paiement de la rémunération. Celle-ci a, ensuite, selon l’employeur, fait l’objet de paiements de la main à la main et aucune quittance n’a été remise. La société va dans les semaines qui suivent licencier l’intéressé au motif de réorganisation. Une indemnité compensatoire de 35 jours calendrier est versée. Le C4 porte comme motif de licenciement « absences désorganisant le travail », l’intéressé étant à ce moment-là absent depuis plusieurs mois.

Une procédure est introduite devant le Tribunal du travail de Bruxelles dans laquelle est notamment demandée une indemnité pour licenciement abusif au sens de l’article 63 de la loi du 3 juillet 1978 ainsi qu’une autre indemnité du même montant vu la plainte déposée en harcèlement.

Décision du tribunal du travail

Par jugement du 19 novembre 2010, le tribunal du travail alloue les montants réclamés (auxquels doivent être ajoutés deux postes relatifs aux arriérés de rémunération postulés).

La société interjette appel.

Décision de la cour du travail

La cour rappelle les règles applicables à l’époque, étant l’article 5, § 1er, alinéa 2 de la loi du 12 avril 1965 concernant la protection de la rémunération et l’obligation pour l’employeur de délivrer une quittance en cas de paiement de la main à la main. Pour la cour, le non respect de cette obligation constitue une faute mais celle-ci ne prive pas l’employeur de toute possibilité de prouver le paiement de la rémunération par d’autres moyens. Dans l’appréciation de ces autres éléments de preuve, la cour considère qu’il y a lieu de faire preuve d’une rigueur particulière, sous peine de priver le travailleur de la protection offerte par la disposition ci-dessus.

La cour va conclure, sur la base des éléments de faits que la société n’établit pas avoir payé l’intégralité de la rémunération figurant sur les fiches de paie. Les débats sont cependant rouverts afin d’établir un décompte admissible. La cour fait également droit à une demande de sursalaire pour heures de nuit.

Elle examine, ensuite, plus en détail les règles concernant les indemnités spéciales dont le bénéfice est réclamé, étant l’article 63 de la loi du 3 juillet 1978 (indemnité pour licenciement abusif) et l’article 32tredecies de la loi du 4 août 1996 (licenciement intervenu après une plainte déposée pour harcèlement). La cour rappelle les mécanismes de chacun de ces deux dispositifs, dans lesquels l’employeur a de la même manière la charge de la preuve des motifs de licenciement.

Reprenant la chronologie des faits, la cour constate qu’une première plainte a été déposée auprès de la police mais qu’aussitôt après une autre a été introduite auprès de la Direction Contrôle du bien-être au travail du SPF Emploi. L’intéressé bénéficiait dès lors de la protection contre le licenciement organisée par l’article 32tredecies de la loi du 4 août 1996.

La cour examine ensuite la régularité du licenciement parallèlement dans l’un et l’autre régime. Elle constate qu’aucune preuve (ni même aucun commencement de preuve) de demande qu’aurait faite l’intéressé d’être licencié n’est déposée. Or, la société entend justifier la rupture par le fait que l’ouvrier avait lui-même souhaité celle-ci. Il ne ressort nullement des éléments produits que c’est le cas. La cour conclut assez rapidement qu’en l’absence de tout commencement de preuve d’une demande de licenciement émanant de l’intéressé et vu également l’absence de toute autre justification, elle ne peut être en présence d’un motif permis par l’article 63 de la loi du 3 juillet 1978. Il n’est d’ailleurs pas établi que le licenciement est intervenu pour un motif étranger pour la plainte pour harcèlement moral. La cour fait dès lors droit aux deux demandes, les indemnités étant cumulables.

Enfin, elle condamne la société à la délivrance des documents sociaux demandés par le travailleur, et ce vu que celle-ci porte sur l’indication exacte de renseignements prévue par la loi du 12 avril 1965 (article 15) dans les décomptes de rémunération. Constatant que ces indications sont exigées par l’arrêté royal du 27 septembre 1966 déterminant, pour le secteur privé, les renseignements que doit contenir le décompte remis au travailleur lors de chaque règlement définitif de la rémunération, la cour constate que ces indications sont dès lors exigées par un texte et qu’elle n’a pas à juger de l’opportunité ou de l’utilité de celle-ci.

La société ne se conformant pas à l’obligation légale, la condamnation est assortie d’une astreinte. Celle-ci est de 12,50€ par jour prenant cours le 31e jour suivant la signification de l’arrêt avec un maximum de 1.000€.

Intérêt de la décision

Cet arrêt rappelle, dans une espèce simple quant aux faits, l’obligation pour l’employeur de motiver un licenciement, à la fois dans le cadre de l’article 63 de la loi du 3 juillet 1978 et dans celui de l’article 32tredecies de la législation du 4 août 1996 relatif au bien-être des travailleurs dès lors qu’il y a dépôt de plainte valable. Les indemnités – identiques – sont cumulables et, l’employeur n’ayant pas de motif de licenciement, il n’établit non seulement pas l’existence de motif licite au sens de l’article 63 mais pas non plus de motif étranger à la plainte déposée au sens de l’article 32tredecies.

Relevons quant à la quittance de paiement en cas de versement de la main à la main que le Code pénal social contient une sanction (niveau 2) au cas où l’employeur n’a pas soumis celle-ci au travailleur (article 164).


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