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Octroi de l’aide médicale urgente eu égard à la condition de séjour

Commentaire de C. trav. Liège, 16 janvier 2013, R.G. 2011/AL/486

Mis en ligne le mardi 16 avril 2013


Cour du travail de Liège, 16 janvier 2013, R.G. n° 2011/AL/486

Terra Laboris asbl

Dans un arrêt du 16 janvier 2013, la Cour du travail de Liège rappelle que l’aide médicale urgente doit répondre aux conditions générales de l’aide sociale et qu’elle peut être octroyée, que le séjour soit légal ou non, celle-ci étant cependant la seule possible pour les étrangers en séjour illégal.

Les faits

Une personne de nationalité roumaine, vivant avec son mari roumain et ses trois enfants sollicite auprès d’un CPAS l’octroi d’une aide médicale urgente.

Celle-ci est refusée. Il s’agit de frais médicaux et pharmaceutiques essentiellement. Le refus de l’intervention dans le cadre de l’aide médicale urgente est motivé par la circonstance que l’intéressée a la citoyenneté européenne et peut faire régulariser sa situation de séjour. Le CPAS précise qu’elle s’est volontairement privée de ressources en quittant un pays où ses droits sociaux étaient acquis. Par ailleurs, d’autres décisions ayant été prises auparavant et ayant été confirmées par le tribunal du travail, le CPAS fait grief à l’intéressée de n’apporter aucun élément nouveau quant à sa situation.

Un recours est introduit devant le Tribunal du travail de Verviers, qui le déclare non fondé. L’intéressée est déboutée de son recours, la décision étant confirmée. Pour le tribunal, l’examen des ressources ne peut être effectué valablement, les revenus de l’activité professionnelle du mari (musicien aux Pays-Bas) étant inconnue et, en outre, l’intéressée restant en défaut d’établir l’état de besoin. Il est particulièrement relevé qu’elle a la qualité de citoyenne européenne et qu’elle peut dès lors séjourner légalement sur le territoire. Elle aurait ainsi pu bénéficier de l’intervention de l’assurance soins de santé et se voir rembourser les prestations dans le cadre de ce régime.

Moyens des parties devant la cour

L’intéressée identifie sa maladie comme un diabète de type II. Quant à son manque de ressources, elle le considère établi, du seul fait du caractère illégal de son séjour. Pour elle, les conditions de l’aide médicale urgente sont dès lors réunies, les certificats médicaux adéquats étant déposés.

En ce qui concerne le CPAS, il fait savoir qu’il n’a aucun élément permettant de conclure à l’état de besoin et que les soins requis pourraient être assurés dans le pays d’origine. Il fait également grief à l’intéressée de ne pas avoir entrepris les démarches aux fins de faire légaliser son séjour.

Décision de la cour du travail

La cour s’en tient pour le cadre juridique aux conditions fixées à l’article 57 de la loi du 8 juillet 1976. En vertu du § 2, pour les étrangers séjournant illégalement sur le territoire, l’aide sociale doit être limitée à l’aide médicale urgente. L’article 57, § 1er fixe quant à lui les modalités de l’aide sociale que le CPAS peut allouer, modalités parmi lesquelles figure l’aide médicale. Celle-ci est une forme d’aide sociale, dans la mesure où elle a pour objet de permettre à la personne de mener une vie conforme à la dignité humaine.

La situation de séjour va dès lors influencer le type d’aide sociale pouvant être octroyée : la personne en séjour légal a accès à l’aide sociale si elle est dans les conditions d’octroi et peut dès lors se voir octroyer une aide médicale, que celle-ci soit urgente ou non. Quant à la personne en séjour illégal, elle ne peut quant à elle bénéficier que de l’aide médicale urgente.

Ce type d’aide médicale est dès lors accessible tant à ceux en séjour légal qu’illégal.

Il en résulte pour la cour que la condition de l’aide médicale urgente n’est pas d’être en séjour illégal.

En l’occurrence, l’intéressée était dans cette situation lors de sa demande d’octroi. Celle-ci date en effet d’avant le 1er janvier 2012. A l’époque les ressortissants roumains venus en Belgique pour y exercer une activité salariée devaient être titulaires d’une autorisation de séjour. L’intéressée n’était pas dans ces conditions.

La cour rappelle encore à ce stade l’arrêté royal du 12 décembre 1996 relatif à l’aide médicale urgente octroyée par les C.P.A.S. aux étrangers qui séjournent illégalement dans le Royaume, qui a précisé ce qu’il faut entendre par aide médicale urgente, étant une aide à caractère exclusivement médicale (ne pouvant dès lors pas être une aide financière, un logement ou une autre aide sociale en nature) et dont le caractère urgent est attesté par certificat médical. La disposition prévoit la possibilité d’assurer cette forme d’aide de manière ambulatoire ou dans un établissement de soins au sens de l’article 1er, 3° de la loi du 2 avril 1965 relative à la prise en charge des secours accordés par les CPAS. La disposition précise également que l’aide médicale urgente peut couvrir des soins de nature préventive ou curative.

En l’espèce, l’affection dont l’intéressée souffre (diabète II exigeant la prise d’insuline) n’est pas une aide urgente mais une aide médicale. En outre, la cour insiste sur le cadre général dans lequel celle-ci s’inscrit, étant celui de l’aide sociale et celle-ci s’inscrit dans un contexte d’état de besoin ne permettant pas à la personne de mener une vie conforme à la dignité humaine.

Tel est le cadre légal d’examen des conditions d’octroi et la cour va constater, en l’espèce, qu’elle a peu d’informations sur la situation de l’intéressée. Elle confirme dès lors le jugement.

Intérêt de la décision

Cet arrêt de la Cour du travail de Liège resitue la matière de l’aide médicale urgente dans le contexte général de l’aide sociale. L’arrêt vient rappeler que cette aide médicale urgente n’est pas liée à la condition d’un séjour illégal mais que, pour les personnes se trouvant dans cette situation, l’aide sociale ne peut prendre que la forme d’une aide médicale urgente.

Pour le surplus, les autres conditions de l’aide sociale sont à réunir, étant que la personne doit prouver qu’elle est dans un état de besoin et que celui-ci ne lui permet pas de mener une vie conforme à la dignité humaine.

Cet arrêt est également l’occasion de rappeler que le demandeur doit fournir tous éléments utiles aux fins de permettre l’examen des ressources dont il bénéficie, avec son conjoint. Dès lors que le CPAS n’est pas en mesure de connaître celles-ci, il ne peut conclure à l’état de besoin et à l’absence de possibilité pour l’intéressé de mener une vie conforme à la dignité humaine.


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