Terralaboris asbl

Cotisations au statut social : acte interruptif et obligation de solidarité de la personne morale pour les cotisations d’un associé ou mandataire

Commentaire de C. trav. Mons, 9 novembre 2012, R.G. 2009/AM/21.430

Mis en ligne le jeudi 14 mars 2013


Cour du travail de Mons, 9 novembre 2012, R.G. n° 2009/AM/21.430

Terra Laboris asbl

Dans un arrêt du 9 novembre 2012, la Cour du travail de Mons reprend les règles de prescription des cotisations au statut social des travailleurs indépendants, l’affaire concernant des cotisations d’un associé actif réclamées à la personne morale eu égard à l’obligation de solidarité figurant à l’article 15, § 1er, alinéa 3 de l’arrêté royal du n° 38 du l’arrêté royal du 27 juillet 1967.

Les faits

Un associé (fondateur) d’une SPRL détenant 1/10e des parts constitutives de son capital perçoit des revenus d’associé actif. L’INASTI procède dès lors à son affiliation d’office, lui notifiant la chose par un courrier recommandé envoyé à son adresse. Outre la notification de l’affiliation à la CNASTI, la lettre recommandée fait état des cotisations dues, dont elle demande paiement.

Ce courrier n’est pas réclamé par l’intéressé et celui-ci ne réagit pas dans le délai de trente jours après cette notification (délai visé à l’article 9 de l’arrêté royal du 19 décembre 1967).

Son affiliation d’office intervient dès lors automatiquement. Le décompte des cotisations dues est effectué et le paiement lui est réclamé. L’adresse est cependant lacunaire et incomplète. L’intéressé ne réagit pas davantage à ce courrier. L’INASTI adresse dès lors une lettre recommandé à la société. Ce courrier n’est pas davantage réclamé. Dans celui-ci, il est fait référence à la mise en demeure envoyée à l’associé actif précédemment, l’affiliation d’office est confirmée et l’INASTI rappelle la règle de la solidarité (article 15 de l’arrêté royal). L’attention de la société est attirée sur le fait qu’à défaut de règlement des cotisations par elle ou par son mandataire, la lettre recommandée constitue un dernier avertissement avant procédure judiciaire.

Un nouveau courrier est encore adressé quelques mois plus tard, par voie recommandée, à l’intéressé en vue de payer les cotisations dues. L’adresse est de nouveau mal libellée. Il s’avère cependant que ce courrier sera bien présenté à son destinataire mais qu’il ne sera pas réclamé. Un dernier courrier recommandé est encore envoyé, avec les mêmes problèmes de libellé et il revient également à l’INASTI avec la mention « non réclamé ». Il en ira encore de même d’une nouvelle mise en demeure faite l’année suivante (2002) à la société, courrier ayant la même teneur que la première lettre recommandée envoyée à celle-ci.

Dans les années suivantes (de 2003 à 2005), de nouveaux recommandés sont envoyés à l’intéressé. Enfin, en 2007, la société est mise une dernière fois en demeure de payer et le mandataire également, courrier lui adressé cette fois à une adresse complète et exacte. Ces courriers reviennent non réclamés et l’INASTI introduit un recours devant le Tribunal du travail de Charleroi.

Décision du tribunal du travail

Par jugement du 13 août 2008, le Tribunal du travail de Charleroi considère que la demande est prescrite en ce qui concerne la société. Il réserve à statuer pour ce qui est de l’associé.

Appel est interjeté par l’INASTI.

Décision de la cour du travail

La cour est amenée, après avoir rappelé la chronologie des mises en demeure ci-dessus, à examiner l’effet des divers envois recommandés sur le délai de prescription ainsi que sur la solidarité.

La cour rappelle l’article 16 de l’arrêté royal n° 38, qui prévoit que le recouvrement des cotisations se prescrit par cinq ans, ce délai débutant le premier janvier qui suit l’année pour laquelle elles sont dues.

En l’espèce, les cotisations les plus anciennes sont relatives à l’année 1995, de telle sorte que le délai de prescription a expiré le 1er janvier 2001.

S’agissant cependant de cotisations de régularisation, la cour rappelle une règle particulière, étant que le point de départ de la prescription est lui-même reporté au 1er janvier de la troisième année suivant celle du début de l’activité. En l’espèce, la date à laquelle la prescription devait être acquise reste la même, l’activité ayant débuté en 1993 (la prescription ayant ainsi pris cours au 1er janvier 1996).

En ce qui concerne la solidarité, celle-ci est prévue à l’article 15, § 1er, alinéa 3 de l’arrêté royal n° 38, étant que les personnes morales sont tenues solidairement avec leurs associés ou mandataires, et ce pour les cotisations dont ceux-ci sont redevables.

Aussi, faut-il examiner si la prescription a été valablement interrompue vis-à-vis de celle-ci. La cour rappelle que constituent des actes interruptifs les hypothèses de l’article 2244 et suivants du Code civil mais qu’en l’occurrence existe un acte spécifique, étant la lettre recommandée. Celle-ci doit cependant, pour avoir ce caractère, émaner de l’organisme chargé du recouvrement et contenir une réclamation des cotisations. La cour précise qu’il peut également s’agir d’une lettre recommandée de l’INASTI (répondant aux conditions de l’article 21, § 2, 1° de l’arrêté, étant la mise en demeure adressée à l’intéressé afin qu’il s’affilie à une caisse).

Sur les effets combinés de l’interruption de la prescription dans l’hypothèse de la solidarité, elle rappelle que la prescription est interrompue à l’égard de toutes les personnes tenues à une même dette et rappelle en ce sens l’arrêt de la Cour de cassation du 28 mars 2011 (Cass., 28 mars 2011, S.10.0039.F).

En l’espèce, la cour va identifier les actes interruptifs intervenus et constater, du fait essentiellement des erreurs d’adresse, qu’aucun acte valable n’existe entre la période de février 2002 à mai 2007. La citation est dès lors tardive. Si le délai initial avait recommencé à courir à partir du premier acte interruptif (valable), aucun nouvel acte n’est intervenu dans un délai de cinq ans. La cour rappelle la doctrine de DE PAGE (DE PAGE, Traité de droit civil, T VII., 1957, p. 1089), selon laquelle l’interruption ne modifie pas la nature du droit, celui-ci redevenant prescriptible après l’interruption.

Intérêt de la décision

Cet arrêt rappelle une règle importante découlant de l’obligation de solidarité des personnes morales pour les cotisations au statut social de leurs associés ou mandataires, étant que la solidarité les oblige à la même dette que ceux-ci. S’il y a interruption de la prescription à l’égard d’une personne tenue à la dette, celle-ci vaut envers toutes celles qui y sont également tenues.


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