Terralaboris asbl

Accident du travail et droit aux pécules de vacances : droit au cumul ?

C. trav. Liège, 8 mars 2007, R.G. 32.622/04

Mis en ligne le vendredi 22 février 2008


Cour du travail de Liège, 8 mars 2007, R.G. n° 32.622/04

TERRA LABORIS ASBL – Mireille Jourdan

Dans un arrêt du 8 mars 2007, la Cour du travail de Liège, saisie par une asbl, employeur, d’une demande de paiement de simples et doubles pécules de vacances relatifs à des années couvertes par la période d’incapacité temporaire de travail suite à un accident du travail, rappelle les règles en la matière.

Les faits

Le travailleur est engagé par l’asbl en qualité d’employé et est victime en août 1999, d’un accident du travail. Celui-ci entraînera une incapacité temporaire totale de longue durée, s’étendant jusqu’à la fin du mois de mars 2003.

L’intéressé a réclamé à son employeur les simples et doubles pécules de vacances pour les années 2000 à 2002, ainsi que le double pécule pour l’année 2003.

La position du premier juge

Le premier juge a condamné l’asbl à verser à son travailleur une somme d’environ 13.000 euros pour les simples et doubles pécules pour les trois années en cause ainsi que pour le double pécule de l’année 2003, l’ensemble étant à majorer des intérêts judiciaires.

La position de l’employeur

L’employeur considère qu’il est fait erronément application de la législation en matière de pécule de vacances. Pour lui, seule la loi sur les accidents du travail doit être appliquée. Un problème de cumul ne peut, pour l’employeur, exister dès lors que la rémunération de base est calculée en fonction de législations différentes.

Il sollicite en outre le remboursement de sommes qu’il considère avoir versées indûment et, formant appel incident, étend sa demande à l’année 2004.

Le simple pécule a, en effet, été payé pour l’année 2003, mais ce sans reconnaissance préjudiciable et d’autres paiements ayant été faits pendant la période de 2000 et 2001, correspondant notamment à des primes de fin d’année, au double pécule ainsi qu’à des allocations spéciales de vacances.

La position de la Cour

La Cour va examiner à la fois l’arrêté royal du 30 mars 1967, qui détermine les obligations de l’employeur en matière de paiement de pécules de vacances et en fixe les modalités, ainsi que articles 34 et suivants de la loi du 10 avril 1971 sur les accidents du travail.

Elle circonscrit le problème en délimitant la période visée, qui est celle pendant laquelle l’intéressé a été reconnu en incapacité temporaire totale de travail et indemnisé comme tel par l’entreprise d’assurances (notant toutefois qu’au stade de l’appel il étend sa demande à l’année 2004).

En ce qui concerne l’application de la législation sur les accidents du travail, la Cour relève que l’entreprise d’assurances a fixé la rémunération de base en tenant compte des dispositions légales en vigueur et en y incorporant tous les avantages, en ce compris les pécules auxquels le travailleur avait droit pour l’année qui précède l’accident. Ceci est conforme aux articles 34 et 35 de la loi, qui précisent que la rémunération de base est celle à laquelle le travailleur a droit pour l’année qui a précédé l’accident, en raison de la fonction exercée dans l’entreprise au moment de celui-ci (art. 34) et que est considéré comme rémunération toute somme ou tout avantage évaluable en argent, octroyé directement ou indirectement en raison des relations de travail, ainsi que le pécule de vacances, … (art. 35).

Il faut encore rappeler – comme la Cour le relève – qu’un nouveau paragraphe a été ajouté à l’article 35, suite à la loi programme du 11 juillet 2005 (art. 2, 1°, entrée en vigueur le 1er juillet 2005 pour les accidents survenus à partir de cette date), selon lequel le pécule de vacances n’est pas considéré comme rémunération pour le calcul des indemnités dues pendant l’incapacité temporaire. Cette disposition n’est toutefois pas applicable en l’espèce, puisqu’elle n’était pas en vigueur au moment de l’incapacité temporaire considérée.

La Cour rejette, toutefois, l’argument de l’employeur en ce qui concerne le cumul, qui, selon celui-ci, serait interdit parce qu’ allant à l’encontre des textes en vigueur au moment des faits.

