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Revision : jusque quand l’entreprise d’assurances doit-elle payer l’allocation ou la rente revisée et quid de la débition des intérêts ?

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 15 octobre 2012, R.G. 2012/AB/142

Mis en ligne le mercredi 6 mars 2013


Cour du travail de Bruxelles, 15 octobre 2012, R.G. 2012/AB/142

Terra Laboris asbl

Dans un arrêt du 15 octobre 2012, la Cour du travail de Bruxelles rappelle le mécanisme des articles 45quater et 51ter de la loi en cas d’augmentation du taux d’incapacité permanente dans le cadre d’une petite incapacité ayant fait l’objet d’une revision dans le délai légal.

Les faits

Une ouvrière subit un accident du travail le 2 février 2002. Les séquelles de celui-ci seront fixées dans le cadre de l’incapacité permanente par la reconnaissance d’un taux de 8%. Il y a eu accord des parties, entériné par le Fonds des Accidents du Travail le 11 mai 2006.

Dans le cadre du délai de revision, l’entreprise d’assurances introduit une procédure judiciaire en vue d’obtenir la réduction de ce taux. L’intéressée demande quant à elle au tribunal de reconnaître une aggravation.

Le jugement du tribunal du travail

Le tribunal va ordonner une expertise et entériner les conclusions du rapport de l’expert, par jugement du 10 mai 2011. Il y a reconnaissance d’une aggravation de 8% à 12%, et ce à dater du 6 juillet 2007.

Quoique le tribunal ait fait droit à sa demande en ce qui concerne l’aggravation, l’intéressée interjette cependant appel.

Position des parties devant la cour du travail

L’appelante considère en effet que le tribunal, ayant omis de condamner l’entreprise d’assurances aux indemnités légales et aux intérêts, elle doit demander à la cour de prononcer une telle condamnation, l’intérêt devant d’ailleurs être calculé sur chaque mensualité due, et ce à partir de son échéance, au taux légal.

L’entreprise d’assurances ne conteste pas, pour sa part, sérieusement l’aggravation, mais considère ne pas devoir payer, le capital ayant été transféré au F.A.T.

La décision de la cour du travail

La cour va prononcer une condamnation expresse de l’assureur à payer les indemnités, étant le résultat de la différence entre le taux payé et le taux reconnu, à partir du 6 juillet 2007. L’arrêt étant rendu en octobre 2012, la condamnation vaut, le cas échéant, pour le mois de novembre 2012.

La cour rappelle en effet la répartition des compétences entre l’entreprise d’assurances et le Fonds des Accidents du Travail, dans une telle situation.

Il s’agit de l’application de l’article 45quater, alinéa 4 de la loi du 10 avril 1971. En vertu de celui-ci, dans l’hypothèse où les allocations annuelles et rentes sont fixées après revision sur un taux se situant entre 10% à moins de 16% (ce qui est le cas en l’espèce, s’agissant d’un taux d’aggravation de 12%), la valeur de l’allocation annuelle ou de la rente est versée en capital au F.A.T. dans les conditions fixées à l’article 51ter de la loi. C’est à ce dernier de payer les allocations et rentes dues à la victime, sur la base du capital qui aura ainsi été constitué et versé (article 58, § 1er, 10°).

La cour rappelle cependant l’articulation entre les dispositions applicables, étant l’article 45quater et l’article 51ter (et 42, alinéa 2) de la loi. Pour les accidents visés à l’article 51ter, la loi fait en effet obligation à l’entreprise d’assurances de verser au Fonds le capital correspondant à l’allocation et à la rente, et ce avant le 20e jour du mois qui suit celui au cours duquel la décision judiciaire a été coulée en force de chose jugée. Il s’agit d’un apport d’un arrêté royal du 12 août 1994 (article 2), exécutant l’article 51ter.

Pour les accidents visés à l’article 45quater, alinéa 4 de la loi, les allocations et rentes sont versées, avant le règlement définitif, par l’entreprise d’assurances et, après celui-ci, par le Fonds, par mois et par 12e. La cour rappelle ce qu’il y a lieu d’entendre par « règlement définitif de l’accident » : c’est la décision judiciaire coulée en force de chose jugée statuant sur le litige en matière de revision de l’allocation. Elle renvoie ici à l’article 2 (alinéas 4 et 5) de l’arrêté royal du 24 décembre 1987 portant exécution de l’article 42, alinéa 2 de la loi. Une dérogation a cependant été introduite par l’arrêté royal du 12 août 1994 (article 3bis, alinéa 4), étant que, si l’allocation annuelle correspondant au mois qui suit celui où la décision judiciaire est coulée en force de chose jugée est échue au moment du versement du capital au Fonds, l’assureur est tenu de payer la mensualité correspondante, qui sera ainsi déduite du capital versé.

En conséquence, pour la cour du travail, il est prévu par le mécanisme légal que l’entreprise d’assurances indemnise jusqu’à la date à laquelle la décision judiciaire statuant sur la revision est coulée en force de chose jugée. En l’occurrence, il s’agit du mois d’octobre 2012. La cour précise que, l’assureur étant également tenu de payer à la victime, le cas échéant, la mensualité échue pour le mois suivant, il doit également effectuer le paiement relatif à celui-ci s’il n’a pas encore versé à ce moment le capital au Fonds. En conséquence, la cour fait droit à la demande de la victime de condamner l’assureur à procéder à ce paiement. L’appel est dès lors fondé sur cette question.

La cour va également condamner l’assureur aux intérêts sur les indemnités, sur la base de l’article 42, alinéa 3, de la loi, les indemnités prévues à l’article 42 portant intérêt de plein droit à partir de leur exigibilité.

Intérêt de la décision

Cet arrêt rappelle le mécanisme introduit par l’arrêté royal du 12 août 1994 portant exécution de l’article 51ter de la loi du 10 avril 1971 sur les accidents du travail.

L’arrêté royal du 12 août 1994 portant exécution de l’article 51ter fixe en effet le mode de calcul du capital (barèmes), et ce en fonction du taux d’incapacité. Il règle également la question pour les accidents survenus avant le 1er janvier 1988.

L’intérêt de l’arrêt est d’avoir précisé que l’entreprise d’assurances reste tenue au paiement des allocations jusqu’au versement du capital au Fonds et rappelé ce qu’il en est en cas de versement intervenu après l’échéance de la mensualité en cours.


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