Elle rappelle ainsi les principes généraux qui fondent la réparation en matière d’accidents du travail : législation d’ordre public, qui fait qu’il n’est pas permis de substituer aux réparations légales des indemnisations, des réparations conventionnelles qui rendraient illusoire l’objectif de sécurité sociale poursuivi ou de convenir avec des travailleurs d’une réparation inférieure en cas d’accident du travail ou encore d’un régime d’indemnisation plus avantageux.

La réparation légale est donc forfaitaire et, s’il est admis que l’employeur peut accorder à ses travailleurs contractuellement ou bénévolement des avantages complémentaires, c’est à la condition que ceux-ci ne se substituent pas au régime légal établi. Par conséquent, toute transaction sur les droits conférés par la loi est interdite, une transaction supposant un abandon réciproque.

Appliquant ces principes à la rémunération de base, la Cour rappelle que celle-ci se rapporte à l’année qui précède l’accident et qu’elle se calcule en raison de la fonction occupée au moment de celui-ci (avec les problèmes de périodes complètes ou non).

Elle poursuit son analyse, affirmant que les prestations octroyées constituent manifestement des prestations de sécurité sociale et reprend les manifestations de ce système de protection (action directe contre l’assureur, présomptions instaurées en faveur du travailleur, rôles du Fonds des accidents du travail et du SPF Affaires sociales et réglementation également par la Charte de l’assuré social du 11 avril 1995).

Il en découle, pour la Cour, que l’assurance est obligatoire pour l’employeur et que réparation des accidents du travail ignore l’indemnisation conventionnelle ou transactionnelle et qu’aucune disposition ne peut être convenue à l’encontre des règles contenues dans la loi du 10 avril 1971.

Il faut encore ajouter à cet édifice le fait que le seul débiteur est l’assureur loi, contre qui la victime dispose d’une action directe.

Reprenant encore la doctrine en la matière, la Cour aborde alors la place qui est réservée au pécule de vacances dans la rémunération de base. L’arrêté royal 128 du 30 décembre 1982 a précisé que celui-ci devait être inclus, ce qui vaut à la fois pour le simple et le double pécule (voir Cass., 10 mars 1975, J.T.T. , 1976, p. 239). Les primes de fin d ’année doivent l’être également.

Pour la Cour, en conséquence du rappel de ce mécanisme, il n’y a pas lieu de faire référence à la loi sur les vacances annuelles pour calculer la réparation due pendant la période d’incapacité temporaire totale.

Il en va autrement pour la période consécutive à la reprise du travail, la législation relative aux vacances annuelles devant alors à nouveau être appliquée.

La Cour confirme ainsi que les réparations prévues par la législation sur les pécules des vacances pendant l’incapacité temporaire ne peuvent se cumuler avec les indemnités légales. Le cumul serait contraire à l’indemnisation forfaitaire prévue par la loi, dès lors qu’il maintiendrait à charge de l’employeur des paiements – même partiels – dont il est déchargé par cette législation d’ordre public.

Il y aurait, pour la Cour, une discrimination totalement injustifiée envers le travailleur victime d’un accident du travail qui percevrait deux fois un montant au titre de pécule de vacances et le travailleur qui n’aurait pas eu cet accident. La Cour décide dès lors qu’il y a indu et statue sur la récupération de celui-ci.

Intérêt de la décision

Voici l’occasion de se poser la question du sort du pécule de vacances (simple et double) pendant une incapacité temporaire due à un accident du travail, incapacité de longue durée. La jurisprudence en la matière est rare et, pour la Cour du travail de Liège, il y a réparation forfaitaire dans le cadre de la loi du 10 avril 1971 et celle-ci écarte une autre réglementation, également d’ordre public, relative aux pécules de vacances.

Il faut en effet rappeler, à cet égard, que l’arrêté royal du 30 mars 1967 prévoit en son article 41 que pour le calcul du montant du pécule de vacances sont assimilées à des jours de travail effectif normal les journées d’interruption du travail résultant d’un accident du travail, et ce sans limitation dans le temps pour l’incapacité temporaire totale (art. 43, 1°, a)), contrairement à l’hypothèse de la maladie (assimilation des douze premiers mois seulement).


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